Réseaux Raccordement au réseau électrique : le propriétaire avait engagé des travaux sans autorisation

Arrêt du 24 février 2011- Conseil d’État - CE du 24 février 2011, n° 343442, « Mme A c/ Commune de Saint-Laurent-du-Var »

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Vu le pourvoi, enregistré le 23 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour Mme Paule André A, demeurant… ; Mme A demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 101708 du 9 septembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. ­521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande, tendant, d’une part, à la suspension de l’exécution de la décision révélée par un courrier d’Electricité Réseau Diffusion France (ERDF) du 19 avril 2010 par laquelle la commune de Saint-Laurent du Var a rejeté la demande de raccordement au réseau public d’électricité de son immeuble situé au 116 avenue des Oliviers ainsi que, en tant que de besoin, de la décision qui résulterait de la lettre du maire de Saint-Laurent-du-Var en date du 12 avril 2010 n’émettant un avis favorable à la demande de raccordement qu’à la condition que le nombre de logements autorisés dans le bâtiment reste inchangé, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à l’administration de prendre une décision dans les quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent-du-Var le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. ­761-1 du code de justice ­administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d’Etat,

– les observations de Me Ricard, avocat de Mme A, et de la SCP ­Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Saint-Laurent-du-Var,

– les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Ricard, avocat de Mme A, et à la SCP Piwnica, ­Molinié, avocat de la commune de Saint-Laurent-du-Var ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que Mme A est copropriétaire indivis de l’immeuble pour lequel elle a demandé un ­raccordement supplémentaire au réseau public d’électricité pour un appartement issu d’une division ; que la seule circonstance, retenue par le juge des référés, que la requérante aurait entrepris sans autorisation des travaux sur cet immeuble, n’est pas de nature à la priver d’intérêt à contester le refus de raccordement qui lui a été opposé ; qu’ainsi, en jugeant que la requérante ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir à l’encontre de ce refus, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une ­erreur de qualification juridique des faits ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander l’annulation de cette ­ordonnance ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande présentée par Mme A en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la ­décision » ;

Sur l’exception aux fins de non-lieu à statuer soulevée par la ­commune :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Saint Laurent du Var, le refus oppo­sé à la requérante n’a pas cessé de produire ses effets ; que, par suite, le litige n’a pas perdu son objet ; qu’il y a donc lieu d’y statuer ;

Sur les conclusions aux fins de suspension :

Considérant que la décision de la commune de Saint Laurent du Var, laquelle est susceptible de recours, rejetant la demande de raccordement au réseau électrique d’un appartement de l’immeuble dont Mme A, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, justifie d’un intérêt lui donnant qualité à agir, est copropriétaire indivis a pour effet de l’empêcher de percevoir les revenus locatifs de cet appartement alors qu’elle a réalisé des travaux intérieurs et de remise aux normes, pour lesquels elle supporte les échéances des prêts souscrits à cet effet ; que, dans ces conditions, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

Considérant que le moyen de Mme A tiré de ce que les conditions permettant au maire, en vertu de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, de s’opposer au raccordement litigieux n’étaient pas, en l’espèce, réunies, est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ; qu’en revanche, pour l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, les moyens tirés de ce que la requérante aurait dû être mise en mesure de présenter ses observations sur le refus qu’on se proposait de lui opposer en vertu de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, de ce que ce refus n’est pas suffisamment motivé, de ce qu’il serait entaché de détournement de pouvoir et de ce qu’il méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont pas de nature à faire naître un tel doute ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision litigieuse ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant que l’exécution de la présente ordonnance implique que la demande de Mme A soit réexaminée ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre à la commune de Saint Laurent du Var de procéder à ce réexamen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée par Mme A ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Saint Laurent du Var le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la commune de Saint Laurent du Var et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 9 septembre 2010 est annulée.

Article 2 : L’exécution de la décision du 12 avril 2010 du maire de Saint-Laurent-du-Var refusant d’autoriser le raccordement au réseau public d’électricité de l’immeuble dont Mme A est propriétaire est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Saint-Laurent-du-Var de procéder au réexamen de la demande de Mme A dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 4 : La commune de Saint Laurent du Var versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des conclusions du pourvoi et de la demande de première instance est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Paule André A et à la commune de Saint Laurent du Var.

COMMENTAIRE

Le maire d’une commune a rejeté la demande de raccordement au réseau électrique formée par la copropriétaire indivis d’un immeuble pour un appartement supplémentaire issu d’une division. Celle-ci a contesté la légalité de ce refus et demandé la suspension de cette décision au juge des référés. Sa demande a été rejetée au motif que l’intérêt pour agir n’était pas suffisant car les travaux avaient été entrepris sans autorisation.

Pour le Conseil d’État, un tel motif de rejet n’est pas légal. Le fait que la requérante ait entrepris les travaux de raccordement sans autorisation ne la prive pas de l’intérêt à contester le refus de raccordement. La condition d’urgence est également remplie car ce refus l’empêche de percevoir les revenus locatifs de l’appartement, alors qu’elle a réalisé des travaux intérieurs et qu’elle supporte les échéances des prêts souscrits.

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