Réseaux Raccordement au réseau électrique : le propriétaire avait engagé des travaux sans autorisation
Arrêt du 24 février 2011- Conseil d’État -
Vu le pourvoi, enregistré le 23 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour Mme Paule André A, demeurant… ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent-du-Var le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d’Etat,
– les observations de Me Ricard, avocat de Mme A, et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Saint-Laurent-du-Var,
– les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à Me Ricard, avocat de Mme A, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Saint-Laurent-du-Var ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que Mme A est copropriétaire indivis de l’immeuble pour lequel elle a demandé un raccordement supplémentaire au réseau public d’électricité pour un appartement issu d’une division ; que la seule circonstance, retenue par le juge des référés, que la requérante aurait entrepris sans autorisation des travaux sur cet immeuble, n’est pas de nature à la priver d’intérêt à contester le refus de raccordement qui lui a été opposé ; qu’ainsi, en jugeant que la requérante ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir à l’encontre de ce refus, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de qualification juridique des faits ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander l’annulation de cette ordonnance ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande présentée par Mme A en application des dispositions de l’
Considérant qu’aux termes de l’
Sur l’exception aux fins de non-lieu à statuer soulevée par la commune :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Saint Laurent du Var, le refus opposé à la requérante n’a pas cessé de produire ses effets ; que, par suite, le litige n’a pas perdu son objet ; qu’il y a donc lieu d’y statuer ;
Sur les conclusions aux fins de suspension :
Considérant que la décision de la commune de Saint Laurent du Var, laquelle est susceptible de recours, rejetant la demande de raccordement au réseau électrique d’un appartement de l’immeuble dont Mme A, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, justifie d’un intérêt lui donnant qualité à agir, est copropriétaire indivis a pour effet de l’empêcher de percevoir les revenus locatifs de cet appartement alors qu’elle a réalisé des travaux intérieurs et de remise aux normes, pour lesquels elle supporte les échéances des prêts souscrits à cet effet ; que, dans ces conditions, la condition d’urgence prévue à l’
Considérant que le moyen de Mme A tiré de ce que les conditions permettant au maire, en vertu de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, de s’opposer au raccordement litigieux n’étaient pas, en l’espèce, réunies, est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ; qu’en revanche, pour l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, les moyens tirés de ce que la requérante aurait dû être mise en mesure de présenter ses observations sur le refus qu’on se proposait de lui opposer en vertu de l’
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision litigieuse ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
Considérant que l’exécution de la présente ordonnance implique que la demande de Mme A soit réexaminée ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre à la commune de Saint Laurent du Var de procéder à ce réexamen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée par Mme A ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’
Décide :
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 9 septembre 2010 est annulée.
Article 2 : L’exécution de la décision du 12 avril 2010 du maire de Saint-Laurent-du-Var refusant d’autoriser le raccordement au réseau public d’électricité de l’immeuble dont Mme A est propriétaire est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint à la commune de Saint-Laurent-du-Var de procéder au réexamen de la demande de Mme A dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 4 : La commune de Saint Laurent du Var versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l’
Article 5 : Le surplus des conclusions des conclusions du pourvoi et de la demande de première instance est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Paule André A et à la commune de Saint Laurent du Var.
COMMENTAIRELe maire d’une commune a rejeté la demande de raccordement au réseau électrique formée par la copropriétaire indivis d’un immeuble pour un appartement supplémentaire issu d’une division. Celle-ci a contesté la légalité de ce refus et demandé la suspension de cette décision au juge des référés. Sa demande a été rejetée au motif que l’intérêt pour agir n’était pas suffisant car les travaux avaient été entrepris sans autorisation.
Pour le Conseil d’État, un tel motif de rejet n’est pas légal. Le fait que la requérante ait entrepris les travaux de raccordement sans autorisation ne la prive pas de l’intérêt à contester le refus de raccordement. La condition d’urgence est également remplie car ce refus l’empêche de percevoir les revenus locatifs de l’appartement, alors qu’elle a réalisé des travaux intérieurs et qu’elle supporte les échéances des prêts souscrits.