Le critère social d'attribution du marché n'était pas assez précis
Arrêt du 28 mai 2014 Conseil d'État
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 et 18 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Dijon, représentée par son maire ; la commune de Dijon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1400234 du 17 février 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant en application de l'
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Carrard Services ;
3°) de mettre à la charge de la société Carrard Services le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Bouchard, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de la commune de Dijon, et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la société Carrard -services ;
1. Considérant qu'aux termes de l'
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Dijon que la commune de Dijon a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché public portant sur le nettoyage de locaux de divers bâtiments, composé de trois lots ; que la société Carrard Services a été informée du rejet de son offre pour le lot n° 1, dont elle était précédemment attributaire ; qu'à la demande de cette société, le juge des référés a annulé, sur le fondement de l'
3. Considérant qu'aux termes de l'
4. Considérant, en deuxième lieu, que l'
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que figurait parmi les critères d'attribution du lot n° 1 un critère relatif à l'insertion de personnes en difficulté, décomposé en deux sous-critères, relatifs, l'un au nombre d'heures d'insertion proposées par les candidats avec un minimum de quatre mille heures, l'autre à la formation de ces personnes ; que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) comportait, à l'article 1-5, une " clause sociale ", détaillant la mise en oeuvre par l'attributaire de l'objectif d'insertion de la commune, en fonction notamment de l'obligation de reprise des personnels affectés au précédent marché stipulée par la convention collective applicable à ce secteur ; qu'eu égard au lien existant ainsi entre l'un des critères d'attribution du lot et l'exécution des prestations, c'est sans erreur de droit, ni erreur de qualification juridique que le juge des référés a pris en compte les stipulations du marché et les conditions de son exécution, pour apprécier si, ainsi que le soutenait la société Carrard Services, le critère relatif à l'insertion était ou non entaché d'incertitudes ou de contradictions ; que le juge des référés a pu, dès lors, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, estimer que ni les stipulations de l'article 1-5 du CCAP ni les explications complémentaires du pouvoir adjudicateur ne faisaient clairement apparaître comment s'appliquait l'engagement de l'attributaire relatif au nombre d'heures d'insertion en cas de reprise des personnels du marché précédent ; que c'est également par une appréciation souveraine exempte de dénaturation qu'il en a déduit que le sous-critère relatif au nombre d'heures de travail réservées à l'insertion professionnelle de personnes en difficultés était entaché d'incertitudes constitutives, en l'espèce, d'un manquement de la commune aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible de léser la société requérante ; qu'en annulant la totalité de la procédure de passation pour le lot n° 1, le juge des référés n'a, eu égard au manquement qu'il relevait, commis aucune erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Dijon n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, dont la motivation est, par ailleurs, suffisante et exempte de contradictions ;
7. Considérant que les dispositions de l'
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de la commune de Dijon est rejeté.
Article 2 : La commune de Dijon versera à la société Carrard Services une somme de 3 000 euros au titre de l'
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Dijon, à la société Carrard Services et à la société Id'ées 21.
COMMENTAIREUne commune a lancé une procédure d'appel d'offres pour la conclusion d'un marché de nettoyage de locaux. Le cahier des charges de la consultation prévoyait, parmi les critères d'attribution, un critère social portant sur le nombre d'heures d'insertion proposées et sur la formation des personnes en difficulté. Il prévoyait une clause sociale d'exécution du marché portant sur la mise en œuvre de l'objectif d'insertion en fonction, notamment, de l'obligation de reprise du personnel du marché précédent.
Mais pour le Conseil d'État, le contenu du critère social n'était pas suffisamment précis. En effet, ni les stipulations du CCAP (cahier des clauses administratives particulières), ni les explications complémentaires du pouvoir adjudicateur ne montrent comment s'appliquait l'engagement de l'attributaire relatif au nombre d'heures de travail réservées à l'insertion en cas de reprise du personnel.
Le Conseil d'État confirme l'ordonnance du juge des référés qui avait annulé la totalité de la procédure de passation. Cette décision rappelle que la validité du critère social employé par le pouvoir adjudicateur, ainsi que son contenu précis doivent être appréciés au regard du contenu du marché et de ses conditions d'exécution.
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