La charte d'un parc peut limiter l'extraction de matériaux à certaines zones
Arrêt du 25 juin 2014 Conseil d'État
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février 2013 et 14 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (Unicem) Midi--Pyrénées, dont le siège est 35, boulevard des Récollets à Toulouse (31400), et l'Unicem Languedoc--Roussillon, dont le siège est Techniparc, 385, rue Alfred Nobel, BP 63, 34935 Montpellier Cedex 9 ; l'Unicem Midi-Pyrénées et l'Unicem Languedoc-Roussillon demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (-Unicem) ;
1. Considérant que l'Unicem de Midi-Pyrénées et l'Unicem de Languedoc-Roussillon demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 2 du décret du 11 décembre 2012 portant classement du parc naturel régional du Haut-Languedoc en tant qu'il adopte la mesure 3.1.3 de la charte et les plans s'y rapportant ;
2. Considérant qu'aux termes de l'
3. Considérant que la charte d'un parc naturel régional est un acte destiné à orienter l'action des pouvoirs publics dans un souci de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public sur le territoire du parc et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis ; qu'il appartient, dès lors, à l'Etat et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en oeuvre les compétences qu'ils tiennent des différentes législations, dès lors qu'elles leur confèrent un pouvoir d'appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définis ; que, toutefois, la charte d'un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard ; qu'elle ne peut davantage subordonner légalement les demandes d'autorisations d'installations classées pour la protection de l'environnement à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur ; que si les orientations de protection, de mise en valeur et de développement que la charte détermine pour le territoire du parc naturel régional sont nécessairement générales, les mesures permettant de les mettre en oeuvre peuvent cependant être précises et se traduire par des règles de fond avec lesquelles les décisions prises par l'Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte dans l'exercice de leurs compétences devront être cohérentes, sous réserve que ces mesures ne méconnaissent pas les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu'elles concernent ; que leur légalité est également subordonnée à leur compatibilité avec l'objet que le législateur a assigné aux parcs naturels régionaux et à leur caractère nécessaire pour la mise en oeuvre des orientations de la charte ;
4. Considérant que la mesure 3.1.3 de la charte comporte des orientations stratégiques en ce qui concerne l'exploitation des carrières sur le territoire du parc, dont l'une consiste " à poursuivre l'exploitation des matériaux du sous-sol du massif du Sidobre ", l'autre à " valoriser les autres gisements potentiels, identifiés par les schémas départementaux des carrières sur le territoire du parc, à travers la possibilité de renouveler et étendre les carrières existantes ", sauf dans les zones regardées comme " espace d'intérêt écologique " et " espace paysager remarquable ", et dont la dernière consiste à " permettre la réouverture d'anciennes petites carrières patrimoniales " ; qu'au nombre des engagements pris par l'Etat figurant dans la charte figure celui d'associer le syndicat mixte du parc dans la révision des schémas directeurs en s'assurant de la prise en compte des orientations particulières et déclinaisons locales de la charte à réaliser ;
5. Considérant que l'activité d'extraction de matériaux étant susceptible de provoquer des nuisances environnementales et paysagères, une charte de parc naturel régional peut légalement comporter les mesures précises énoncées au point précédent et imposer, en particulier, une localisation de cette activité dans des zones qui lui sont affectées ; qu'un schéma départemental des carrières prend en compte, selon les termes de l'
6. Considérant que si les requérants soutiennent que les auteurs de la charte ont méconnu le principe d'égalité en ne permettant l'ouverture de nouvelles carrières que dans le massif du Sidobre, où prédominent les matériaux graniteux, une telle différence de traitement est en rapport direct avec les objectifs de protection de l'environnement poursuivis par la charte, et n'est pas manifestement disproportionnée eu égard à la différence de situation entre le massif du Sidobre et les autres parties du territoire du parc naturel régional ;
7. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'erreur d'appréciation au regard du respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie doit être écarté, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les orientations et les mesures contenues au 3.1.3 de la charte apporteraient à l'activité extractive de matériaux des restrictions qui ne seraient pas nécessaires à l'objectif de protection de l'environnement ;
8. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort des pièces du dossier que les cartes contenues dans la charte exposent avec une précision suffisante les parties du territoire du parc définissant les orientations relatives à l'exploitation des carrières ; que, par suite, le moyen tiré de l'atteinte à l'objectif d'intelligibilité de la norme et de la méconnaissance de l'
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la mesure 3.1.3 de la charte du parc naturel régional du Haut-Languedoc ;
10. Considérant que les dispositions de l'
Décide :
Article 1er : La requête de l'Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (Unicem) Midi--Pyrénées et de l'Unicem Languedoc--Roussillon est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (Unicem) Midi-Pyrénées et à l'Unicem Languedoc-Roussillon, au Premier ministre et à la ministre de l'écologie , du développement durable et de l'énergie.
COMMENTAIREDeux unions professionnelles régionales ont introduit une requête en annulation de l'article 2 du décret du 11 décembre 2012. Ce texte porte classement du parc naturel régional du Haut-Languedoc et adopte la charte du parc qui fixe des orientations stratégiques pour l'exploitation des activités d'extraction de matériaux. Or la charte limite notamment la possibilité d'ouvrir de nouvelles carrières à un seul des massifs du parc.
Pour le Conseil d'État, la charte d'un parc naturel régional peut imposer une localisation des carrières dans certaines zones déterminées. La localisation de l'extraction de matériaux dans des zones qui sont affectées par la charte est justifiée par le fait que cette activité est susceptible de provoquer des nuisances environnementales et paysagères.
Cet arrêt complète celui rendu par le
Conseil d'État le 8 février 2012 (n° 321219 ) et confirme la valeur juridique particulière des chartes de parcs naturels régionaux. Celles-ci, en fixant des objectifs de protection de l'environnement et d'aménagement du territoire, orientent l'action des pouvoirs publics. Le présent arrêt ajoute que la charte peut directement encadrer l'exercice de certaines activités au nom de ces mêmes objectifs.
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