La construction et le raccordement sont deux opérations distinctes
Arrêt du 4 juin 2014 Conseil d'État
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 29 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Ferme éolienne de Tourny, dont le siège est 233, rue du Faubourg Saint-Martin à Paris (75010), représentée par son représentant légal ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10DA00973 du 23 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, sur requête de l'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien et autres, d'une part, a annulé le jugement n° 0801687 du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel le préfet de l'Eure l'a autorisée à édifier six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tourny et, d'autre part, a annulé cet arrêté ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien et autres ;
3°) de mettre à la charge de l'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien et autres le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémi Decout--Paolini, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maud -Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Ferme éolienne de Tourny et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la SCI du Château de Tourny ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de l'Eure a délivré le 28 mars 2008 à la société Ferme éolienne de Tourny un permis de construire six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tourny ; que, par un jugement du 30 juin 2010, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande d'annulation de ce permis présentée par l'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien, l'association des amis du Vexin français et la SCI du Château de Tourny ; que sur requête de l'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien et autres, la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 23 décembre 2011 fondé sur deux motifs, annulé le jugement du tribunal administratif de Rouen ainsi que le permis de construire ; que la société Ferme éolienne de Tourny se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sur le premier motif d'annulation retenu par la cour :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme applicable au litige : " La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique / (...) Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe à la demande de permis de construire " ; que la cour administrative d'appel de Douai a jugé que l'enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison d'un parc éolien aux postes sources du réseau électrique nécessitait une occupation des ouvrages du réseau public de distribution implantés sur le domaine public et que, faute pour la société pétitionnaire de justifier de la délivrance à cette fin d'une autorisation d'occupation du domaine public, elle ne pouvait être regardée comme disposant d'un titre l'habilitant à construire ; qu'il résulte toutefois des articles 14 et 18, alors applicables, de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité que le raccordement des ouvrages de production d'électricité au réseau public de transport d'électricité ainsi qu'aux réseaux publics de distribution d'électricité incombe aux gestionnaires de ces réseaux ; qu'ainsi, le raccordement, à partir de son poste de livraison, d'une installation de production d'électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l'autorisant ; que la délivrance de ce permis n'est donc pas subordonnée, hors l'hypothèse où l'installation serait elle-même implantée, en tout ou en partie, sur le domaine public, à l'obtention préalable d'une autorisation d'occupation du domaine public ; qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen dirigé contre ce premier motif d'annulation retenu par la cour administrative d'appel de Douai, que la société Ferme éolienne de Tourny est fondée à soutenir que l'arrêt est entaché d'erreur de droit sur ce point ;
Sur le second motif d'annulation retenu par la cour :
3. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
4. Considérant que, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen ainsi que le permis de construire délivré par le préfet de l'Eure, la cour administrative d'appel de Douai a également estimé qu'il ne ressortait d'aucune pièce du dossier que l'avis du maire de Tourny aurait été recueilli par le préfet de l'Eure en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme ; qu'elle n'a pas recherché si l'absence de consultation du maire de Tourny, à la supposer établie, avait été susceptible, en l'espèce, d'exercer une influence sur le sens de l'arrêté litigieux ou de priver les personnes intéressées d'une garantie ; que, par suite, la société Ferme éolienne de Tourny est également fondée à soutenir que l'arrêt est entaché d'erreur de droit sur ce point ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ferme éolienne de Tourny est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles
6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien et de la SCI du Château de Tourny, au titre des articles
Décide :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 23 décembre 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : L'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien et la SCI du Château de Tourny verseront chacune une somme de 1 000 euros à la société Ferme éolienne de Tourny au titre des dispositions des articles
Article 4 : Les conclusions de l'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien et de la SCI du Château de Tourny présentées au titre de l'
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Ferme éolienne de Tourny, à l'association Sauvegarde des villages du canton d'Ecos menacés par l'éolien et à la SCI du Château de Tourny.
COMMENTAIREUn préfet autorise une société à construire six éoliennes et un poste de livraison. Une association de protection de l'environnement conteste la légalité du permis de construire. Elle estime qu'une autorisation d'occupation du domaine public aurait dû être délivrée au préalable, pour permettre le raccordement des installations au réseau de distribution d'électricité.
Pour le Conseil d'État, la délivrance du permis ne devait pas être précédée d'une telle autorisation. Le permis de construire une installation de production d'électricité n'est pas soumis aux actes permettant le raccordement au réseau. Il n'est donc pas subordonné à l'obtention préalable d'une autorisation d'occupation du domaine public, sauf si l'installation est implantée en tout ou partie sur le domaine public.
Le Conseil d'État juge que le raccordement d'une installation de production d'électricité au réseau électrique, à partir de son poste de livraison, se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation. Le raccordement est donc sans rapport avec la procédure de délivrance du permis autorisant cette construction. L'arrêt contraire de la cour administrative d'appel est donc annulé.
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