Accepter de participer à une expertise amiable n'est pas sans risque

Droit de la construction -

Arrêt du 19 novembre 2013 Cour de cassation Cass. com. du 19/11/13, n° 12-20143, « Société Tannerie Gal c/ société Limousin chaudronnerie industrielle et a. »

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La Cour de cassation, chambre commerciale, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Tannerie Gal que sur le pourvoi incident provoqué et éventuel relevé par la société Allianz ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Tannerie Gal a confié différents travaux à la société Limousin chaudronnerie industrielle (la société LCI) et à la -société Sommier ; que, se plaignant de désordres, elle a assigné ces sociétés et leur assureur la société AGF devenue Allianz, en paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident :

Attenduque ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attenduque la société Allianz fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant jugé que le rapport d'expertise clos le 5 janvier 2009 était contradictoire et d'avoir déclaré la société LCI-Groupe Sommier responsable des désordres affectant l'installation mise en place dans l'unité de traitement et production de peaux appartenant à la société Tannerie Gal, alors, selon le moyen, que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut pour autant se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, sauf à méconnaître le principe de l'égalité des armes ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité des sociétés LCI et Sommier, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur les deux rapports établis par M. X..., expert missionné par la société Tannerie Gal ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que l'expertise a été menée à l'initiative de la société Tannerie Gal, et qu'elle a donné lieu à deux rapports, l'arrêt retient que s'agissant du premier rapport, ses opérations ont été menées totalement contradictoirement, toutes les parties ayant été convoquées aux deux réunions d'expertise qui se sont déroulées le 4 juin 2008 et 10 septembre 2008, étant présentes aux opérations et ayant pu faire valoir leurs observations et déposer leurs pièces ; qu'il retient encore que si l'expert a été choisi par une partie, et non désigné par une juridiction, les parties, en participant aux opérations et en admettant la discussion l'ont admis en qualité d'expert pour arbitrer le litige ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas statué au vu du second rapport pour lequel elle a ordonné la reprise des opérations, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Attenduque la société Allianz soutient que le moyen qui critique le chef de dispositif de l'arrêt la mettant hors de cause, est irrecevable, comme ne faisant pas grief à la société Tannerie Gal ;

Mais attenduque la mise hors de cause de la société Allianz, anciennement AGF, a été prononcée en réponse à la demande de la société Tannerie Gal de condamner in solidum les sociétés LCI et AGF, cette dernière en sa qualité d'assureur de la société LCI ; qu'elle lui fait donc grief ; que le moyen est recevable ;

Et sur le moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attenduque pour mettre hors de cause la société AGF devenue Allianz, l'arrêt, après avoir relevé que la société Allianz oppose sa non garantie, retient que la société LCI-Groupe Sommier ne discute pas dans ses écritures cette exception de garantie qui lui est opposée et ne forme aucune demande de condamnation à l'encontre de cette compagnie d'assurances ;

Attenduqu'en statuant ainsi alors que la société Allianz ne demandait pas sa mise hors de cause et ne contestait pas être tenue de garantir la perte de marchandises, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie AGF devenue Allianz, l'arrêt rendu le 15 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;

Condamne la société Allianz aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille treize.

Moyens annexes au présent arrêt Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Tannerie Gal, demanderesse au pourvoi principal

Premier moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef :

D'avoir mis hors de cause la société Babcock Wanson ;

Aux motifs qu'« il résulte des pièces versées aux débats que la SA Babcock Gal (sic) a fourni à la SARL Tannerie GAL une chaudière à vapeur à tubes de fumées type BWE modèle 150 comportant en options la purge de déconcentration automatique de surface, la mesure et la régulation en fonction de l'oxygène sur les fumées, ainsi que le démantèlement avec mise à l'extérieur, grutage et évacuation de l'ancienne chaudière, avec fourniture d'alimentation gaz, du poste d'alimentation en eau de la chaufferie vapeur et évacuation, et d'un poste de filtration d'eau process (pour eau chaude) comportant deux filtres à silex ; que sa prestation s'étendait également à la livraison du matériel, sa mise en service et l'instruction du personnel qualifié ; qu'il est apparu que la SA Babcock a bien fourni le matériel mais que le restant de sa prestation a été, à l'insu de la Tannerie Gal, sous-traité à la société LCI-Groupe Sommmier ; que ce faisant, les désordres dénoncés et constatés n'affectent pas le matériel fourni par la SA Babcock et sa mise en oeuvre, et il n'est pas démontré par la société LCI que la SA Babcock aurait fait office de maître d'oeuvre sur l'ensemble des prestations commandées par la Tannerie Gal, y compris celles commandées auprès de LCI, et le seul fait, non démontré non plus, que la SA Babcock aurait recommandé la société LCI à la Tannerie Gal ne saurait suffire à lui seul à engager sa responsabilité ; que cette société sera mise hors de cause et le jugement réformé de ce chef » (arrêt p. 8 in fine et 9 1 et 2) ;

Alors, d'une part, que tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, la SARL Tannerie Gal recherchait la responsabilité délictuelle de la société Babcock Wanson, en charge depuis de nombreuses années de la maintenance de la chaufferie, pour manquement à son devoir d'information et de conseil envers sa sous--traitante, la société LCI, pour ne l'avoir pas renseignée « sur les caractéristiques physico-chimiques de l'eau provenant de la rivière Vincou », « afin que toutes précautions soient prises quant au traitement de l'eau » ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que dès lors qu'elle relevait que si la société Babcock Wanson avait bien fourni le matériel, elle avait « à l'insu de la Tannerie Gal, sous-traité à la société LCI-Groupe Sommmier » le restant de sa prestation, notamment la livraison du matériel, sa mise en service et l'instruction du personnel qualifié, la Cour d'appel se devait de rechercher si cette sous-traitance de prestation, à l'insu du maître de l'ouvrage, n'impliquait pas tout particulièrement que la société Babcock Wanson informe la société LCI des contraintes techniques liées aux caractéristiques physico-chimiques de l'eau ; qu'en ne le faisant pas, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Alors subsidiairement qu'en se bornant à affirmer qu'« il n'est pas démontré par la société LCI que la SA Babcock aurait fait office de maître d'œuvre sur l'ensemble des prestations commandées par la Tannerie Gal, y compris celles commandées auprès de LCI, et le seul fait, non démontré non plus, que la SA Babcock aurait recommandé la société LCI à la Tannerie Gal ne saurait suffire à lui seul à engager sa responsabilité », sans analyser plus avant les circonstances de l'espèce et les documents de la cause qui, comme le soulignait la société Tannerie Gal dans ses écritures d'appel, confortaient le rôle de la société Babcock Wanson auprès de la société LCI, la Cour d'appel a privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

Second moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef :

D'avoir mis hors de cause la société AGF, devenue Allianz ;

Aux motifs que « sur le fondement de l'article 4.1 10 page 15 des dispositions générales du contrat conclu avec la société LCI-Groupe Sommier, la compagnie Allianz venant aux droits de la compagnie AGF oppose sa non garantie ; que la société LCI-Groupe Sommier ne discute pas dans ses écritures cette exception de garantie qui lui est opposée, mais encore elle ne forme aucune demande de condamnation à l'encontre de cette compagnie d'assurances ; que cette dernière sera en conséquence mise hors de cause » (arrêt p. 10) ;

Alors, d'une part, que tout jugement doit être motivé ; que la société Tannerie Gal faisait valoir dans ses écritures d'intimée que « cet assureur reconnaît devant la Cour devoir couvrir la perte de marchandises à hauteur de 208.340,61 € » (p. 11 in fine) et ensuite, concernant les travaux de remise en état de l'installation exécutés afin de limiter le préjudice subi et ceux restant à exécuter, « qu'il n'existe aucune clause formelle et limitée dans la police excluant des dommages causés par la faute de l'assuré aux ouvrages qu'il a mis en place ; qu'Allianz doit donc, non seulement assurer les dommages causés aux peaux et leurs conséquences, ce qu'elle ne conteste pas, mais aussi les dommages causés aux installations corrodées par les eaux de la rivière non traitées comme elles auraient dû l'être... dommages causés par la prestation de l'assurée dont la négligence a entraîné les corrosions litigieuses » (p. 12 et 13) ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions de nature à justifier la garantie de l'assureur, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que l'objet du litige est déterminé parles prétentions respectives des parties ; que concernant la police souscrite, la société Allianz, aux droits de la compagnie AGF, ne sollicitait nullement sa mise hors de cause pure et simple mais demandait seulement la réformation du jugement « en ce qu'il a retenu la garantie de la compagnie Allianz sur des demandes relatives à la mise en état de l'installation et des travaux restant à exécuter », ce qui laissait subsister sa condamnation à garantir les pertes subies sur la marchandise à hauteur de 208.340,61 € ; qu'en mettant purement et simplement hors de cause la compagnie Allianz, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.

Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Allianz, demanderesse au pourvoi incident provoqué et éventuel

Premier moyen de cassation :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant jugé que le rapport d'expertise clos le 5 janvier 2009 était contradictoire et d'avoir déclaré la société LCI-Groupe Sommier responsable des désordres affectant l'installation mise en place dans l'unité de traitement et production de peaux appartenant à la SARL Tannerie Gal ;

Aux motifs propres que M. Roger X..., ingénieur des arts et métiers et ingénieur civil de France, expert agréé par la Cour de cassation, a été désigné le 15 mai 2008 par la SARL Tannerie Gal pour procéder à une expertise privée avec pour mission de rechercher les causes et origines des dysfonctionnements affectant le remplacement de l'installation de production de vapeur et d'eau chaude de sa tannerie, donner un avis sur les travaux pour y remédier, les préjudices subis ayant un lien de -causalité avec les désordres, ainsi que sur les responsabilités des intervenants ; que l'expert, après avoir vaqué à sa mission, a déposé son rapport le 5 janvier 2009 ; que saisi une deuxième fois par la SARL Tannerie Gal pour donner son avis sur les travaux qu'elle a fait exécuter à ses frais avancés de fin juillet 2009 à fin août 2009 par la société Griffon, ainsi que sur les préjudices subis, l'expert M. X... déposera un rapport dit « complémentaire » le 9 décembre 2009 ; que s'agissant du premier rapport, celui-ci est, contrairement à ce que soutiennent à tort les appelants, totalement contradictoire, toutes les parties dûment convoquées aux deux réunies d'expertise par lettre simple, courriel et LRAR, qui se sont déroulées le 4 juin 2008 et le 10 septembre 2008, étaient présentes aux opérations, et ont pu faire valoir leurs observations et déposer leurs pièces ; qu'il est dès lors indifférent que l'expert ait été choisi par une des parties et non désigné par une juridiction, dès lors que sa compétence n'est pas remise en cause et que les parties en participant aux opérations et en admettant la discussion l'ont admis en sa qualité d'expert pour arbitrer le litige ; que ces deux réunions menées contradictoirement en présence de l'ensemble des parties ont porté d'une façon extrêmement complète :

- sur l'étude technique de l'ensemble des installations mises en place tant par la société Babcock que par la SARL LCI et la SAS Sommier, et la constatation des désordres les affectant,

- sur les prélèvements d'eau chaude et leur analyse faite auprès de la société Dypan mais également sur les analyses faites antérieurement à l'expertise, réalisées par l'institut d'analyses et d'essais en chimie, les rendant ainsi contradictoires ;

- sur l'analyse des procès-verbaux d'huissier dressés les 6 et 8 décembre 2007 constatant les désordres sur les matériels, et celui du 1er septembre 2008 constatant les dommages relatifs aux peaux traitées affectées de tâches du fait de la corrosion des ballons d'eau et des tuyauteries, les rendant également contradictoires,

- sur les causes et origines des désordres constatés,

- sur la nature et l'étendue des travaux à exécuter pour remédier aux désordres constatés, ainsi que sur leurs modalités détaillées d'exécution, et analyse des devis produits,

- sur la nature des préjudices en lien avec les désordres,

- sur l'analyse des pièces contractuelles liant les parties et sur les responsabilités susceptibles d'être engagées, au cours de laquelle chacune des parties a pu décrire la nature et l'étendue de son intervention,

Que ces opérations menées contradictoirement et objet du premier rapport d'expertise n'encourent aucune critique ; que ce rapport ne peut donc qu'être accueilli ; que toutefois ce premier rapport a été clos sans que l'expert ne puisse chiffrer l'intégralité des préjudices subis par la Tannerie Gal, du fait manifestement de la difficulté d'obtenir des devis de professionnels qualifiés eu égard à la spécificité de ces matériels, et seuls les devis établis par la société Cofathec pour le remplacement des deux ballons d'eau chaude et celui portant sur les travaux qualifiés de la « première urgence » par l'expert (cf. page 100) ont été retenus par ce dernier à hauteur de 107.925,60 euros TTC valeur août 2008 (page 103 du 1er rapport) et 3.106,97 euros TTC (page 101 du 1er rapport) ; que l'expert a par ailleurs chiffré le préjudice de la Tannerie Gal portant sur les peaux affectées de tâches, tel que ce désordre a été dénoncé dès le 7 décembre 2007 à la société LCI-Groupe Sommier par la SARL Tannerie Gal et constaté par un PV d'huissier du 1er septembre 2008 qui a été discuté contradictoirement lors de la réunion d'expertise du 10 septembre 2008 (cf. page 87 du 1er rapport) ; que toutefois cet expert n'a pu que limiter dans le temps ce préjudice qu'il a arrêté au 31 mai 2008 sauf à parfaire jusqu'à la réalisation des travaux et qu'il a chiffré au vu des pièces produites à la somme de 122.074 euros HT (page 106 et 107 du 1er rapport) ; que sur ce dernier chef de préjudice, la société LCI-Groupe Sommier a fait une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d'assurance AGF qui a diligenté le cabinet d'expertise Saratec qui est intervenu le 5 mars 2008 et le 17 décembre 2008 (courrier adressé le 17 décembre 2008 par LCI à l'expert X...) ; que toutefois à la clôture de ces opérations, l'expert X... n'avait pas été destinataire des conclusions de ce cabinet d'expertise ; que suite à ce rapport, la SARL Tannerie Gal qui avait comme urgence de mener à nouveau une exploitation normale et limiter ainsi son préjudice au niveau de la production des peaux, qui du fait de la corrosion des ballons d'eau chaude et des tuyauteries se tachaient devenant ainsi impropres à la vente ou commercialisables à moindre coût, a fait procéder, conformément aux préconisations de l'expert et à ses frais avancés, aux travaux urgents par la société Griffon pour un montant de 98.926,40 euros TTC, fait établir des devis pour les travaux restant à finir tels que prévus par l'expert lors de la réunion du 10 septembre 2008, et finaliser son préjudice commercial ; que c'est dans ces conditions que la SARL Tannerie Gal saisissait à nouveau l'expert M. X... pour qu'il donne son avis chiffré sur les factures acquittées relatives à cette première tranche de travaux achevée, sur les devis obtenus pour celle à venir, et sur les justificatifs produits pour arrêter son préjudice commercial définitif ; que l'expert X... vaquait à ces opérations et déposait, au vu des pièces produites par la SARL Tannerie Gal, son rapport dit « rapport complémentaire » qui a porté sur deux série de travaux :

- la première série a consisté en la prise de clichés photographiques de l'installation refaite et des matériels démontés de l'ancienne installation défectueuse remisée sur le site de l'entreprise faisant apparaître les désordres constatés lors de la première expertise ;

- la deuxième série de travaux a consisté à collationner les factures acquittées, les devis et les pièces attestant du préjudice commercial, que l'expert a validés pour être conformes à ses constatations techniques, et préconisations arrêtées lors de la première expertise, puis, annexées à son rapport ;

Que c'est ainsi qu'il a arrêté les préjudices comme suit :

- sur les travaux de remplacement des matériels constatés contradictoirement défectueux et inadaptés pour assurer une exploitation normale de la tannerie et après les avoir déclarés conformes à ceux préconisés et arrêtés lors des réunions contradictoires du 4 juin et 10 septembre 2010 et qu'il avait chiffrés à la somme de 107.925,60 euros les a validés à hauteur de 98.926,06 euros TTC ou 82.714,11 euros HT (page 125 et 136 du 2e rapport),

- les travaux à venir, également arrêtés au cours de ces réunions contradictoires qu'il a validés à la somme de 67.650 euros HT ou 80.909,40 euros TTC (pages 126, 127 et 136 du 2e rapport) ;

Puis l'expert a complété le préjudice, en lien avec les désordres constitués par la perte des peaux qui du fait de la corrosion se sont tâchées, qu'il avait arrêté lors de la première expertise au 31 mai 2008 à la somme de 122.074 euros HT et réservé pour le surplus dans l'attente de la réalisation des travaux pour l'étendre jusqu'au 3 juillet 2009 (cf. détail du préjudice page 127, 128, 130, 131, 132 et 133 du 2e rapport) et qu'il a arrêté dans son montant définitif à la somme de 208.340,61 euros HT ; que l'expert a ainsi chiffré le préjudice global et définitif subi par la société Tannerie Gal à la somme de 358.704,72 euros HT ou 429.010,84 euros TTC ; qu'il résulte ainsi de cet exposé que ce rapport dit « complémentaire » n'est en réalité que le prolongement chiffré des investigations menées contradictoirement par l'expert qui a donné lieu à son premier rapport déposé le 5 janvier 2009 ; que le seul fait que cet expert n'ait pas cru devoir, dans ce contexte, convoquer les parties, ne doit pas pour autant conduire à annuler le rapport « complémentaire » qui en est résulté (cf. arrêt, p. 6 à 8) ; qu'il résulte des constatations de l'expert que des désordres affectent ces installations car la qualité des matériels ainsi mis en place s'est avérée incompatible avec les qualités physico-chimiques de l'eau utilisée, et à cet égard il a été relevé que la société LCI-Groupe Sommier avait commis une faute en ne procédant pas préalablement au choix des matériels, à l'analyse de l'eau froide d'alimentation des filtres à silex fournis par la société -Babcock dès lors que celle-ci ne provenait pas du réseau d'eau potable, mais était tirée, comme par le passé, dans le ruisseau « Le Vincou » ; que c'est ainsi, s'agissant des deux ballons d'eau, que la qualité avérée de l'eau ne permettait pas de respecter les prescriptions techniques du fabricant Lacaze et notamment les limites du TH, de PH, de l'indice Ryznar et de la teneur en chlorures ; qu'en outre, l'installation par la société LCI comportait une hétérogénéité de matériaux : acier ordinaire et acier inoxydable de qualité non définie pour les tuyauteries, revêtement aluminium pour les ballons d'eau chaude, robinetterie en matériaux divers ; qu'enfin, la société LCI avait omis de mettre en place des filtres appropriés de nature à éviter tout transfert d'impuretés vers les zones de traitement des peaux, avec encore des défauts d'exécution généralisés des peintures extérieures de protection des canalisations ; qu'il en est résulté une corrosion interne évolutive sur l'installation au point que l'expert a préconisé son remplacement auquel a -procédé pour partie la Tannerie Gal à ses frais avancés ; qu'à cet égard, la société LCI-Groupe Sommier en avait convenu puisqu'elle avait fait la proposition dès le 15 mai 2008 de procéder elle-même au remplacement des ballons qui n'a pas été retenue par l'expert comme fiable par rapport à la température maximale d'utilisation de l'eau pouvant atteindre 75°C, ainsi qu'à la qualité de l'eau, et ce, tel que cela a été analysé par le laboratoire de la société Dipan auprès de qui l'expert a sollicité l'avis (page 102 du 1er rapport) ; qu'il résulte de cet énoncé que la société LCI Groupe Sommier est seule et entièrement responsable des désordres affectant l'installation que la SARL Tannerie Gal lui a commandée, et son obligation à réparation ne saurait être sérieusement contestée ; qu'en conséquence, elle sera tenue au coût du remplacement de l'installation ainsi que des conséquences ayant résulté directement de cette corrosion qui a maculé de tâches les peaux traitées qui n'ont pu de ce fait, être commercialisées pour partie, et pour autre partie seulement à un moindre coût, sachant en outre que cette tannerie fournit des clients prestigieux et exigeants tel que la société Hermès ; que ces désordres affectant les peaux ont été dénoncés à la société LCI dès le mois d'octobre 2007 alors que l'installation avait été mise en fonctionnement seulement depuis le 15 août 2007, et constatés par procès-verbal d'huissier le 1er septembre 2008 qui a fait l'objet d'une discussion contradictoire avec l'expert lors de la réunion du 10 septembre 2008 » (cf. arrêt, p. 9 et 10) ;

Et aux motifs adoptés que le tribunal retient qu'il ressort du premier rapport d'expertise que « toutes les pièces produites par la SARL LCI font mention de l'appartenance de cette entreprise à la SA Sommier » ; que les devis sont d'ailleurs établis au nom de la société LCI et de la SA Groupe Sommier de sorte que ces deux personnes morales sont l'une et l'autre responsables des obligations qu'elles ont souscrites dans le contrat d'entreprise signé avec la société Gal ; que la société Sommier ayant fait une déclaration de sinistre à son assureur la compagnie AGF devenue Groupe Allianz qu'elle entend donc prendre en charge les conséquences des fautes commises par sa filiale qu'il entend débouter la SA Sommier de sa demande de mise hors de cause ; que le tribunal retient encore qu'il ressort du rapport d'expertise une hétérogénéité des matériaux fournis par la société LCI sous sa propre initiative et sous sa propre responsabilité mais également des phénomènes d'incompatibilité entre l'eau telle qu'elle existe sur le réseau et les matériaux fournis par la société LCI ; qu'en effet la SARL LCI a reconnu ne pas avoir fait procéder à une analyse de l'eau froide destinée à l'alimentation des ballons ainsi que le préconisait la société Lacaze, fournisseur des ballons ; que l'expert ajoute qu'« il existe un lien de causalité entre les dommages qui affectent les peaux traitées et l'installation exécutée par la SARL LCI » ; que cette dernière avait proposé à la société Tannerie Gal le remplacement des ballons par des ballons stratifiés vert résine vinylester ; que l'expert a alors sollicité l'avis du laboratoire de la société Dipan qui a émis un avis défavorable quant à la solution proposée car ce type de revêtement qui ne supporterait pas les températures élevées de l'eau utilisée par les -tanneries ; qu'enfin l'expert conclut son rapport en disant que la société Gal ne peut en aucun cas voir sa responsabilité engagée même pour partie car compte tenu de son activité, elle est notoirement incompétente pour fournir un avis ou une observation technique sur les installations qui lui ont été proposées et qui ont été réalisées par les sociétés Babcock, LCI et Sommier ; qu'il conclut à la responsabilité de celles-ci dans le présent litige, étant précisé que la société Sommier a souscrit une police d'assurance responsabilité des entreprises industrielles et commerciales qui couvre également la société LCI et qui a pour objet de garantir les dommages causés par la prestation de l'assuré ; que le groupe Allianz a confirmé cette position par courrier du 21 janvier 2010 ; que s'agissant du second rapport d'expertise chiffrant le préjudice de la société Tannerie Gal et constatant la qualité des travaux exécutés sur le matériel et les tuyauteries remplacées par une société tierce, la société Griffon, le tribunal retient que cette dernière a procédé le 15 octobre 2009 au remplacement des ballons défectueux selon les préconisations de l'expert, à l'installation de filtres « hurricane » en urgence ainsi qu'au remplacement d'une partie des liaisons de tuyauteries, le tout aux frais avancés de la société Gal ; que ces travaux ont été chiffrés à la somme de 82.714,11 euros HT ; que compte tenu des constatations techniques sur les canalisations qui présentent des dépôts de résidus de corrosion et afin d'assurer une exploitation normale de la tannerie, l'expert demande des travaux complémentaires de l'ordre de 67.650 euros HT ; que s'agissant du préjudice financier subi par la société Tannerie Gal suite aux détériorations des peaux et perte sur les cuirs et se reportant aux pièces justificatives versées au dossier, factures des entreprises, factures clients certifiées par la société d'expertise comptable Semcob, les préjudices subis se chiffrent à un montant global de 358.704,72 -euros HT (cf. jugement, p. 7 et 8) ;

Alors que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut pour autant se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, sauf à méconnaître le principe de l'égalité des armes ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité des sociétés LCI et Sommier, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur les deux rapports établis par M. X..., expert missionné par la société Tannerie Gal (cf. arrêt, p. 9) ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16 du Code de procédure civile et 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Second moyen de cassation :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause la société Babcock Wanson ;

Aux motifs qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société Babcock Wanson a fourni à la société Tannerie Gal une chaudière à vapeur à tubes de fumées type BWB modèle 150 comportant en options, la purge de déconcentration automatique de surface, la mesure et la régulation en fonction de l'oxygène sur les fumées, ainsi que le démantèlement avec mise à l'extérieur, grutage et évacuation de l'ancienne chaudière, avec fourniture de l'alimentation gaz du poste d'alimentation en eau de la chaufferie vapeur et évacuation, et d'un poste de filtration d'eau process (pour eau chaude) comportant deux filtres à silex, que sa prestation s'étendait également à la livraison du matériel, sa mise en service et l'instruction du personnel qualifié ; qu'il est apparu que la société Babcock a bien fourni le matériel mais que le restant de sa prestation a été, à l'insu de la Tannerie Gal, sous-traité à la société LCI-Groupe Sommier ; que ce faisant, les désordres dénoncés et constatés n'affectent pas le matériel fourni par la société Babcock et sa mise en oeuvre et il n'est pas démontré par la société LCI que la société Babcock aurait fait office de maître d'oeuvre sur l'ensemble des prestations commandées par la Tannerie Gal, y compris celles commandées auprès de LCI, et le seul fait, non démontré non plus, que la société Babcock aurait recommandé la société LCI à la Tannerie Gal ne saurait suffire à lui seul à engager sa responsabilité ; que cette société sera mise hors de cause et le jugement réformé de ce chef (cf. arrêt, p. 9 1 à 3).

Alors que la société Allianz faisait valoir qu'il résultait des analyses demandées par les sociétés LCI et Sommier, ses assurées, que la cause des désordres était liée à des dépôts d'origine minérale « très chargés en fer », et que la responsabilité de la gestion et de la filtration de l'eau incombait à la société Babcock Wanson, ce dont il résultait la responsabilité exclusive de cette dernière (concl., p. 10 3) ; que pour mettre hors de cause cette société, la cour d'appel a considéré qu'elle s'était contentée de fournir le matériel à installer et qu'il n'était pas démontré qu'elle aurait « fait office de maître d'oeuvre » (cf. arrêt, p. 9 2) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Babcock Wanson était tenue de fournir d'un matériel adapté au filtrage de l'eau utilisée par la société Tannerie Gal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.

COMMENTAIRE

Un litige peut être tranché sur le fondement d'un rapport d'expertise amiable, lorsque les parties ont participé aux opérations d'expertise et ont accepté la discussion. C'est le principal enseignement de cet arrêt, qui invite à la prudence.

Cette décision vient en effet préciser, dans un sens défavorable aux droits de la défense, la règle selon laquelle le juge saisi d'un litige ne peut en principe fonder sa décision uniquement sur une expertise amiable réalisée unilatéralement par une partie.

En l'espèce, un maître d'ouvrage confie l'installation d'une unité de traitement et de production de peaux à deux constructeurs. À la suite de désordres, celui-ci assigne les constructeurs et leur assureur en paiement de diverses sommes sur le fondement de deux rapports réalisés à son initiative par un expert qu'il a lui-même missionné.

En première instance, les juges retiennent que le rapport d'expertise était malgré tout contradictoire. La cour d'appel confirme ce premier jugement. L'assureur des constructeurs a alors formé un pourvoi en cassation, reprochant à la cour d'appel de ne pas avoir respecté le principe de l'égalité des armes en se fondant sur l'expertise litigieuse menée à l'initiative du maître d'ouvrage.

Mais pour la Cour de cassation, qui cite la cour d'appel, les opérations des deux rapports d'expertise ont été menées « totalement contradictoirement », toutes les parties ayant été convoquées aux deux réunions d'expertise, étant présentes aux opérations, ayant pu faire valoir leurs observations et déposer leurs pièces. La Haute juridiction confirme également l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'elle retient que « si l'expert a été choisi par une partie, et non désigné par une juridiction, les parties, en participant aux opérations et en admettant la discussion l'ont admis en qualité d'expert pour arbitrer le litige ».

Dès lors, on ne saurait trop que conseiller aux parties d'un litige de ne participer à une expertise amiable qu'en présence d'un expert qu'elles auront elles-mêmes désigné ou codésigné avec les autres parties en cause, ou encore d'un comité technique paritaire...

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