« Face à la conjoncture, l'ingénierie ne doit pas cesser d'innover », Nicolas Jachiet (Syntec-Ingénierie)

A l'occasion du 13ème Meet'ING de l'ingénierie, qui se tient jeudi 23 octobre au Cnit de la Défense, Nicolas Jachiet, P-DG d'Egis et nouveau président de Syntec-Ingénierie, évoque les combats qu'il compte mener : lutte contre la concurrence déloyale, maintien des fonds de formation professionnelle et valorisation de la « french touch » de l'ingénierie à l'export.

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« Face à la conjoncture, l'ingénierie ne doit pas cesser d'innover », Nicolas Jachiet (Syntec-Ingénierie)
Nicolas Jachiet, nouveau président de Syntec-Ingénierie
Quelles  sont les préoccupations des ingénieristes ?

Nicolas Jachiet : La première préoccupation du moment pour les ingénieristes, c’est la conjoncture.  L’ingénierie de la construction connaît en effet une année très difficile. Si l’activité dans le bâtiment privé avait déjà ralenti depuis un moment, les infrastructures et les bâtiments publics s’étaient plutôt bien tenus jusqu’à présent. Nous sommes aujourd’hui  confrontés aux effets conjugués de la baisse des financements publics, nationaux et locaux, et des élections municipales : celles-ci conduisent habituellement à un ralentissement momentané de l’activité, mais il semble que cette année le problème aille au-delà de la remise en place des équipes municipales. Nous plaidons vigoureusement, au niveau national et local, pour que l’ajustement des finances publiques ne se fasse pas uniquement au détriment de l’investissement.  L’investissement est un enjeu d’emploi immédiat pour des professions comme la nôtre, mais c’est aussi un enjeu pour l’avenir.

Les ingénieristes accusent-ils déjà le coup ?

N.J : Nous sentons déjà les conséquences dans nos entreprises. L’essentiel de nos charges sont des charges de personnel, et  l’emploi est directement corrélé  à notre  niveau d’activité, donc à l’investissement dans l’économie. Pour tenir, certains ont recours au chômage partiel, d’autres disparaissent même : les défaillances d’entreprises sont en nombre croissant dans notre secteur.

Certains éléments sont-ils malgré tout porteurs d’espoir sur notre territoire ?

N.J : Les plans de relance du logement et le projet de loi sur la transition énergétique vont évidemment dans le bon sens. La transition énergétique implique des investissements importants pour la rénovation énergétique et le développement des énergies nouvelles. Mais c’est une loi, et comme toute loi, il faut qu’elle se concrétise. Nous n’en verrons sans doute les effets qu’à moyen terme.

Quant aux grands projets, alors que quatre lignes à grande vitesse entrent dans leur phase d’achèvement, il ne reste plus guère que le Grand Paris, qui demeure le seul très grand projet en France. Les intentions affichées par le gouvernement sur la poursuite des projets de LGV dans le Sud-Ouest, sur le Canal Seine Nord et le Lyon-Turin Ferroviaire sont fortes. C’est une bonne nouvelle, et ces projets pourraient apporter une bouffée d’oxygène pour l’ingénierie et pour l’économie du pays en général  Mais nous ne pouvons pas nous réjouir tant que les décisions ne sont pas définitives.

Face à cette conjoncture hexagonale incertaine, les ingénieristes se tournent de plus en plus vers l’international.

L’international peut-il représenter un relais de croissance ?

N.J : Même si l’activité à l’international ne compensera pas intégralement la chute du marché français, l’ingénierie française s’exporte de plus en plus. C’est un fait et une vraie tendance.  Certaines sociétés y sont déjà depuis longtemps, d’autres l’abordent seulement maintenant. Le pas est parfois difficile à franchir, surtout pour les plus petites. Ma préoccupation est de faire en sorte que les PME  soient aidées et accompagnées, car les opportunités sont nombreuses dans nos différents métiers.

 

Y-a-t-il une spécificité de l’ingénierie française ?

N.J : L’ingénierie française est reconnue à l’étranger pour son inventivité, sa technicité, et sa capacité d’adaptation aux besoins du client. Quand elle est capable d’ajouter à cette « French Touch » une discipline forte sur le management de projet - une qualité qu’on attribue habituellement davantage à l’ingénierie anglo-saxonne-  notre ingénierie est tout à fait performante. Même si la concurrence est rude, notamment sur les marchés des pays émergents - les plus dynamiques - il y a là un vrai créneau à investir pour les ingénieristes français.

Vous observez que l’ingénierie publique investit de plus en plus le champ de la maîtrise d’œuvre. Cela représente-t-il une menace directe pour vous ?

N.J : Oui c’est une inquiétude. Nous sommes extrêmement vigilants à ce que cela ne se transforme pas en concurrence déloyale. Le phénomène existe à l’échelon local : certaines agences techniques départementales  investissent le champ de la maîtrise d’œuvre sur le marché privé concurrentiel. Nous sommes également vigilants à l’échelon national sur l’intervention d’organismes institutionnels, comme l’Agence de la Biodiversité ou le Cerema. Le dernier exemple en date est celui du futur  Institut de la Ville Durable qui pourrait  consacrer jusqu’à 20% de son activité au champ concurrentiel, en France et à l’international.

Le moment est malvenu pour rajouter une concurrence publique plus ou moins subventionnée. Nous alertons les responsables publics  à chaque fois que nous observons une distorsion de concurrence.

Vous êtes également sur le front de la bataille pour la formation professionnelle.

N.J : L’ingénierie emploie par essence du personnel, ingénieurs et techniciens, qui possède une formation initiale significative. Mais pour être au fait des innovations techniques, normatives et réglementaires, ils doivent continuer à se former de manière intensive tout au long de leur vie professionnelle. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Or la réforme de la formation professionnelle dans le souci louable de mieux toucher  les publics non formés,  peut conduire à réduire ou négliger les efforts de formation continue dans nos professions. Nous alertons les pouvoirs publics sur le fait que la part de nos cotisations aux fonds de formation professionnelle qui  est nécessaire  à notre secteur ne doit pas diminuer. C’est vital pour nous : il en va de notre avenir.

Quelles sont les voies d’avenir pour l’ingénierie ?

N.J : Nos entreprises sont d’abord au service de leurs clients, et donc des besoins qu’ils expriment. Or ceux-ci évoluent . Dans un pays comme le nôtre, déjà bien équipée, la part des projets sur l’existant, dans le bâtiment et les travaux publics, est mécaniquement appelée à s’accroître. Tout en conservant nos métiers actuels, il faut que nous investiguions davantage les phases de vie de projets post-construction : l’exploitation, la rénovation, et la réhabilitation. Le BIM est pour cela un formidable outil.

Le BIM se diffuse-t-il aussi bien qu’il le pourrait ?

N.J : Les grands ingénieristes le mettent tous en oeuvre, mais il faut maintenant que cet outil se démocratise, à la fois auprès des entreprises plus petites  mais également de l’ensemble des maitres d’ouvrage pour traiter des projets plus modestes. Les évolutions juridiques vont dans le bon sens avec la directive européenne sur les marchés publics, en cours de transposition. La France n’est pas en retard sur le sujet, mais elle n’est pas en avance non plus. Les professionnels ne peuvent pas seuls déployer le BIM. Nous devons convaincre les maîtres d’ouvrage qu’il est une source d’optimisation, et qu’il permet de générer des économies à chaque étape du cycle de vie d’un projet.  En cela, le BIM est porteur de la notion de coût global, à laquelle nous tenons beaucoup. Le coût global permet en effet une meilleure mesure du service que nous apportons à nos clients que le seul coût de l’investissement. Si, dans l’urgence, les partenaires d’un projet ont naturellement tendance à se focaliser sur le coût initial, tous reconnaissent avec du recul que le seul raisonnement valable doit prendre en compte les coûts d’exploitation.

Quel message ferez-vous passer aux ingénieristes lors du 13ème Meet.ING de l’Ingénierie ?

N.J : Que ce n’est pas parce que la conjoncture est difficile que l’ingénierie doit  rester les bras croisés. Nous devons aller chercher de nouveaux relais de croissance, à l’international notamment, et nous devons aussi nous adapter aux évolutions technologiques. En résumé, nous ne devons pas cesser d’innover et de nous transformer, pour nous adapter à une société qui se transforme elle-même rapidement. La transformation est d’ailleurs le thème général de notre rassemblement.

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