Bouygues en correctionnelle pour « recours aux services d'une entreprise pratiquant le travail dissimulé »
Les sociétés Bouygues, Atlanco et Elco seront jugées en octobre en correctionnelle à Cherbourg dans une affaire de travail dissimulé concernant 460 ouvriers polonais et roumains sur le vaste chantier du réacteur nucléaire EPR en construction à Flamanville (Manche), un procès rare sur la délicate question des travailleurs détachés.
Le procès aura lieu du 21 au 23 octobre, a annoncé le procureur de la République de Cherbourg Eric Bouillard. L'agence internationale d'intérim Atlanco, basée à Chypre, et la société de BTP Elco, basée en Roumanie, sont poursuivies notamment pour "travail dissimulé".
Les entreprises françaises Bouygues BTP, sa filiale Quille, et Welbond Armatures, sont poursuivies quant à elles notamment pour "recours aux services d'une entreprise pratiquant le travail dissimulé". L'affaire concerne 163 ouvriers de la société Atlanco et 297 d'Elco. A la tête de multiples sous-traitants, Bouygues TP pilote la partie génie civil du chantier, dont EDF est maître d'oeuvre.
Les peines maximum encourues sont des amendes de 225.000 euros mais l'Etat français pourrait réclamer plusieurs millions d'euros de cotisations sociales impayées, voire d'autres impôts.
La comparution en correctionnelle en France d'Atlanco, qui se présente comme un "fournisseur de main d'oeuvre" venue d'une dizaine de pays européens, est a priori une première, selon le parquet.
En filigrane de ce procès rare, on trouve une directive européenne de 1996, en vertu de laquelle une entreprise peut "détacher" des salariés dans un autre pays de l'Union européenne, à certaines conditions.
Le 7 novembre 2013 un maître d'ouvrage a pour la première fois en France été condamné, par la cour d'appel de Chambéry pour le "travail dissimulé", de travailleurs détachés, sur un chantier de 43 logements à Pringy en Haute-Savoie, en 2008 (voir notre article).
Le chantier de l'EPR, un des plus vastes en cours en Europe, est d'une toute autre ampleur. Près de 3.650 personnes dont 2.850 salariés d'entreprises sous-traitantes d'EDF y travaillent. EDF n'est pas poursuivi dans ce procès. Mais selon une source judiciaire, le géant du nucléaire aurait pu aussi se retrouver sur le banc des prévenus si, à l'époque des faits - de juin 2008 à octobre 2012 - une loi adoptée par le Parlement français le 26 juin dernier avait été en vigueur (voir notre article). Cette loi visant à lutter contre les abus relevés dans le cadre de la directive "travailleurs détachés" est le fruit d'un compromis conclu en décembre au niveau européen.
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui avait en 2011 dénoncé l'absence de protection sociale de ces travailleurs détachés à Flamanville, avait aussi déploré qu'en 2010, sur le chantier, un accident du travail sur quatre n'ait pas été déclaré.
Ces sous-déclarations feront l'objet de poursuites ultérieures distinctes, selon le parquet.
En février 2014 les Prud'hommes de Cherbourg ont condamné Atlanco à verser six mois de salaires à 59 ouvriers polonais. Mais son donneur d'ordre Bouygues, qui avait rompu son contrat avec la société chypriote en 2011 à l'annonce d'irrégularités, a été relaxé.
En outre, la cour d'appel de Caen examinera le 17 novembre la condamnation de Bouygues à 75.000 euros d'amende le 8 avril en correctionnelle à Cherbourg et celle d'un grutier à trois mois de prison ferme, pour la mort accidentelle d'un ouvrier sur le chantier de l'EPR en janvier 2011.
Le 15 janvier 2015 enfin, la cour d'appel de Lyon se penchera sur le licenciement en 2010 du responsable de la sécurité de Bouygues sur le chantier, jugé "sans cause réelle" par les Prud'hommes en 2013.
EPR de Flamanville : mise en service annoncée pour 2016L'EPR de Flamanville, qui faisait au départ figure de vitrine commerciale, est l'un des quatre premiers réacteurs de troisième génération en construction dans le monde. Sa mise en service est annoncée pour 2016, après les deux EPR chinois de Taïshan (15.000 ouvriers), avec quatre ans de retard. Le chantier de Flamanville, dont le coût - 8,5 milliards d'euros - a presque triplé par rapport à l'estimation de départ, fait l'objet de plusieurs autres procédures.
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