Réforme territoriale : le Sénat engage la discussion sur fond de crispations
Le Sénat entame ce 16 décembre l’examen en séance publique du projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi "Notre"). Ce texte doit répartir les compétences entre niveaux de collectivités territoriales. La commission des lois du Sénat a d’ores et déjà supprimé le transfert des collèges et de la voirie départementale aux régions. Le gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée pour l’examen de ce texte.
Bénédicte Rallu
Quatre ans jour pour jour après la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 (loi RCT), le Sénat se penche, ce 16 décembre 2014, à nouveau sur une réforme territoriale en séance publique. Ses travaux doivent durer jusqu’au 27 janvier, jour prévu pour le vote par la Haute assemblée. Le texte répartira les compétences entre les niveaux de collectivités territoriales. Il est le troisième volet de la réforme territoriale après l’adoption de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi Maptam) du 27 janvier 2014 et le projet de loi sur la carte des régions toujours en cours d’examen devant le Parlement. Le Sénat a aussi voté ce 15 décembre un autre texte touchant l’organisation territoriale relatif aux communes nouvelles (voir notre article).
Compétences des régions et intercommunalités renforcées ?
Le projet de loi Notre prévoit de renforcer les compétences des régions qui auraient un pouvoir réglementaire en contrepartie de la suppression de la clause de compétence générale. Les régions seraient chef de file pour le développement économique et l’aide aux entreprises et interviendraient en matière de tourisme, de déchets, d'aménagement du territoire par l’élaboration d’un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), et d’organisation des transports scolaires. Elles reprendraient la gestion de la voirie départementale, des aérodromes et des ports. Les collèges lui seraient transférés.
Le projet étend également le transfert automatique de compétences entre le département et la métropole (action sociale, insertion…). La clause de compétence générale des départements serait aussi supprimée et leurs compétences se limiteraient à la solidarité sociale et territoriale.
Les intercommunalités (établissements publics de coopération intercommunale – EPCI- à fiscalité propre) seraient, elles aussi, renforcées par leur taille minimale (seuil de 20 000 habitants pour leur constitution) autour des « bassins de vie » et au niveau de leurs compétences (promotion du tourisme, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyages transférées obligatoirement des communes aux communautés).
Par ailleurs, le projet vise à améliorer l’accessibilité des services publics dans le département en créant notamment des « maisons de services au public » et porte création d’un guichet unique pour les aides et subventions.
Premiers désaccords, les départements de retour dans le jeu
La commissions des lois du Sénat s’est prononcée sur le texte le 10 décembre et est revenue sur bon nombre de dispositions. Elle souhaitait « préserver les compétences de proximité du département » et « renouer avec l’ambition décentralisatrice dont ce texte était initialement dépourvu », selon son communiqué publié après son vote. Si le Sénat suivait la position de sa commission, le département conserverait plusieurs compétences que le projet de loi initial transférait à la région : transports scolaires, voirie départementale, ports départementaux, collèges. La région ne serait plus chef de file en matière de tourisme, de culture et de sport. Mais elle obtiendrait de nouvelles responsabilités dans le domaine de l’emploi pour ce qui concerne notamment le service public de l’emploi. La commission a également supprimé le relèvement du seuil à 20 000 habitants pour la création d’un EPCI.
Inquiétudes
Les débats promettent d’être animés. Les élus urbains, réunis dans l’Association des maires des grandes villes de France et l’Association des communautés urbaines et métropoles de France, ont, immédiatement après le vote de la commission du Sénat, exprimé « leur vive inquiétude ». Elles estiment que « le texte amendé par les sénateurs entrave les capacités des grandes agglomérations et métropoles à accompagner les entreprises et à participer au développement des écosystèmes d’innovation ». Peu de temps auparavant l’Assemblée des communautés de France, lors d’un point presse le 10 décembre, exprimait elle aussi ses inquiétudes. Elle ne veut pas que cette réforme territoriale soit « mise au placard ». L’association « refuse l’immobilisme », or le Sénat « propose, selon son président Charles-Eric Lemaignen, l’immobilisme », regrettant au passage que la chambre haute ait organisé une Conférence des collectivités territoriales le 9 décembre pour porter d’une voix commune les attentes des collectivités locales face au gouvernement avec seulement quelques « associations généralistes » (Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Association des régions de France ), sans représentant de l’intercommunalité. Le gouvernement a lui aussi crispé les acteurs en décidant d’engager la procédure accélérée sur le texte.
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