Le Grand Paris met le paysage en ébullition
Les acteurs de la filière paysage se lancent dans l’aventure du grand Paris. Vendredi 19 septembre, le premier débat du mensuel Paysage Actualités sur le thème des métropoles a donné la mesure de leur enthousiasme, mais aussi de leur lucidité face aux obstacles.
Laurent Miguet
« Dans les écoquartiers, la question du paysage se pose toujours à la fin. Résultat : ces projets ignorent les services écosystémiques rendus par le végétal, qui se résume à trois pauvres arbres à côté d’une plaque ! ». Ce vendredi 19 septembre au petit-déjeuner débat de Paysage Actualités au siège du Moniteur sur les enjeux paysagers du Grand Paris, l’intervention vigoureuse de Philippe Peiger, président de l’Union nationale des entreprises de paysage du département des Yvelines, enfonce un coin dans le jardin de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d’ouvrage, sans même épargner les rédacteurs du schéma directeur de la région Ile-de-France, « plein d’erreurs et d’incohérences, dès lors qu’on passe des intentions à la petite échelle ». Pour autant, l’entrepreneur, membre du bureau régional de l’Unep, n’a pas l’intention de rester inerte en regardant passer le train du Grand Paris : le syndicat régional s’y prépare dans le cadre de la création d’un réseau d’excellence régional, résolu à verdir la métropole.
Le paysage transcende le vert
« Ne confondons pas le paysage et le végétal, et ne nous enfermons pas dans des logiques sectorielles ! » : la conceptrice paysagiste Jacqueline Osty a replacé sa discipline dans sa contribution à l’aménagement urbain. Fil conducteur des débats, la gymnastique entre l’échelle des projets et celle de la planification territoriale a inspiré son travail, aux franges de Paris. « Le petit est dans le grand, et le grand dans le petit », se plaît-elle à répéter, exemples à l’appui : la conception des 7 hectares de la Zac du port de Pantin s’appuie sur une idée de continuité des ambiances, le long du canal de l’Ourcq ; de même, l’hypothèse de gommer la barrière du périphérique imprègne la conception de la Zac des Batignolles.
A l’institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France, Pierre-Marie Tricaud ne nie pas les difficultés à passer des intentions aux actes, notamment en raison de l’empilement de « normes absurdes ». Il n’empêche : « Peu présent dans le schéma directeur de 1994, sauf de façon défensive, le paysage apparaît dans celui de 2013 comme un moteur de transformation », souligne Violaine Allais, du service de l’aménagement durable de la région Ile-de-France. Pierre-Marie Tricaud rappelle les cinq axes autour desquels la métropole parisienne peut conforter son identité : les grands paysages des vallées et forêts ; les boulevards et avenues métropolitaines ; les formes urbaines ; les belvédères.
Au carrefour des échelles
Au carrefour des projets et de la planification, « les CAUE pratiquent le grand écart entre échelles et acteurs, mais contribuent aussi à les liaisonner », souligne Elisabeth Rojat-Lefèbvre, directrice du Conseil d’aménagement, d’urbanisme et de l’environnement des Yvelines. Sans perdre de vue la métropole quand ils assistent un village de 40 habitants, les huit CAUE d’Ile-de-France surveillent les projets d’aujourd’hui en pensant à nos arrière-petits-enfants : « Chaque maison ou équipement public impacte son environnement pour 100 ans », rappelle Elisabeth Rojat-Lefèbvre.
Accompagné par les CAUE des Yvelines et du Val d’Oise, le projet emblématique du port autonome de Paris illustre l’articulation entre les échelles, mais aussi une nouvelle manière de concevoir les infrastructures : « Sur 100 hectares à la confluence de l’Oise et de la Seine, le projet Paris Métropole Seine-Ouest ne porte que sur 50 hectares à commercialiser ; le reste se partage entre les darses et les aménagements paysagers », souligne Colette Villeneuve, chef du département Foncier et urbanisme. Inspiré par Antoine Grumbach, ce projet inscrit les ports de Paris dans une vision métropolitaine du bassin de la Seine, jusqu’à la mer… Ce projet révèle une pratique de l’aménagement durable déclinée dans les quatre agences territoriales du port : « Des équipes d’architecte conseil, intégrant des paysagistes, accompagnent l’ensemble de nos projets, dans le cadre de contrats pluriannuels », souligne la paysagiste Laurence Sciscia, du département Foncier et urbanisme du port autonome.
Nouvelles frontières
Au-delà du foisonnement d’informations et de points de vue échangés en une heure-et-demi, retenons surtout l’appétit des acteurs pour une mutation annoncée. Bruno Gouyette, directeur de projets à la mairie de Paris, n’a pas manqué de lyrisme pour exprimer cet enthousiasme : « Le grand Paris voudrait qu’on dépasse les cloisonnements hérités de l’histoire, plutôt que de s’envoyer des piques entre entreprises, concepteurs et maîtres d’ouvrage. Progressons ! Pensons globalement ! Sortons d’une vision défensive des normes, pour nous en servir comme leviers de nos projets ! ».
Un hors-série participatif pour Paysage ActualitésObjectif janvier 2015 ! Pour décrypter les enjeux paysagers du Grand Paris, Paysage Actualités prépare la publication d’un hors-série conçu avec Sylvie Depondt, historienne et ancienne responsable du service Evénements et communication de la direction des espaces verts et de l’environnement de la ville de Paris. Après un état des lieux, l’ouvrage mobilisera les grandes signatures françaises de la conception paysagère. Avec la participation des organismes qui contribuent à la planification et à la maîtrise d’ouvrage des projets structurants, la rédaction dénouera l’écheveau institutionnel de la métropole et présentera les projets qui préfigurent l’identité paysagère du Grand Paris.
Contact : Sylvie Attiach, directrice commerciale, 01.40.13.34.23 ; sylvie.attiach@groupemoniteur.fr.
Le Grand Paris met le paysage en ébullition
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir