"Il faut éviter que le sujet de l’efficacité énergétique tombe aux oubliettes", Joël Vormus du Cler
Las de voir que le sujet de la rénovation énergétique dans l'existant patine, FNE et le CLER, réseau pour la transition énergétique, ont porté plainte à Bruxelles contre la France. Explications de Joël Vormus, responsable de projets au CLER.
Propos recueillis par Julien Beideler
France Nature Environnement et le CLER ont conjointement porté plainte auprès de la Commission européenne pour «non-respect par la France de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments» (voir notre article ici).
Pourquoi avoir choisi de déposer cette plainte ?
Joël Vormus : Parce que malheureusement, nous pensons que c’est la seule manière de faire – enfin- avancer les choses ! Tout le monde sait bien que l’enjeu de l’amélioration énergétique est avant tout lié au patrimoine existant. Tout le monde peut constater que la RT dans l’existant est obsolète. Et pourtant rien ne bouge. Nous sommes dans l’immobilisme le plus total. Nous avons participé à de très nombreuses réunions de concertation, nous avons réalisé de nombreuses études, élaboré de nombreux rapports notamment dans la perspective de la loi sur la transition énergétique. Résultat : rien. Comme le dit Claude Turmes (rapporteur de la directive EnR et de la directive efficacité énergétique), nous n’avons pas réussi à dépasser le consensus vide. Pire, on régresse.
Pourquoi dites-vous que l’on régresse ?
JV : Par exemple, un consensus se dégageait sur l’idée de profiter des grandes étapes de vie d’un bâtiment pour «embarquer» la performance énergétique. Ne pas rénover une toiture sans penser à son isolation. Idem pour le ravalement. Et bien, nous sommes en train de revenir en arrière. Des voix s’élèvent de nouveau pour dire que ce n’est pas une bonne idée. Il faut arrêter ces va-et-vient incessants. Avoir une RT dans l’existant qui indiquerait les performances minimales à atteindre fixerait les choses une bonne fois pour toutes.
Les longs débats sur la RT 2012 pour le neuf n’ont-ils pas retardé les réflexions sur son homologue dans l’existant ?
JV : Bien sûr que oui. On a passé trop de temps sur le neuf et oublié l’existant. On s’est enferré dans des débats qui n’ont fait que retarder les choses. D’ailleurs, peut-être serait-il opportun à l’avenir de faire comme nos voisins allemands qui, lorsqu’ils parlent de réglementation thermique, traitent simultanément le neuf et l’existant.
L’obsolescence de la RT dans l’existant est-elle aujourd’hui «bloquante» pour certains projets ?
JV : Non, elle n’est pas un point de blocage. En revanche, notamment via l’approche «élément par élément», elle autorise des rénovations beaucoup trop légères et l’utilisation de technologies largement dépassées.
La RT dans l’existant n’elle-t-elle pas une victime collatérale de la «chasse aux normes» ?
JV : Si c’est le cas alors c’est une erreur majeure. La RT dans l’existant n’est pas un nouveau texte. C’est un texte qui existe et qui est, je le répète, obsolète. Il devrait, au contraire, figurer parmi les priorités d’amélioration et de simplification. Mais les pouvoirs publics, en ne sifflant pas la fin de la récréation sur la RT2012, n’ont fait que repousser les problèmes. Force est de constater que personne ne s’en occupe.
Avez-vous rencontré les pouvoirs publics, notamment la DHUP (direction de l’habitat, de l’urbanisme et du paysage) pour avoir des explications ?
JV : Nous avons rencontré la DHUP et elle nous a confirmés être mandatée pour traiter la question de la transposition de la directive et de la RT dans l’existant. Le problème est qu’il n’y a physiquement personne en charge de la question. Nous avions également sensibilisé les cabinets de Cécile Duflot et de Philippe Martin et nous n’avons eu aucun écho. Nous allons recommencer auprès des nouveaux ministres. Comprenons-nous bien, l’objectif de notre action n’est pas, in fine, de faire condamner la France. Mais il s’agit d’éviter que le sujet de l’efficacité énergétique tombe aux oubliettes. Ce qui semble être le cas malgré tous les discours volontaristes et rassurants que l’on entend.
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