Jérôme Stubler, directeur général de Vinci Construction - « Nous accélérons notre développement à l'international »

Jérôme Stubler, 51 ans, a été nommé en juillet directeur général de Vinci Construction. Sa stratégie s’appuie sur l’expérience qu’il a acquise depuis vingt-cinq ans au sein de Soletanche Freyssinet. Elle se résume en deux objectifs : le développement à l’export et l’excellence technique. Sans pour autant délaisser la France.

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Jérôme Stubler, directeur général de Vinci Construction - « Nous accélérons notre développement à l'international »
Jérôme Stubler, directeur général de Vinci Construction

Avec la Fondation Louis Vuitton, vous venez de livrer un bâtiment exceptionnel. Comment avez-vous vécu cette aventure ?

Jérôme Stubler : C’est une équipe formidable avec à sa tête Jean Rossi, président de VINCI Construction, qui à l’époque a eu l’audace d’imaginer que nous serions capables de concevoir et de construire cet ouvrage extraordinaire. Il a mis en place une équipe de conception intégrée au constructeur, ce qui a permis de travailler en grande proximité dans toutes les phases du projet et dans tous les détails, grâce au BIM, qui a joué à plein son rôle d’outil fédérateur de la chaîne de la conception à la réalisation.  La conception-réalisation était d’ailleurs la seule manière de produire un ouvrage de cette complexité, dans un délai aussi serré. La réussite de cette opération tient aussi et peut-être avant tout dans la relation de confiance que nous avons pu nouer avec le client. Les avancées technologies qui ont marqué le projet vont faire progresser les méthodes de l’entreprise.


Comment souhaitez-vous imprimer votre marque sur l’entreprise ?

J.S. : J’ai évolué dans le groupe au sein de Freyssinet, où j’ai démarré comme jeune ingénieur il y a 25 ans, puis de Solétanche-Freyssinet, que j’ai dirigé à partir de juillet 2012. Mon parcours est donc fortement marqué par l’international, 80% du chiffre d’affaires de Solétanche-Freyssinet y étant réalisé - dont 60% au grand international. Ces filiales de spécialités m’ont aussi appris que la haute technicité est source de valeur ajoutée. Logiquement, ma feuille de route s’écrit sur ces deux thèmes : le développement de la dimension internationale de VINCI Construction et la volonté d’excellence technique comme  moyen de livrer des ouvrages efficaces et performants.


Quelle est votre stratégie de développement à l’international ?

J.S. : Aujourd’hui, nous identifions trois axes de développement. Le premier concerne nos filiales de spécialités, au premier rang desquelles figure Solétanche-Freyssinet, dont l’activité est en pleine explosion puisqu’elle va progresser de 15 à 20% cette année et dépasser les 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Nous misons aussi sur d’autres métiers de spécialités, comme la construction de pipelines, à travers Entrepose. Le deuxième axe de développement touche la division des grands projets, qui a doublé son activité ces trois dernières années. L’enjeu est de la faire croître au grand international en y redéployant notamment les équipes de la LGV SEA. Enfin, nous souhaitons étendre nos réseaux locaux au-delà des régions dans lesquelles nous sommes déjà très présents comme l’Afrique, l’Europe Centrale, l’Angleterre, ou le Moyen-Orient. Nous pensons à l’Amérique Latine, l’Asie du Sud-Est et l’Océanie. Nous pourrons nous appuyer sur les liens tissés localement par Solétanche-Freyssinet, qui est présent en permanence dans 88 Pays, mais dans une logique d’implantation pérenne.


Au Moyen-Orient, le Qatar est pour vous une implantation historique.

J.S. : Oui, et elle demeure une zone de croissance très importante, puisque nous allons y dépasser les 600 millions d’euros d’activité en 2015. Ce riche pays gazier continue de s’équiper en infrastructures et nous y construisons un métro léger et un métro souterrain lourd. Pour les stades de la coupe du monde de football en 2022, nous souhaitons aussi partager notre expertise en matière de stades acquise en France . Sur les sept stades prévus, quatre sont en cours de conception. Nous comptons mettre en en avant notre expertise en la matière en capitalisant sur la dizaine de références récentes ou en cours que nous possédons en France (Bordeaux, Lyon, Le Mans, Nice,…).


Délaissez-vous pour autant la France ?

J.S. : Evidemment non ! Même si notre pays est bien équipé, certains enjeux restent majeurs : il y a notamment un besoin crucial de logements. Nous aimerions qu’il y ait une accélération du processus de production : la France a accumulé un retard important par rapport à la demande et nous devons maintenant mettre les bouchées doubles pour le combler.


Que proposez-vous pour accélérer la production de logements ?

J.S. : Nous sommes convaincus que de nombreux leviers peuvent être actionnés pour construire moins cher. Nous venons de lancer une offre, Primmea, destinée prioritairement aux primo-accédants, qui permet de gagner 20 à 30% – selon les régions – sur le coût de la construction à qualité de réalisation égale, tout en garantissant les performances énergétiques et en préservant la qualité architecturale. Ces gains conséquents sont rendus possibles par une augmentation de la productivité. Celle-ci passe par une industrialisation des méthodes et des moyens de production. Elle passe aussi par une utilisation systématique du BIM. Grâce à lui, nous pouvons générer un schéma constructif permettant d’aller extrêmement vite entre le plan d’architecture et le plan de détail. Plusieurs projets Primmea sont en cours de réalisation ou viennent d’être lancés.


Sur ces chantiers, vous privilégiez le béton coulé en place au béton préfabriqué.

Si les méthodes de construction sont bien conçues, un bâtiment coulé en place coûte moins cher qu’un bâtiment en béton préfabriqué. Le béton coulé en place à notre faveur car il engendre moins de pathologies dans le temps  au niveau des joints et des ponts thermiques. De plus, il est moins émetteur de CO2 que le béton préfabriqué sur les postes transport et manutention (levage des poutres sur le chantier par exemple).


Vous dites également que des gains très importants peuvent être dégagés en termes d’efficacité énergétique.

J.S. : L’équation énergétique de la France est contrainte par le fait que les moyens de production d’énergie n’augmenteront plus. Le plus gros gisement d’économie d’énergie se trouve donc dans la réhabilitation thermique des bâtiments. Pour la promouvoir, les pouvoirs publics doivent créer de véritables incitations qui permettent des retours sur investissements sur cinq-sept ans au lieu des 15-20 ans que nous constatons aujourd’hui. Il est d’autant plus temps d’agir que les technologies matures permettant de générer un gain énergétique de 50 à 70% deviennent abordables.


Prévoyez-vous une baisse d’activité en France ?

J.S. : Oui, mais elle sera relativement raisonnable sur 2014. Nous avons constaté une baisse des prises de commandes en milieu d’année, et nous espérons que le plan de relance du logement et le plan de relance autoroutier seront lancés rapidement. Dans le cas contraire, nous chercherons à limiter l’impact sur l’emploi en redéployant une partie des équipes à l’export.


Pour pallier la disette des crédits publics, vous préconisez de relancer les PPP. Comment faire passer ce message quand ceux-ci n’ont pas toujours bonne presse ?

J.S. : En faisant tomber les nombreux tabous sur le sujet. Il faut en particulier se rappeler que les modes de financements privés ont permis d’équiper la France depuis des siècles. Et alors que tous les pays du monde sont en train de s’approprier ou d’amplifier ce mode de dévolution, il ne faut pas, là aussi, que nous prenions du retard pour des logiques idéologiques. Il s’agit d’un mode de contractualisation où l’entreprise garantit un prix global dans une enveloppe définie en y intégrant au choix les étapes de conception, de réalisation, d’exploitation ou de portage du financement. Dans la mesure où le système s’autofinance pendant une partie de la durée de vie de l’ouvrage et que ce dernier est remis en bon état en fin de contrat à la puissance publique, je considère que c’est la meilleure solution pour le contribuable.


Mais on dit souvent que les PPP fabriquent de la  dette.

J.S. : Ma réponse à cela est simple et logique : à partir du moment où il y a adéquation entre la durée de la dette et la durée de vie de l’ouvrage qui est réalisé, la dette est saine et bien structurée. Ainsi, faire de la dette pour financer des infrastructures qui s’amortissent sur le long terme est un bon investissement. D’autant que la plupart du temps, les dettes contractées sont infiniment plus courtes que la durée de vie des infrastructures qu’elles financent. Ce qui serait déraisonnable, ce serait en effet de créer une dette sur 20 ans pour payer des dépenses de fonctionnement.


Reste-t-il des grands projets en France ?

J.S. : Avec la fin prochaine des LGV en cours de réalisation, et alors que des projets comme le Canal Seine-Nord et le Lyon Turin ferroviaire n’ont pas encore été confirmés, la construction du Grand Paris au sens large demeure le plus  grand projet global. Alors que la plupart des grandes villes dans le monde ont maillé leurs banlieues avec un réseau de transport urbain, ce projet semble absolument nécessaire pour ne pas prendre de retard. Cette opération est un enjeu extrêmement technique nécessitant les dernières expertises et des organisations très solides. Outre les enjeux bâtimentaires autour des gares, les projets de métros et de RER constituent de très belles opportunités pour nous.


Comment vous-y préparez-vous ?

J.S. : Les prolongations des lignes 4 et 14 sont déjà lancées, et nous comptons répondre à tous les appels d’offres à venir. Nous avons douze tunneliers qui creusent actuellement dans le monde. Nous avons accumulé un vrai savoir-faire dans tous les types de géologies, et dans tout type d’environnement, notamment en milieu urbain où il faut maîtriser les tassements pour ne pas fissurer le bâti en surface.


L’innovation peut-elle vous permettre de traverser ces périodes de turbulences ?

J.S. : J’en suis convaincu. L’innovation est un facteur de remise en question des usages qui pousse l’entreprise en avant. Les plus de 2 000 dossiers qui ont été présentés par les collaborateurs du monde entier à l’occasion du dernier prix de l’innovation VINCI, que nous relançons en 2015, prouvent  que l’innovation peut naître de toutes les fonctions dans l’entreprise, des compagnons  aux managers en passant par les fonctions supports. Le contenu de ces prix est d’une richesse fabuleuse. Nous devons maintenant progresser dans la diffusion de ces innovations à l’échelle du groupe, pour les faire partager et les dupliquer partout où cela est pertinent.


Quelle est pour vous la plus belle innovation de ces 25 dernières années ?

J.S. : Le béton de fibres à très haute performance est pour moi la plus marquante. En se passant du ferraillage, il permet de se rapprocher du rêve de l’homme de pouvoir fabriquer de la pierre liquide, la résistance à la traction en plus ! Si son coût élevé le réserve encore aux ouvrages complexes ou iconiques, il est évident qu’il sera le matériau de base du BTP d’après-demain.

Vinci Construction en chiffres

- 69 755078075507807550780 collaborateurs dans une centaine de pays.

- Chiffre d'affaires 2755078013 : 16,8 milliards d'euros, dont la moitié à l'international.

- Plus de 25 755078075507807550780 chantiers en cours en 2755078013.

- Répartition de l'activité par métiers : - bâtiment: 47550780 % - génie civil: 25 % - activités spécialisées: 32 % - travaux hydrauliques: 3 %

- 973 755078075507807550780 heures de formation dispensées en 2755078013.

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