Choc de simplification : « Le changement, mais surtout une évolution culturelle », Laurent Grandguillaume, co-président du Conseil de simplification

Pas facile de simplifier en France ; d’autant qu’en simplifiant, il ne faut pas créer une complexité nouvelle. C’est là tout le défi que le Conseil de simplification doit relever. Philosophie, organisation, état des lieux, perspectives, nouvelles mesures en avril, compte pénibilité … Visite des coulisses avec Laurent Grandguillaume, député et co-président du Conseil de simplification.

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Choc de simplification : « Le changement, mais surtout une évolution culturelle », Laurent Grandguillaume, co-président du Conseil de simplification
Laurent Grandguillaume, député de la Côte-d'or.

Après une première vague de mesures en avril 2014, vous avez lancé 50 nouvelles mesures en octobre. Sur les 100 mesures, combien sont mises en œuvre aujourd’hui ?

Laurent Grandguillaume : 90% se sont concrétisées : elles sont en cours d’expérimentation, ou font l’objet d’un débat au Parlement comme pour la partie simplification du projet de loi Macron, ou pour 30 % d’entre elles, déjà effectives. Le vecteur principal a été la loi de simplification de la vie des entreprises du 20 décembre dernier. La loi « Macron » portera aussi un certain nombre des mesures annoncées.

Quelle est l’organisation mise en place pour faire émerger les pistes de réforme ?

L.G. : Nous avons identifié dix chantiers qui correspondent aux moments de vie clés pour l’entreprise, parmi lesquels : comment créer son entreprise, la développer, exercer son activité, employer et former… Cela structure notre travail. Une équipe d’une dizaine de spécialistes nous accompagne dans nos travaux. Au sein de chaque chantier, un responsable se charge de l’élaboration des propositions, l’avancement et la mise en œuvre des projets ; il anime, par ailleurs, des ateliers réunissant administration et entrepreneurs pour lever les freins éventuels. Ces ateliers font remonter les propositions au Conseil de simplification qui se réunit tous les jeudis matins pour faire le point sur l’avancement de l’élaboration des nouvelles propositions et la mise en œuvre de celles déjà annoncées. Par exemple, les ateliers ont permis d’élaborer le principe de non-rétroactivité fiscale qui est maintenant mis en œuvre à travers une circulaire. Pour compléter ce travail, nous avons décidé avec Françoise Holder, co-présidente du Conseil, d’auditionner un certain nombre de structures et d’organisations professionnelles (CGPME, Medef, UPA, CCI France, etc…). Les propositions sont ensuite validées par l’Exécutif.

Comment votre travail de simplification s’articule-t-il avec celui des autres instances ?

L.G. : Nous travaillons en lien étroit avec elles, qu’il s’agisse du Conseil national d’évaluation des normes, du médiateur des normes ou encore du secrétariat d’Etat ; Thierry Mandon participe d’ailleurs, quand il le peut,  à nos réunions du jeudi matin. Nous sommes également en relation avec le Conseil de l’Industrie, l’ensemble des ministères qui peuvent être impactés par les mesures proposées et le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) pour le pilotage opérationnel.

Est-il aussi difficile de « simplifier » que de réformer la France ?

L.G. : Ce n’est, en effet, pas toujours facile de simplifier. Mais à partir du moment où on n’est pas dans une posture idéologique, mais plutôt pragmatique, on doit pouvoir avancer. L’idée, c’est de dire : « Là, on a un sujet qui pose problème aux entrepreneurs et qui n’apporte aucune sécurité à personne, ni aux salariés, ni aux chefs d’entreprise ; alors on tente de résoudre ce problème en supprimant une norme ou une règle ». Or, on peut se confronter à des contradictions lorsqu’une simplification va être défendue pour l’intérêt général, et que l’on se heurte à des intérêts particuliers. Malgré les difficultés, la simplification est une belle ambition pour notre pays, qui a d’ailleurs pris du retard par rapport à beaucoup d’autres pays. Il était temps qu’on lance ce choc de simplification - qui reste un choc même si certains en doutent, estimant que cela ne va pas assez vite.

Justement, que répondez-vous à ceux qui jugent que c’est trop long ?

L.G. : Le problème, c’est qu’on a voulu pendant des décennies régler 2% des situations en complexifiant la vie de 98% des autres, et le plus souvent sans rien résoudre. Donc, c’est vrai, cela met du temps. D’autant qu’en un trimestre, il n’est pas possible de régler 30 ans de complexité. De plus, nous voulons simplifier tout en garantissant un niveau de protection constant, ce n’est pas simple, comme l’illustre le cas des normes sismiques ! Un travail d’explication et de pédagogie pour convaincre doit être entrepris. Il y a le changement, et l’accompagnement au changement. Mais c’est surtout une évolution culturelle. Aujourd’hui, lorsque l’on débat sur tel sujet, on a le réflexe de se poser la question de savoir si on ne va pas complexifier. Je le vois, notamment au Parlement, il existe désormais une prise en compte de la simplification. Cela va dans le bons sens.

N’y a-t-il pas non plus un problème dans les délais institutionnels ?

L.G. : Le temps institutionnel n’est pas forcément celui des entreprises. Mais il y a des mesures qui peuvent être prises rapidement par voie réglementaire et d’autres qui nécessitent un débat avec le Parlement ; c’est normal, c’est démocratique. Puis en effet, il y a l’attente des décrets d’application. Il faut réduire ce temps institutionnel.

Vous proposez la simplification de 50 mesures tous les 6 mois, allez-vous tenir le rythme ? Et pour arriver à combien au final ?

L.G. : C’est notre objectif et on travaille pour cela. Mais il est indispensable de rester vigilant au flux des nouvelles normes pour que, là encore, la simplification ne se traduise pas par une complexité nouvelle.

Une norme créée, une norme supprimée : est-ce un vœu pieux ?

L.G. : C’est un principe que nous défendons et que nous aimerions voir appliqué plus strictement. Pour l’instant, il n’est pas encore suffisamment mis en œuvre, même si on peut penser que nous allons dans la bonne direction.

Quelles sont, selon vous, les principales mesures pour les entreprises ?

L.G. : La réduction des obligations comptables pour les TPE qui, depuis avril 2014, n’ont plus à établir l’annexe aux comptes annuels, cela concerne un million de micro-entreprises de moins de 10 salariés ; la possibilité d’établir des états simplifiés pour les entreprises de moins de 50 salariés. Ces mesures vont générer 110 millions d’économies globales. Il y a aussi la carte d’identité électronique de l’entreprise qui, dès le début 2016, va permettre aux entreprises d’être reconnues dans chacun de leurs échanges avec l’administration, mais aussi avec leurs clients et fournisseurs. En ce qui concerne la construction de logements, les ordonnances du 3 octobre 2013 facilitent la réalisation d’opérations d’aménagement pour construire davantage de logements. Mais sans réduire les exigences environnementales, c’est important !

Avez-vous des retours sur l’application du principe « Silence vaut accord de l’administration » et ses multiples dérogations ?

L.G. : Il faut rappeler que s’il y a des dérogations, c’est parce que parfois cela touche des secteurs sensibles comme la sécurité intérieure. Sur les 3 600 procédures identifiées, la moitié n’entre pas dans le champ du « Silence vaut accord de l’administration » parce que cela n’aurait pas de sens (procédures à caractère financier, candidatures à un concours, par exemple), ou parce que ce principe est incompatible avec le respect de la Constitution. Sur les 1 800, 600 ont été exclues parce qu’elles pouvaient remettre en cause le bon déroulement d’une procédure. Cependant, rien n’exclut de réexaminer le bien-fondé des exceptions. Mais globalement, le dispositif fonctionne bien.

Sur quoi vont porter les 50 nouvelles mesures annoncées pour avril ?

L.G. : Nous sommes sur une réflexion plus sectorielle, hôtellerie, artisanat, industrie, agriculture. On a déjà  beaucoup travaillé lors des précédents volets sur les mesures concernant le secteur construction-aménagement, dont certaines sont dans le projet de loi Macron. Bien entendu, d’autres nouvelles mesures pourront être proposées dans ce domaine compte tenu de l’importance du secteur pour notre économie. Dès qu’elles seront votées, il faudra les mettre en œuvre et se charger du suivi.

Il y a un vent de marée des entrepreneurs et artisans notamment du bâtiment contre le compte pénibilité et sa complexité. Travaillez-vous sur ce sujet avec le député Christophe Sirugue et l’entrepreneur Gérard Huot, missionnés par le Premier ministre pour trouver des solutions de simplification ?

L.G. : On travaille forcément ensemble compte tenu de l’importance de ce débat pour les entrepreneurs et pour les salariés ; d’ailleurs Gérard Huot a réfléchi avec nous sur le compte pénibilité. Plus globalement, pour éviter ce type de débats a posteriori du vote d’une loi, nous avons proposé la mise en place d’une autorité indépendante composée d’entrepreneurs et d’experts qui aurait la charge, pour tous projets de loi et textes réglementaires touchant à la vie des entreprises, de réaliser une étude d’impact, complétant ainsi celle de l’Exécutif, avant le débat sur les textes. Cela éviterait que de nouvelles mesures puissent rencontrer des difficultés ensuite dans leur application dans les entreprises. Pour l’instant, cet engagement n’a pas encore été mis en oeuvre, mais j’espère bien que nous y parviendrons. Je suis tenace.

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