Bataille feutrée autour de l’assurance construction
En matière d’assurance construction, les opérateurs étrangers agissant en France en libre prestation de service (LPS) estiment que leur mise à l’écart du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) crée une distorsion de concurrence. Bruxelles leur donne raison et enjoint la France d’apporter une solution avant octobre.
Sophie d’Auzon
Les assureurs étrangers opérant en LPS sur le marché de l’assurance construction viennent de marquer un point, en obtenant de Bruxelles la mise en cause de la couverture restrictive offerte par le FGAO. A l’origine de la plainte devant la Commission : le groupe SFS, société de courtage spécialisée dans l’assurance construction, qui intervient comme mandataire de compagnies d’assurances européennes dont certaines opèrent en LPS (1). « Notre entreprise est active en France depuis douze ans dans le domaine de l’assurance construction, explique son directeur général, Antoine Guiguet. Tout allait bien quand le poids des assureurs en LPS était minime. Depuis quatre ans, l’activité en LPS a gagné du terrain, et le marché s’est rétréci du fait de la crise. Ce qui a généré un certain nombre d’interrogations des acteurs "historiques" sur cette nouvelle concurrence. »
Effets restrictifs de la législation hexagonale
De fait, des inquiétudes ont été exprimées ici et là au motif que certains assureurs en LPS ne respecteraient pas les règles contraignantes imposées aux assureurs établis en France (lire par exemple ici). Et en 2012, la prise de position du directeur du FGAO a incité davantage encore les assurés à la prudence. Celui-ci a en effet indiqué clairement qu’ « une entreprise d’assurance, même dûment agréée dans un Etat membre d’origine pour l’assurance construction obligatoire et opérant en France sous le régime de la LPS, ne sera pas couverte par le FGAO contre le risque de défaillance suite à un retrait d’agrément ». Pour Antoine Guiguet, du groupe SFS, « un tel fonctionnement paraît contradictoire avec le marché unique ».
La Commission européenne lui a donné raison en adressant à la France, le 11 juillet 2014, une lettre de mise en demeure relevant les effets restrictifs de la législation hexagonale. Le gouvernement est invité à faire part de ses observations sur le sujet courant septembre. S’il ne parvient pas à convaincre la Commission, celle-ci se réserve la possibilité d’émettre un avis motivé, dernière étape avant la saisine de la Cour de justice.
Vers un élargissement… ou une disparition du fonds ?
Le plaignant espère que cela aboutira à « l’ouverture à tous du bénéfice du FGAO, sous réserve par exemple du paiement d’une taxe au fonds ». Au-delà, martèle Antoine Guiguet, « ce dossier est important pour légitimer la pratique aujourd’hui bien répandue qu’est la LPS, et faire valoir la qualité de nos services sur le marché de l’assurance construction. »
A ce stade, ni le FGAO, ni le bureau du ministère de l’Economie en charge du dossier, ne souhaitent s’exprimer. Silence également du côté de la Fédération française des sociétés d’assurance. François Schmit, président de la commission construction de la Chambre syndicale des courtiers d’assurances (CSCA), note quant à lui que « la lettre de la Commission européenne confirme bien qu’en l’état des textes français, le FGAO ne peut couvrir les assureurs en LPS pour l’assurance construction, comme l’avait indiqué le directeur du FGAO ». D’autre part, la prise de position de Bruxelles crée selon lui une ouverture très intéressante sur un autre sujet : « Si la couverture du FGAO devait être élargie aux assureurs en LPS, il faudrait aller jusqu’au bout du raisonnement. Et saisir cette opportunité pour imposer à ces sociétés d’appliquer les mêmes règles de provisionnement et de sécurité que leurs homologues établies en France ! Le fonds n’a pas vocation à garantir tout et n’importe quoi. » La stratégie de contre-attaque est prête…
Mais la France pourrait aussi décider, en réponse aux critiques européennes, de supprimer tout simplement le FGAO, murmurent certains professionnels… Les répercussions dépasseraient alors le seul secteur de la construction.
Le champ d’action… restreint… du FGAOLe fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages est chargé de protéger les bénéficiaires de contrats d'assurance dont la souscription est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, contre les conséquences de la défaillance des entreprises d'assurance agréées en France et soumises au contrôle de l'Etat. Cependant l’article L. 421-9 du Code des assurances exclut l’intervention du FGAO pour les contrats d’assurance souscrits par des personnes morales (entreprises…) ou des personnes physiques en ce qui concerne leur activité professionnelle. Concrètement donc, en matière d’assurance construction obligatoire, le FGAO a vocation à protéger les particuliers qui souscrivent une police dommages ouvrage, par exemple dans le secteur de la maison individuelle.
(1) La LPS permet à une entreprise d’assurance, ayant son siège social dans un Etat de l’Espace économique européen, de proposer ses services sur le territoire français sans y avoir d’établissement, sous réserve d’avoir respecté une procédure de notification.
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