Investissements européens : les 315 Mds € pourraient ne pas suffire
Infrastructures et efficacité énergétique constituent deux des piliers du nouveau dispositif communautaire, destiné à injecter 315 milliards d’euros dans l’économie réelle ces trois prochaines années. Mais il faudra certainement bien plus pour être efficace.
Paul Falzon (Bureau de Strasbourg du Moniteur) et Adrien Pouthier
\ 14h45
Paul Falzon (Bureau de Strasbourg du Moniteur) et Adrien Pouthier
Aider les investisseurs privés à identifier et soutenir les grands projets porteurs: tel est l’un des objectifs du futur Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) présenté le 26 novembre au Parlement européen par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Le dirigeant a d’abord réaffirmé le chiffre, très discuté, de 315 milliards d’euros mobilisables pour la période 2015-2017, dont 240 milliards d’euros pour les chantiers d’infrastructure à long terme. Il est vrai qu’il s’agit d’une estimation maximaliste des montants d’investissements atteignables à partir des fonds abondés conjointement par l’Union européenne et la Banque européenne d’investissement (21 milliards d’euros, qui porteront l’essentiel du risque financier), en comptant sur un effet levier optimal auprès des acteurs privés (80% de l’enveloppe envisagée).
120 milliards de plus
Or, selon France Stratégie, organisme de réflexion rattaché au Premier ministre, et qui a publié trois notes sur le sujet ce 26 novembre, ce montant de 315 Mds € risque même d'être largement insuffisant.
Devant les parlementaires européens, le président de la Commission a précisé le calendrier et le fonctionnement du FEIS pour lequel, d’ici au mois de janvier prochain, doivent être définis le cadre réglementaire et les projets finançables. La Commission européenne a retenu une dizaine de secteurs stratégiques, dont les infrastructures de transport, l’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique et les infrastructures de haut débit. Pour France Stratégie, pas de doute, "si cette relance couvre les infrastructures dans les secteurs de l’énergie, des transports et des communications électroniques, le montant d’investissement additionnel enclenché au niveau européen pourrait atteindre 120 milliards d’euros par an soit, sur trois ans, être supérieur aux prévisions du plan Juncker". Le "sur-investissement" représenterait ainsi: 80 à 90 milliards dans le secteur de l’énergie-climat, 20 milliards dans les transports et 10 milliards dans les infrastructures numériques.
En ce qui concerne par exemple l'efficacité énergétique, une grande partie des investissements faits dans le cadre du scénario de la Commission européenne concerne la rénovation énergétique des bâtiments. Et le chiffre de 35 milliards d'euros est annoncé. Sauf que, explique France Stratégie, pour le parc de logements européens, le montant d’investissements devrait être plus que doublé et atteindre 56 milliards par an, dans un scénario où l’amélioration de l'efficacité énergétique est de 30 %. Dans le tertiaire, et notamment dans le parc public, les investissements devraient tripler, jusqu’à 27 milliards d’euros par an. Enfin, 6 milliards annuels seraient consacrés à l'efficacité énergétique dans l’industrie, portant le total des investissements à 89 milliards par an. Presque trois fois le montant imaginé...
A ce titre, il est donc capital de sélectionner intelligemment les investissements à réaliser "notamment sur la base de leur utilité sociale", juge France Stratégie.
Un label «Union européenne» sur les projets bien conçus
La quasi-totalité des pays membres ont déjà fait remonter des projets susceptibles d’intégrer le programme.
La France a ainsi défini une liste «à vocation illustrative» d’une trentaine de grands chantiers (voir focus). Une «task force» européenne pourrait faire connaître dès le mois de décembre les premiers dossiers retenus. Rompant avec la plupart des dispositifs actuels, la décision se fera au niveau communautaire et non national. Cette première sélection sera l’amorce de ce que Bruxelles a dénommé son «pipeline des projets» : l’objectif est de créer «une sorte de label Union européenne sur les projets bien conçus» pour «aider les investisseurs privés» dans leurs décisions, a ensuite précisé le commissaire en charge de la Compétitivité, Jyrki Katainen.
"Pour l’investissement privé, au-delà du déficit de la demande globale, il peut s’agir d’un manque de capital disponible ou de crédit pour l’investissement risqué", explique France Stratégie. "Les freins réglementaires ou liés à l’absence de trajectoire crédible sont aussi à prendre en compte : par exemple l’incertitude sur le prix du carbone, qui pèse sur les investissements requis dans la lutte contre le réchauffement climatique. Un bon usage des signaux prix (carbone), des normes (bâtiment, pollution) et des garanties publiques déclencherait massivement des investissements dans les différents secteurs, sans nécessairement accroître le recours au financement public."
Ce souci d’entraînement du secteur privé a bien été pris en compte par la Commission et se retrouve dans la création d’une plateforme de conseil et d’information sur les projets. Cet outil devrait voir le jour d’ici à la mi-2015, date à laquelle le FEIS devrait être pleinement opérationnel.
Les projets candidats en FranceLe gouvernement français a transmis à la Commission européenne une liste d’une trentaine de dossiers susceptibles d’être garantis par le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques, pour compléter les financements publics et favoriser l’injection de capitaux privés. Six grands secteurs sont concernés: économie numérique, économie digitale, énergie, transports, infrastructures sociales, ressources en environnement. Sélection des principaux chantiers intéressant la filière BTP.
- Plan d’investissement pour la performance énergétique des bâtiments publics (jusqu’à 120 milliards d’euros de travaux);
- Rénovation thermique des logements des propriétaires occupants en situation de précarité énergétique (1,45 milliard d’euros);
- Projet de déploiement de réseaux électriques intelligents (entre 0,2 et 0,8 milliard d’euros);
- Déploiement massif de points de charge rapide pour les véhicules électriques (0,2 milliard d’euros pour 5000 bornes);
- Réalisation d’une interconnexion électrique entre la France et l’Espagne (1,6 à 1,9 milliard d’euros);
- Projet de gazoduc Val de Saône (0,7 milliard d’euros);
- Projet de transport Charles-de-Gaulle Express (1,6 milliard d’euros);
- Projets de transport Grand Paris Express et Eole (8,6 milliards d’euros);
- Construction de deux terminaux à Dourges et Tarnos (0,28 milliard d’euros);
- Projet d’extension du Port de Calais (0,7 milliard d’euros);
- Plan de rénovation du réseau ferroviaire français (40 milliards d’ici 2025).
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