Transition énergétique : le projet de loi décortiqué par les architectes

L’Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa) a passé au crible le texte du projet de loi sur la transition énergétique, pour ce qui concerne la partie bâtiment. Dans un document envoyé par sa présidente, Marie-Françoise Manière, au ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, et que LeMoniteur.fr reproduit in extenso, la fédération fait part de son étonnement que la maîtrise d’œuvre, dans son ensemble, soit quasiment absente du texte.

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Transition énergétique : le projet de loi décortiqué par les architectes
Marie-Françoise Manière, présidente de l'Union nationale des syndicats français d'architectes

Contribution de l'Unsfa  sur le projet de loi sur la transition énergétique

L'Unsfa (Union nationale des syndicats français d'architectes) est une fédération de syndicats locaux d'architectes qui se sont réunis il y a 45 ans pour créer une Union Nationale, ce qui lui confère une très grande représentativité locale et une représentation nationale reconnue.

Cette représentativité s'appuie sur  la diversité de nos entreprises d'architecture, qui sont de toute taille et qui travaillent dans tous les domaines.

Tout ceci donne à notre syndicat d'architectes une expertise particulière sur l‘étendue de nos pratiques professionnelles et une juste appréhension des questions qui relèvent du bâtiment (neuf ou rénovation) et du cadre de vie.

Et c'est à ce titre que nous rédigeons une contribution sur le projet de Loi que vous envisagez, en ciblant la partie relevant de notre compétence : le bâtiment.

NOTE LIMINAIRE

Nous nous étonnons que dans ce document les termes « architectes » et « architecture » ne soient jamais utilisés dans les textes présentés (excepté une fois pour « architecte des bâtiments de France »), et que la maîtrise d'œuvre, dans son ensemble, y soit quasiment absente.

C'est, il nous semble, méconnaitre totalement les mécanismes de la construction et de la rénovation, où seules des études sérieuses, faites par une maîtrise d'œuvre compétente, permettent de conduire des travaux de rénovations pertinents et offrant de réels gains énergétiques.

C'est d'ailleurs ce qu'a souligné UFC-Que Choisir dans son enquête sur la rénovation il y a quelques semaines (lire une réaction de l’Unsfa à ce sujet).

La rénovation d'un bâtiment ne peut avoir pour seul objectif l'amélioration de la consommation d'énergie, elle doit s'accompagner d'une revalorisation patrimoniale, d'une amélioration du confort, de l'optimisation des espaces, en bref elle doit s'inscrire dans une requalification globale du logement, même si pour des raisons financières, celle-ci doit se faire par étapes.

Et c'est bien ainsi que les consommateurs le souhaitent. C'est ce qui a été souligné par « La Fabrique écologique » : PRINCIPAUX MOTEURS AU PASSAGE  A  L’ACTE: NI  ECOLOGIE  NI  TEMPS   DE RETOUR  MAIS  ESTHETIQUE, BIEN  ETRE ET CONFORT, BAISSE  DES MENSUALITES  ET  VALEUR  PATRIMONIALE.

Encore une fois, tout ceci ne peut se faire sans des études de maîtrise d'œuvre, et tout particulièrement celles des architectes.

TEXTE CONCERNÉ PAR NOTRE EXERCICE PROFESSIONNEL

SUR LE TEXTE DE PRÉSENTATION - NOR : DEVX1413992L/Rose-1

Page 1

« Une croissance qui protège la santé des Français en améliorant la qualité de l’air et leur rende du pouvoir d’achat en économisant l’énergie dans le logement et les transports.

Une croissance qui améliore la vie quotidienne de chacun, ici et maintenant. »

C'est une déclaration d’intention plutôt intéressante qui rejoint nos préoccupations premières, à savoir la prise en compte des performances énergétiques de la santé et de son corolaire, la qualité de l’air.

L’Unsfa défend également avec force que la recherche de performance énergétique doit s’accompagner d’une amélioration de la vie quotidienne des individus et de leur confort.

Page 5

« Le projet de loi de programmation mobilise les outils techniques, juridiques et financiers nécessaires à une accélération rapide et une amplification massive de ce grand chantier qui doit notamment permettre de rénover 500 000 logements par an d’ici 2017, en stimulant conjointement la demande et l’offre de travaux, en accompagnant les ménages, les collectivités territoriales, les entreprises et les professionnels du bâtiment. »

L’objectif est ambitieux et louable, mais il serait judicieux de définir les acteurs et leur rôle.

Si 500 000 logements sont réhabilités sans architecte et sans architecture, nous préparons les sinistres techniques, sociaux de demain et une dégradation durable des tissus urbains et des paysages.

Page 10

« L’article 4 permet de lever les freins à l’isolation des bâtiments en matière d’urbanisme.

Il complète les dispositions prévues à l’article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme afin que le permis de construire, le permis d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne puissent s’opposer à la réalisation d’une isolation. Certaines dispositions des documents d’urbanisme peuvent en effet constituer un frein à la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique de l’enveloppe des bâtiments. Les exigences en termes d’aspect extérieur du bâtiment, d’emprise au sol ou encore d’implantation des constructions décrites dans les documents locaux d’urbanisme en vigueur dans certaines collectivités ainsi que dans le règlement national d’urbanisme peuvent empêcher dans certains cas la réalisation d’une isolation d’un logement par son propriétaire. »

Nous sommes, certes, toujours intéressés par une simplification et un certain assouplissement réglementaire si les effets en sont maîtrisés. En revanche, nous restons perplexes sur le fait de ne pas mettre en perspective de cet assouplissement l'intervention nécessaire des architectes, dès le diagnostic et la phase conception. Ils sont, par leur formation et leurs compétences, les mieux à même de permettre à cette déréglementation d'être un atout pour la relance de la construction en lui évitant d'être confuse.

Les architectes s’inquiètent des conséquences de ces dispositions qui privilégient uniquement l’aspect énergétique en défaveur des codes ou normes qui garantissent au citoyen un droit pérenne et un environnement de qualité.

Comment peut-on affirmer que les exigences en termes d’aspect extérieur du bâtiment puissent constituer un frein à la transition énergétique ?

Page 11

« Il est instauré une obligation d’améliorer la performance énergétique lors de la réalisation des travaux de rénovation n’entrant pas dans ces cas de figure. La modification de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme prévoit donc l’obligation de réaliser une isolation par l’extérieur lors d’un ravalement de façade, l’obligation de réaliser une isolation de la toiture ou des combles lors de la réfection de celle-ci et l’obligation de réaliser des travaux d’amélioration d’isolation lors de l’aménagement de nouvelles pièces, initialement non destinées à l’habitation.

Concrètement, cet article va conduire à :

- l’obligation de réaliser une isolation par l’extérieur lors d’un ravalement de façade ;

- l’obligation de réaliser une isolation de la toiture ou des combles lors de la réfection de celle-ci ;

- l’obligation de réaliser des travaux d’amélioration d’isolation lors de l’aménagement de nouvelles pièces, initialement non destinées à l’habitation. »

Ce texte appelle plusieurs observations :

- Il est impossible de raisonner par éléments de bâtiment. Seul un diagnostic de l'existant et une étude approfondie de l'ensemble peut conduire à prescrire des travaux cohérents.

- Cette "obligation" ne tient pas compte des autres réglementations (incendie, accessibilité, etc.) qui peuvent se contredire.

- Comment obliger à réaliser une isolation par l'extérieur alors qu'en France nous avons un large patrimoine de bâtiments dont les façades sont en pierres et en briques apparentes. Quel héritage voulons-nous laisser ? Les architectes s’inquiètent de la pérennité et durabilité d’un dispositif qui revêt les bâtiments d’une peau fragile et sans tenue à moyen terme. Ils sont convaincus que l’intérêt du maître d’ouvrage doit être préféré à une approche dogmatique de la gestion thermique du bâti.

- Comment obliger à isoler, sans réfléchir au renouvellement d'air qui doit l'accompagner et aux conséquences sur sa qualité, dont la priorité est pourtant rappelée page 1 (Une croissance qui protège la santé des Français en améliorant la qualité de l’air) ?

- De plus, il nous semble que le fait de lier l'obligation de travaux d'isolation à des travaux d'entretien courants (façades, toitures; …etc.) puisse faire renoncer à tous travaux, et, par voie de conséquence à la dégradation des immeubles concernés. Les propriétaires (qu'ils soient institutionnels ou particuliers) n'ont pas aujourd’hui les moyens financiers d’entreprendre ces travaux sans une incitation financière forte. Il est préférable de susciter des rénovations intelligentes plutôt que de les rendre, aveuglément, obligatoires.

- En revanche, il nous semble indispensable que les PLU et le code de l'urbanisme introduisent la possibilité de dérogations réglementaires pour les prospects et, dans la mesure du possible, les cas d'empiètement sur le domaine public. L’objectif est de permettre la mise en œuvre d’une isolation extérieure, quand elle apparaît être la meilleure solution dans le cadre d’un programme de travaux réfléchi.

De fait, il serait essentiel de préciser que pour obtenir la performance à tous niveaux, il y ait obligation de recourir à une maîtrise d’œuvre compétente pour garantir l’équilibre et l’homogénéité des travaux accompagnant ceux ciblés sur l’amélioration des performances énergétiques.

C’est le cœur de métier des architectes qui sont, par essence, préoccupés par l’amélioration conjointe du confort des usagers, de leur santé, du tissu urbain social et culturel dans le cadre d’une durabilité technique du patrimoine (pérennité des matériaux et systèmes d’enveloppe).

Sachons conserver ou construire un cadre de vie de qualité et avant tout, durable.

Page 12

« L’article 9 réforme le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) en vue de la troisième période d’obligations (2015-2017). Ce dispositif, créé par la loi n° 2005-781 du13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, constitue l’un des instruments phare de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Il repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie appelés les « obligés » (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique et carburants pour automobiles). Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès de leurs clients (ménages, collectivités territoriales ou professionnels)

Le présent article réforme le dispositif afin de le rendre plus efficace, plus simple et mieux ciblé. Les modifications consistent à :

- étendre la possibilité d’obtenir des CEE aux chargeurs dans leur recours au fret ferroviaire et fluvial et au transport combiné et aux sociétés publiques locales qui proposent un service de tiers-financement ;

- étendre la possibilité de valoriser sous forme de CEE la contribution à des programmes de logistique et de mobilité durable ou l’abondement au fonds de garantie pour la rénovation énergétique... »

La maîtrise d'œuvre a déjà peu accès aux CEE pour la formation continue (FeeBat).

Avec cet élargissement des attributaires,  elle sera très certainement mise hors circuit.

Si l’effort ne porte pas en premier lieu sur la qualité des acteurs des études, du choix de ceux qui les conduisent et de la pertinence de leur formation, le dispositif ne pourra pas être performant.

Page 30

« L’article 63 institue un chèque énergie versé sous condition de ressources et réservé aux achats d’énergie. Ce dispositif de solidarité améliore l’égalité de traitement entre sources de chauffage, facilite l’atteinte de la cible de bénéficiaires, grâce à des critères d’éligibilité plus simples et l’absence de croisements de fichiers, repose sur un critère de revenu unique, permettant une modulation de l’aide et une réduction des effets de seuil. »

Il faut faire attention aux bonnes intentions qui peuvent produire des effets connexes délétères.

La précarité énergétique va de pair, très généralement avec la vétusté des installations et du matériel en place. Ces défauts de sécurité conduisent à de nombreux incendies chaque année.

Par exemple, il nous semble très dangereux d’allouer des fonds pour régler les factures d’électricité sur une installation dangereuse sans se préoccuper de la mise en sécurité des équipements.

La précarité doit préférablement être considérée de manière globale. Mais, même si on n’aborde cette question que sous l’angle de la précarité énergétique, il faut, à minima, faire réaliser par un technicien compétent, un diagnostic ayant pour objet la mise en sécurité des personnes et de leur santé.

Le chèque énergie doit permettre le financement de ce diagnostic, car le droit à l’énergie ne peut se faire sans un droit à la santé et à la sécurité. Le résultat du diagnostic obligera, le cas échéant, les propriétaires à faire les travaux permettant d’y remédier.

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