Les architectes-conseils de l'État au chevet des territoires diffus
Les architectes-conseils de l’État (ACE) se sont réunis les 26, 27 et 28 septembre dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais pour leur séminaire annuel. L’occasion de s’interroger notamment, sur fond de visites de terrain et de partage d’expérience, sur leur rôle dans la planification des territoires périurbains et ruraux.
Margaux Darrieus
Cette année, le séminaire annuel des architectes-conseils de l’État (ACE) s’est tenu hors des murs de la ville dense. Pendant trois jours, les professionnels ont sillonné le vaste bassin minier du Nord-Pas-de-Calais développé sur plus de 100 km de long autour des villes de Béthune, Lens et Valenciennes, à la rencontre des décideurs qui œuvrent à la valorisation de ce territoire diffus (650 habitants/km²) et à la découverte des projets-leviers de son redéveloppement. Ils étaient invités par la présidente de leur comité l’architecte-urbaniste Eva Samuel, à s’interroger notamment sur la planification des paysages éloignés des grandes visions métropolitaines, ces territoires périurbains où s’exercent également leurs missions. Morceaux choisis de leurs réflexions.
Le patrimoine, levier de planification
Récemment inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco au titre des "Paysages culturels évolutifs", le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est exemplaire quant à l’implication collective et l’adaptation des méthodes des différents acteurs de l’urbain (élus, urbanistes, architectes, bailleurs…) pour enrayer le processus de paupérisation de ces 4000 hectares sculptés par l’industrie. L’implantation du Louvre à Lens, la reconversion des fosses d’extraction d’Oignies et de Loos-en-Gohelle, les réhabilitations en cours ou achevées de cités minières (transformées en parcs de logements sociaux) révèlent le dynamisme de ce territoire. Outil d’ingénierie de développement et d’aménagement majeur, la Mission bassin minier (MBN) est à l’articulation de ces initiatives pour que la protection patrimoniale se conjugue à l’évolution de la zone où sont éparpillés près de 73 000 logements sociaux, allant du coron en barre rationnelle à la cité-jardin pavillonnaire. “Notre objectif n’est pas de sanctuariser mais d’engager le réaménagement et d’initier la bonne gestion d’un environnement extraordinaire, d’améliorer le cadre de vie des habitants en même temps que de veiller à sa protection”, explique Raphaël Alessandri, directeur d’études à la MBN, en introduction du séminaire. Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, où la planification du territoire se nourrit de la préservation de ses qualités intrinsèques, serait-il la preuve que le temps des lamentations et de l’invocation d’un retour à la ville compacte est dépassé? Dans quelle mesure peut-il être, en tant que territoire de projet, inspirant quant à la nécessaire appropriation et la planification des zones où la densité n’a pas cours? C’est notamment à partir de ces questionnements que les architectes-conseils ont été invités à dialoguer sur les qualités des territoires périurbains et ruraux, entre étalement urbain et ville diffuse, et sur leur implication de leur évolution.
La ville diffuse, noire réalité ou avenir prometteur?
C’est peut-être, au fond, une question de regards sur la ville en évolution et donc, d’ambition pour elle. Si les architectes-conseils s’accordent, à mesure des discussions, sur la vision positive à laquelle renvoie la ville diffuse, ils s’inquiètent, comme Suzel Brout (intervenant en Haute-Corse), des réalités de l’application en France d’un modèle venu de Vénétie et rendu possible par la complémentarité de territoires où la gouvernance locale est très forte. Pourtant, comme le décrit Florence Crépu, certaines zones périurbaines sont déjà de beaux exemples de ville diffuse à la française, “au sud de la Vienne, un vaste territoire échappe à la conurbation Poitiers-Châtellerault. Ce sont des villes complémentaires qui, ensemble, ont une identité forte”. La ville diffuse serait-elle l’avenir radieux de l’étalement urbain? Chacun convient en tout cas que la mutualisation, le tissage de réseaux (d’économie, de programmes, de services, d’infrastructures…) lui est indispensable, et c’est ce qui manque cruellement aux territoires périurbains d’aujourd’hui, trop souvent “tertialisés” selon Patrick Céleste (intervenant dans le Tarn) et pour lesquels on ambitionne l’équité. Fort de son expérience dans le bassin minier, Raphaël Alessandri insiste: “La ville diffuse est un luxe, un écosystème fragile qui nécessite une grande force économique et des infrastructures.” Alors, quels outils permettraient en France de transformer l’étalement urbain en ville diffuse? Certains voient dans le SCOT un outil adapté à une réflexion globale. En tout cas, si toutes les réponses n’émergent pas encore, il est indéniable que le regard sur les zones périurbaines a changé et l’acceptation de cette condition urbaine est peut-être la première étape à sa planification intelligente. Des réflexions qu’auront sûrement nourries les travaux de Paola Viganò, Grand Prix de l’urbanisme 2013, invitée par le comité à s’exprimer sur les qualités des territoires diffus.
Les architectes-conseils de l'État au chevet des territoires diffus
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