Expérimentations d’usage pour LAN Architecture à Paris
L’élégant immeuble de 40 logements conçu par les architectes de l’agence LAN pour ICF Novedis dans le XVIIe arrondissement de Paris anticipe la complète réversibilité de son usage. Du logement au bureau, il n’y a qu’un pas.
Margaux Darrieus
Sa silhouette gracile évoque le Flatiron Building à Manhattan et sa sobre modénature dénote dans le linéaire agité des constructions qui l’entourent. Impossible de ne pas s’arrêter devant le sombre immeuble posé par l’agence LAN (Umberto Napolitano et Benoit Jallon) en lisière de la ZAC Clichy-Batignolles (Paris XVIIe). Bureaux? Logements? La façade lisse dessinée au cordeau est énigmatique. Uniformisation des percements, pas de balcons mais des loggias percées dans la profondeur de la trame et parsemées sur chaque face du triangle. Au quatrième étage, un coquet jardinet, au cinquième, du linge qui sèche… Un coup d’œil aux intérieurs de ces alcôves révèle la vocation domestique du programme: là où on imaginait le siège social d’une grande et fière entreprise, ce sont en réalité 40 logements qu’abrite la construction. Sans aucune concession au vocabulaire formel propre aux immeubles de logements collectifs, l’abstraction esthétique du bâtiment découle des ambitions expérimentales de ses architectes. Ils l’ont dessiné dans un souci de durabilité en rendant possible sa totale mutabilité en bureaux, une ambition forte qui a convaincu le maître d’ouvrage ICF Novedis. “Nous avons conçu le projet en évitant de le considérer uniquement comme une réponse aux besoins exprimés à un instant T”, expliquent les architectes.
Pari haussmannien
“La conception du projet explore deux notions, la densité et la flexibilité, qui caractérisent selon nous le type architectural de l’immeuble haussmannien”, poursuivent les concepteurs. Car comment savoir ce qui se cache derrière les façades régulières qui bordent les boulevards parisiens? Inspirée de ce modèle, la structure du bâtiment de LAN - une extrusion parfaite de l’emprise de la parcelle - est déportée en façade et contreventée par le noyau de circulations verticales. La hauteur de dalle à dalle est agrandie à 3,20 m et la façade, tramée sur 1,35 m pour que les vitrages atteignent 2,70 m de large, soit les dimensions d’un module de bureau. “La configuration des niveaux, les proportions des espaces, la régularité des ouvertures en façade facilitent la modification des aménagements intérieurs”, assurent les maîtres d’œuvre. Si de ces choix régulateurs naît la richesse des usages possibles, c’est également la source d’une gestion raisonnée du projet. Tramer permet de standardiser et de préfabriquer, donc de profiter de l’économie d’échelle pour mettre en œuvre des produits de très belle qualité. Le bâtiment est réalisé à partir d’une seule menuiserie en aluminium laqué noir à ouvrant caché et de trois formats de panneaux de prémurs dont les faces extérieures sont en béton poli. Luxe des matériaux et perfection de la mise en oeuvre conduisent à l’épure formelle qui confère sa monumentalité au bâtiment dont l’austérité est délicatement rehaussée par deux rubans dorés, soulignant ce qu’aurait pu être l’étage noble haussmannien.
Loggias régulatrices
Mais que donne cette rigueur de la conception sur l’usage domestique du bâtiment, puisque telle est sa fonction pour le moment? Alors que le dessin complexe de la parcelle et cette forme d’entêtement dans les percements de façade auraient pu compliquer l’habitabilité – et c’est parfois le cas -, la répartition des loggias, indéniables plus-values spatiales, permet de rationaliser les plans des logements et les quelques dégagements biscornus qui subsistent sont judicieusement placés pour devenir hall d’entrée, petit bureau... Offrant de 5 à 12 m2 d’espaces extérieurs, les loggias sont l’occasion d’apporter un peu de lumière naturelle dans les pièces de services qui n’ont pas eu droit aux gigantesques fenêtres. D’ailleurs, si le bâtiment semble faire peu de cas de ses voisins, offrant orgueilleusement à chacun le même traitement, c’est que le dialogue urbain qu’il tisse se déploie à une autre échelle, celle de la ville vers laquelle se voit projeté l’habitant depuis son salon, sa chambre ou sa cuisine baignée de lumière naturelle. Une ouverture vers l’urbain dont l’agence LAN avait déjà fait usage avec succès dans l’immeuble de bureaux livré à Euralille il y a quelques mois.
Fiche techniqueMaîtrise d’ouvrage: ICF Novedis
Maîtrise d’œuvre: LAN, Umberto Napolitano, Benoit Jallon, architectes mandataires; Bollinger-Grohmann, BET structure; Agence Franck Boutté, consultant HQE; LBE, BET fluides; JP Tohier & Associés, économie
Programme: 40 logements locatifs et locaux d’activités
Surfaces: 3 700 m2 Shon; 2 900 m2 SP
Calendrier: livraison, juillet 2014
Coût travaux: 5,9 M€ HT
Expérimentations d’usage pour LAN Architecture à Paris
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