Point de vue : engager une expertise amiable n’est pas sans intérêt

La jurisprudence récente de la Cour de cassation énonce qu’un litige peut, sous certaines conditions, être tranché sur le fondement d’un rapport d’expertise amiable. Christian Gentiletti, expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence et près la cour administrative d’appel de Marseille (1), livre son point de vue sur cette décision suite à la parution d’un premier commentaire sur lemoniteur.fr.

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Point de vue : engager une expertise amiable n’est pas sans intérêt
Christian Gentiletti, expert judiciaire

Nous faisons suite à l’article « Accepter de participer à une expertise n’est pas sans risque » paru le 13 novembre sous la signature de Nicolas Demigneux et Thibaut Gribelin, avocats. Cette publication montre le risque de participer à une expertise amiable à cause de la possibilité de décision judiciaire qui peut s’en suivre (2). Nous éclairons le même texte de l’intérêt que l’expertise amiable peut avoir dans le cadre de la résolution de litiges et nous y ajoutons les préceptes à respecter pour que la conduite de cette mission amiable puisse être rendue acceptable par les parties.

L’expertise amiable

Une partie dans un litige peut faire appel à un expert pour engager une procédure d’expertise amiable, pour autant que l’autre l’accepte. Pour certains litiges de construction ou d’immobilier, où le délai de conclusion peut avoir une importance, ou encore portant sur un  montant économique relativement faible, ou même techniquement simple, la mise en place d’une expertise amiable peut prendre un grand intérêt, puisque la jurisprudence montre qu’elle peut par la suite fonder une décision sur une telle procédure si elle n’aboutit pas à un accord.

Nous présentons ci-après les éléments incontournables selon nous pour la bonne réalisation de ces expertises.

La nécessité du contradictoire

Dans ce type de procédure amiable, nous voyons qu’il est strictement nécessaire que les règles courantes du contradictoire soient parfaitement respectées ; et aussi qu’il soit possible de le démontrer, le cas échéant, devant un juge. Cela passe par une convocation (ou proposition de participation) dans les formes, avec un délai qui permette à la partie appelée d’organiser son assistance (avec une durée équivalente aux quatre semaines prévues dans le cadre des bonnes pratiques de l’expert judiciaire) ; la signature d’une feuille de présence, puis la conduite des opérations selon les règles courantes de l’expertise judiciaire et ses séquences de présentation, de constatations et de débats ; enfin, l’envoi du compte-rendu ou du rapport dans les formes également, avec un délai de réponse et de réception d’observations récapitulatives, puis la reprise de ces observations et leurs réponses apportées dans le rapport final qui sera publié et rendu opposable à tous.

La décision qui pourrait être prise de façon amiable à la fin des opérations d’expertise sera d’autant plus facilitée que ces opérations auront permis le débat technique et participé à la recherche d’une solution qui puisse convenir à tous.

Le choix de l’expert

Nous voyons que la conduite de ces opérations requiert une très bonne technicité pour donner le plus de chances possibles à l’émergence amiable d’une solution au litige. C’est donc vers un expert inscrit sur les listes d’une cour d’Appel ou de la Cour de cassation qu’il apparaît nécessaire de se tourner pour choisir le technicien. Ce choix peut aussi être de nature à rassurer l’autre partie, et même à ce que la désignation de l’expert soit faite en commun par les parties.

Et la présence des conseils

Contrairement à une idée reçue, l’expertise amiable n’écarte pas les conseils qui peuvent trouver toute leur place dans l’accompagnement juridique de leur client dans une telle procédure. De même, si les conclusions de l’expert peuvent permettre l’émergence d’une solution transactionnelle, c’est aux avocats qu’il conviendra de confier la rédaction des actes constatant l’accord et des protocoles d’application, l’expert n’étant pas rompu à ce type d’appréciation et de rédaction d’actes juridiques.

Compétence, indépendance et objectivité

Et pour conclure, nous voyons que la bonne conduite d’une telle opération d’expertise nécessite la même position déontologique de l’expert de justice : une bonne compétence, une grande indépendance et une parfaite objectivité. C’est bien dans l’expert de justice que l’on trouve l’assurance du respect de ces grandes règles.

(1)   Christian Gentiletti est expert près la CA d’Aix-en-Provence et près la CAA de Marseille (dans les spécialités de l’électricité), membre de la RICS, et diplômé de l’ICH. Il est aussi chargé de cours à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, dans le cadre du Certificat universitaire d’expertise judiciaire.

(2)   En résumé : l’expert amiable peut être mandaté par une partie hors de tout cadre juridique dans un litige l’opposant à d’autres parties. Par une décision du 19 novembre 2013, la Cour de cassation est venue préciser qu’une décision juridique peut être fondée sur une expertise amiable de ce type.

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