Marchés publics : sauver une offre incomplète de l’élimination…
Par un arrêt du 17 juin, la cour administrative d’appel de Paris vient étoffer la construction jurisprudentielle en matière de rectification des erreurs matérielles dans le cadre d’appels d’offres.
Nohmana Khalid
Les règles sont désormais bien connues : une offre irrégulière qui ne respecte pas les exigences posées dans l’avis d’appel public à concurrence (art. 35-I du Code des marchés publics1) doit être éliminée (art. 53-III2). En procédure d’appels d’offres, l’acheteur public peut néanmoins demander aux candidats de préciser ou compléter la teneur de leur offre (art. 59-I3) à condition de ne pas la modifier. Dans une décision du 17 juin 2014, la cour administrative d’appel de Paris réaffirme le principe posé par le Conseil d’Etat (CE, 21 septembre 2011, n° 349149, « Département des Hauts-de-Seine4 ») : « Si le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'inviter un candidat à préciser ou à compléter une offre irrégulière, il peut toutefois demander à un candidat des précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l'inviter à rectifier ou à compléter cette offre sans que le candidat puisse alors en modifier la teneur, sauf dans le cas exceptionnel où il s'agit de rectifier une erreur purement matérielle, d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue ».
Ne pas modifier le montant de l'offre, ni ses caractéristiques techniques et financières
Dans cette affaire, une commune avait attribué, au terme d’un appel d’offres ouvert, les deux lots du marché à bon de commande « gestion de déchetteries et collectes des objets encombrants ». L’attributaire du lot n° 2 contestait l’attribution du lot n° 1 à un autre candidat ayant régularisé son offre pour respecter l’obligation de moyens humains fixée par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP). Il a obtenu devant le tribunal administratif la réparation du préjudice résultant de la perte de ce marché. Mais la CAA de Paris donne raison à la commune.
L’attributaire du lot n° 1 avait en effet, par erreur, omis de renseigner dans son offre la présence d’agents sur une tranche horaire, mais s’était engagé à assurer le gardiennage d’une déchetterie sur son amplitude journalière totale. Après avoir été invitée par le pouvoir adjudicateur à préciser son offre, la société a confirmé le respect de l’exigence fixée dans le CCTP. Les juges d’appel constatent que « la rectification à laquelle il a ainsi été procédé, s'agissant d'une erreur dont la société [retenue pour le lot n° 2] n'aurait en tout état de cause pas pu, dans le cadre de l'exécution du marché, se prévaloir de bonne foi pour ne pas respecter ses engagements, s'est faite à effectif global constant et n'a modifié ni le montant de l'offre, ni ses caractéristiques techniques et financières ». La modification de la répartition des agents sur les différents sites n’avait ni modifié la teneur de l’offre, ni eu d’incidence sur le classement des offres. La commune n’a donc pas commis une irrégularité fautive de nature à engager sa responsabilité.
Pour consulter l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 17 juin 2014, n° 12PA03122, cliquez ici
(1) Article 35-I du Code des marchés publics
« Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. »
(2) Article 53-III du Code des marchés publics
« Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue. »
(3) Article 59-I du Code des marchés publics
« Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. »
(4) CE, 21 septembre 2011, « Département des Hauts-de-Seine », n° 349149 (lire notre article ici) confirmé par CE, 16 janvier 2012, « Département de l’Essonne », n° 353629 (lire notre article ici).
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