PPP : un rapport sénatorial veut sauver l’architecture et les PME
Les sénateurs Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur recommandent, dans un rapport d’information présenté le 16 juillet, d’exclure l’architecture du champ des contrats de partenariat. Ils préconisent également de réserver une part minimale de l’exécution de ces contrats aux PME-TPE et de revenir à deux critères, au lieu de trois aujourd’hui, pour justifier le recours à un tel contrat.
Bénédicte Rallu
La commission des lois du Sénat prépare l’évolution du cadre juridique des contrats de partenariat (CP), qui doit intervenir à l’occasion de la transposition des directives européennes de 2014 sur les marchés publics. Son président Jean-Pierre Sueur (Loiret, groupe socialiste) et le sénateur du Val d’Oise Hugues Portelli (UMP) font 13 recommandations dans un rapport d’information, débattu devant elle le 16 juillet, pour mieux encadrer les partenariats public-privé (PPP). Le titre du rapport lui-même pose le débat : « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? ». « La question financière est considérable », a commenté Jean-Pierre Sueur lors d’une conférence de presse. Les auteurs ont pu avoir accès au fameux rapport d'évaluation des PPP de l’Inspection générale des finances (lire ici) à la faveur du changement de ministre à Bercy il y a quelques mois.
« Quasi-doublement des charges » pour les finances publiques
En s’appuyant en partie sur ces travaux et sur des estimations réalisées sur plusieurs projets, les deux rapporteurs font le constat d’un « quasi-doublement des charges à payer sur le long terme par rapport au montant de l’investissement équivalent qui serait réalisé en loi MOP » ; et de la « rigidification » des budgets contraints sur des décennies. Il est temps, pour les auteurs du rapport, de revenir à la vision du Conseil constitutionnel qui considère le contrat de partenariat comme un outil dérogatoire au droit de la commande publique. « Il est une procédure d’exception qui restreint les possibilités de concurrence » puisque trois grands groupes remportent essentiellement les contrats, a relevé Jean-Pierre Sueur.
Deux critères d’urgence et de complexité strictement définis
Les deux sénateurs proposent donc de redéfinir les critères d’urgence et de complexité, aujourd’hui mal employés. Beaucoup de collectivités, selon Jean-Pierre Sueur, considèrent qu’il y a complexité à partir du moment où il y a PPP... Le rapport préconise de revenir à la définition stricte du considérant 31 de la directive européenne 2004/18/CE sur les marchés publics, qui qualifie une situation de complexe lorsque la personne publique est dans l’impossibilité objective de définir les moyens aptes à satisfaire ses besoins ou d’évaluer ce que le marché peut offrir en termes de solutions techniques et/ou de solutions financières et juridiques. L’urgence devrait, elle, être impérieuse au sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat, c’est-à-dire résulter de circonstances imprévisibles pour la personne publique et n’être pas de son fait. Le troisième critère, celui de l’efficience économique, trop imprécis, au « caractère arbitraire » et finalement « peu utilisé » devrait, selon les auteurs, être purement et simplement supprimé.
Un seuil minimal pour recourir aux PPP
Les architectes, les entreprises du second œuvre et les PME-TPE peuvent se réjouir d’avoir été entendus. Le rapport souhaite améliorer leur accès à la commande publique en excluant le choix de l’équipe d’architecture du champ du CP (il faudrait alors deux opérations successives pour réaliser un projet : un concours d’architecture et le CP passé sur la base du projet architectural préalablement défini et adopté). Le rapport préconise également, même si les auteurs reconnaissent que cela peut être « compliqué », de fixer par la loi ou le règlement une part minimale de l’exécution d’un CP confiée aux PME et artisans et de renforcer les garanties de paiement de toutes les entreprises intervenant pour l’exécution du CP.
Il faudrait finalement, selon les sénateurs, réserver les CP à des opérations dont le coût serait supérieur à un seuil. Ils attendent le débat législatif pour proposer un montant. Mais dans leur esprit, un CP ne pourrait plus être passé pour des projets, comme l’éclairage public, pouvant se réaliser avec des marchés traditionnels. Ils avertissent aussi les collectivités sur les domaines dans lesquels elles utilisent des PPP : avec la montée en puissance des intercommunalités, conclure un PPP pour une opération banale en éclairage public ou en voirie pourrait amener « une intercommunalité à refuser la dette d’une commune et donc à refuser le transfert de la compétence », estime Jean-Pierre Sueur.
Evaluation préalable et missions de la Mappp revisitées
Les auteurs du rapport souhaiteraient voir se développer une réelle doctrine sur les conditions de recours aux CP. L’évaluation préalable mériterait d’être revisitée pour changer de nature : « Elle devrait pouvoir éclairer la personne publique dans le domaine juridique, sur son degré d’endettement et ses capacités de remboursement à moyen et long termes » en intégrant aux calculs des éléments de contexte comme la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales. Les personnes publiques devraient pour leur part conserver en interne les compétences nécessaires pour suivre et contrôler l’exécution du contrat. La réalisation de l’évaluation préalable devrait être confiée à des organismes publics (Mission d’appui aux PPP, directions départementales des finances publiques qui pourraient rendre un avis obligatoire pour les CP passés par les collectivités territoriales) ou à tout le moins indépendants et habilités. Parallèlement, la mission d’appui aux PPP (Mappp) devrait, selon les rapporteurs, abandonner sa mission de promotion des CP. Ces recommandations devraient être reprises dans une proposition de loi ou par le biais d’amendements très prochainement.
Pour consulter le rapport d’information de MM. Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur du 16 juillet 2014, cliquer ici
Voir aussi une étude comparée des PPP dans plusieurs pays d’Europe en cliquant ici
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