Le titulaire du marché ne peut se prévaloir d'une offre anormalement basse !

Les acheteurs publics sont tenus de faire la chasse aux offres anormalement basses. Pour autant, estime la cour administrative d'appel de Versailles, l'entreprise qui candidate à trop bas prix ne peut ensuite reprocher au maître d'ouvrage de lui avoir attribué le marché... Analyse par Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique et de la valorisation immobilière du conseil général de la Côte-d’Or.

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Le titulaire du marché ne peut se prévaloir d'une offre anormalement basse !
Offre anormalement basse

L’arrêt rendu le 12 juin 2014 par la cour administrative d’appel de Versailles (1) est une illustration intéressante de la jurisprudence dite « Béziers 1 »(2). Rappelons qu’en vertu de celle-ci, dans le cadre du contentieux de l’exécution d'un marché public, les parties ne peuvent échapper à leurs obligations contractuelles en se prévalant d’une irrégularité commise par le pouvoir adjudicateur lors de la passation du contrat, exception faite des vices les plus graves.

Dans l'espèce tranchée le 12 juin, la société requérante recherchait l’annulation ou la résiliation du marché qui lui avait été notifié. Elle reprochait en effet au département des Hauts-de-Seine un manque de vigilance lors de l’examen de son offre de prix, laquelle présentait, il est vrai, une forte suspicion d’anormalité. Selon la société, le département aurait dû mettre en œuvre la procédure contradictoire prévu par l’article 55 du Code des marchés publics (détection des offres anormalement basses), ce qui aurait permis à celle-ci de mettre en exergue l’irréalisme économique de son offre.

Obligation de vigilance du maître d'ouvrage...

La cour de Versailles constate que la société ne démontre pas que les difficultés financières ainsi que la perte de marge bénéficiaire qu’elle a supportées ont été susceptibles de compromettre la bonne exécution du marché (3), et que le département a commis une erreur d’appréciation. Les travaux étant intégralement exécutés par l’entreprise, une telle démonstration se heurtait à un obstacle factuel non négligeable.
Toutefois, la cour admet qu’en l’espèce, le département aurait dû inviter l’entreprise à justifier le niveau particulièrement bas de son prix, l’écart de celui-ci avec l’estimation ainsi qu’avec les autres offres étant important. Ce qui traduit une nouvelle fois l’obligation de vigilance à laquelle sont tenus les acheteurs publics lors de l’examen des offres de prix (4). Elle juge cependant qu’une telle illégalité n’est pas d’une gravité telle qu’elle s’opposerait à ce que le litige puisse être réglé sur le terrain contractuel.

... mais l'erreur est entièrement imputable à l'entreprise

La CAA rejette in fine l'argument selon lequel le consentement de l’entreprise sur son prix aurait été vicié du fait d’une erreur sur l’une de ses composantes. Le juge relève que cette erreur est entièrement imputable à l’entreprise et qu’elle a été sciemment commise. Étant ainsi « responsable des conditions dans lesquelles elle a donné son consentement et s’étant engagée à réaliser des prestations, selon ses dires à perte, elle a commis une erreur qui ne peut être regardée comme ayant présenté un caractère excusable de nature à justifier la nullité du contrat. »

Il  est raisonnable d’admettre que ne sauraient davantage prospérer, les prétentions du titulaire du marché visant à obtenir l’indemnisation d’un manque à gagner, provoqué par un prix dont le niveau particulièrement bas n’aurait pas interpelé le pouvoir adjudicateur lors de l’analyse de l’offre.

Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (5) ?

(1) CAA Versailles 12 juin 2014, "Paysage Clément", req. n° 12VE01120.

(2) CE 28 décembre 2009, "Commune de Béziers", req. n° 304802.

(3) C’est précisément ce risque qui, lorsqu’il est établi, justifie et impose le rejet de l’offre, considérée alors comme étant anormalement basse.

(4) CE 25 octobre 2013, "Département de l’Isère", req. n° 370573CE 29 mai 2013, "Ministre de l’Intérieur", req. n° 366606.

(5) Adage latin signifiant : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

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