Marchés publics européens : pas de salaire minimum pour les travailleurs de pays tiers

La Cour de justice de l’Union européenne vient d’écarter, dans un arrêt du 18 septembre, la possibilité pour un pouvoir adjudicateur d’exiger un salaire minimal fixe pour les salariés d’un sous-traitant établi et exécutant les prestations dans un Etat membre de l’UE autre que le sien.

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Marchés publics européens : pas de salaire minimum pour les travailleurs de pays tiers
Ouvriers sur un chantier de construction

La menace de concurrence déloyale refait surface dans une affaire de marchés publics allemands. L’arrêt du 18 septembre 2014 (1) de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) risque en effet de raviver les craintes. Celle-ci juge contraire au droit européen le fait d’imposer un salaire minimal fixe pour les salariés de soumissionnaires et de sous-traitants quand ces derniers exécutent une prestation objet du marché exclusivement dans un autre Etat membre de l’UE que celui du pouvoir adjudicateur. Dans le secteur du BTP, ce n'est pas cette fois le spectre du plombier polonais qui surgit mais plutôt celui de l'ingénieur ou du fournisseur de charpente travaillant à prix modique dans son pays...

Dans un appel d’offres européen pour la numérisation de documents et la conversion de données d’urbanisme (marché de services) de mai 2013, la ville de Dortmund demandait aux candidats de s’engager à payer un salaire horaire minimal de 8,62 euros à leurs salariés. L’exigence visait aussi leurs sous-traitants. La collectivité appliquait en cela une loi du Land allemand de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. La ville avait donc inclus cette disposition dans les conditions particulières du marché.

Mais un des candidats envisageait de sous-traiter l’intégralité de l’exécution de la prestation à une filiale située à 100% en Pologne. Il considérait donc que cette exigence ne pouvait s’appliquer pour des travailleurs situés dans un pays qui ne prévoyait pas un tel salaire minimal dans sa législation ou ses conventions collectives et, qui plus est, dans lequel le niveau de vie était bien différent.

Loi allemande « disproportionnée »

La CJUE n’a pas tergiversé. Si elle admet qu’une telle mesure sociale peut s’entendre comme une condition d’exécution d’un marché public au sens de l’article 26 de la directive 2004/18,  la Cour juge la loi allemande « disproportionnée » au regard de l’objectif poursuivi de protection des travailleurs et surtout contraire au droit européen sur la libre prestation des services (article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’UE).

Le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie voulait s’assurer par cette mesure que les travailleurs soient payés correctement, évitant ainsi le dumping social et de pénaliser les entreprises octroyant un salaire convenable à leurs employés. Mais pour la Cour, imposer un salaire minimal fixe aux sous-traitants quel que soit le lieu de l’exécution du marché pose problème. Une telle exigence « constitue une charge économique supplémentaire qui est susceptible de prohiber, de gêner ou de rendre moins attrayante l’exécution de leurs prestations » dans leur propre pays où les taux de salaire minimal sont inférieurs et le coût de la vie bien différent. Elle « est susceptible de constituer une restriction, au sens de l’article 56 TFUE ». Dans une telle situation (exécution des prestations par le sous-traitant exclusivement dans le pays d’origine de celui-ci), une telle exigence priverait les sous-traitants établis dans un autre Etat membre que celui du pouvoir adjudicateur « de retirer un avantage concurrentiel des différences existant entre les taux de salaires respectifs »… Cela « va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer que l’objectif de la protection des travailleurs soit atteint », estime la Cour. Elle s’est appuyée pour cela sur sa propre jurisprudence (CJCE, arrêt Rüffert, C-346/06, 3 avril 2008).

La Cour a aussi écarté toute assimilation avec la législation sur les travailleurs détachés. « La directive 96/71 n’est pas applicable à l’affaire, indique-t-elle, le candidat requérant n’entendant pas faire venir des travailleurs de sa filiale établie à 100% en Pologne ».

(1) CJUE 18 septembre 2014, affaire C-549/13

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