L'Assemblée nationale vote un recours sous plus haute surveillance aux PPP
Un amendement au projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2014 à 2019 concrétise, plus vite que prévu, la volonté des pouvoirs publics d’un usage plus encadré des partenariats public-privé.
Sophie d’Auzon
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Il ne s’agit pas « d’empêcher la réalisation des partenariats public-privé, mais de s’assurer de la meilleur conclusion de ces contrats au bénéfice de la puissance publique », résume Dominique Lefebvre, vice-président (Soc) de la commission des finances de l’Assemblée nationale et auteur d’un amendement adopté sans encombre le 15 octobre dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP). Ce n’est qu’une étape du parcours législatif et le texte n’est pas encore définitif : néanmoins, cet article 29 bis du PLPFP amorce une petite révolution.
PPP sous tutelle pour les opérateurs de l’Etat et les établissements publics de santé
En effet, il vient durcir les conditions du recours aux PPP de deux façons.
Tout d’abord, en mettant sous tutelle la passation des partenariats public-privé par les opérateurs de l’Etat (aussi appelés organismes divers d'administration centrale - Odac), et par les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire.
Ces organismes seraient privés de recours direct aux PPP pour répondre à leurs besoins. Sont visés les contrats de partenariat, mais aussi les autorisations d’occupation temporaire (AOT), les baux emphytéotiques administratifs (BEA), les baux emphytéotiques hospitaliers (BEH) et les contrats de crédit-bail. Seuls les projets dont l’avis d’appel public à la concurrence aura été publié avant le 1er janvier 2015 échapperaient au couperet. Le recours au PPP ne serait toutefois pas fermé : l’Etat pourrait conclure lui-même de tels contrats pour le compte de ces organismes. «Il est tout simplement suggéré que la réalisation de partenariats public-privé par [ces entités] soit soumise à un visa des organismes de tutelle qui peuvent profiter de leurs retours d’expérience vis-à-vis de contrats dont le risque n’est pas neutre », a indiqué Christian Eckert, secrétaire d’Etat au Budget lors du vote de l’amendement. Un décret en Conseil d’Etat devrait détailler les conditions de passation de ces contrats par l’Etat. Le projet de loi précise que l’instruction du projet devra être réalisée par le ministère de tutelle et que sa soutenabilité budgétaire et financière pour l’organisme public devra être établie.
Avis obligatoire pour les projets des collectivités territoriales
Deuxième apport de l’amendement, un renforcement de l’accompagnement des collectivités territoriales lorsqu’elles songent à recourir au contrat de partenariat. Cela devant se faire dans le respect du principe de libre administration des collectivités, les députés ont opté pour la transmission obligatoire des évaluations préalables à la Mission d’appui aux PPP, qui se prononcera sans lier les collectivités. Il s’agirait de rendre un « avis sur l’évaluation préalable » et « une analyse de l’ensemble des conséquences de l’opération sur les finances de la collectivité concernée ». Pour Dominique Lefebvre, les collectivités territoriales ont en effet « souvent besoin d’avis d’experts », d’autant plus que les PPP présentent, « dans la durée, pour les finances publiques, des risques extrêmement importants, financiers ou juridiques, comme un certain nombre de cas l’ont montré ces dernières années ». Le nouveau dispositif s’appliquerait pour les projets dont l’avis d’appel public à la concurrence aura été publié après le 1er janvier 2016.
Du rififi dans la transposition des directives européennes
Le projet de loi (qui fait l’objet d’une procédure de vote accélérée) devra encore être débattu au Sénat. Cet amendement surprise fait logiquement suite aux divers rapports critiques sur les dérives des PPP, émanant de l’Inspection générale des Finances et des sénateurs Sueur et Portelli. La Direction des affaires juridiques de Bercy avait elle-même annoncé une évolution prochaine des conditions de recours au contrat de partenariat. Mais elle entendait le faire par voie d’ordonnance début 2015, dans le cadre plus large de la refonte du droit de la commande publique pour la transposition des nouvelles directives européennes. Et attendait dans cette optique le vote en novembre du projet de loi d’habilitation permettant le recours aux ordonnances. L’amendement voté ce 15 octobre sur le PLPFP pourrait chambouler ses plans. Il semblerait que les parlementaires, comme ils l’avaient déjà fait savoir en mai dernier, soient bien décidés à garder la main sur la refondation du droit des PPP… Avec le risque d’un dérapage dans le calendrier de transposition des directives « marchés publics ».
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