Au nom de la simplification, le droit de l’environnement serait réformé par ordonnances
Le - très contesté - recours aux ordonnances pour réformer le droit de l’environnement a finalement été adopté par les députés de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Macron ». Un vote obtenu grâce à l’engagement, pris par amendement, d’associer le Conseil national de la transition écologique (CNTE) à l’élaboration de ces ordonnances.
Nathalie Levray
98 amendements pour en demander la suppression ou l’aménagement, des échanges parfois vifs, des protestations dans les milieux écologiques et les associations environnementales, une forte agitation chez certains professionnels du droit et les députés de tout bord : l’atmosphère était animée quand les membres de la commission spéciale ont débuté l’examen de l’article 28 du projet de loi pour la croissance et l’activité, dit « Macron ». Il s’agit pour les parlementaires de donner au gouvernement, à huit reprises, l’autorisation d’écrire, sous forme d’ordonnances à ratifier ultérieurement, des lois de modernisation du droit de l’environnement. Pour le gouvernement, cette modernisation participe de son chantier pour la simplification du droit, sans porter atteinte à l’environnement. Mais seul l’ajout d’un point III à l’article 28 du projet, prévoyant que le Conseil national de la transition écologique (CNTE) est associé, à titre consultatif, à l’élaboration des ordonnances, a permis d’obtenir le vote de l’article.
Contexte
Drôle d’idée – finalement adoptée par les députés – de demander au CNTE de donner son avis sur un texte législatif ! Cette instance, créée par la loi du 27 décembre 2012, doit en principe favoriser la participation du public exigée par la Charte de l’environnement et recueillir les points de vue. Elle est d’ailleurs le plus souvent le reflet de positions diverses pour éclairer un débat public et une autorité en charge d’une loi.
« Le projet de loi « Macron » n’est pas le bon véhicule pour réformer le droit de l’environnement », assène Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement. Le juriste explique que l’objectif de la loi Macron n’est pas la protection de l’environnement et que cette dernière aurait mérité « un bilan précis et partagé sur les causes de la complexité du droit de l’environnement et leurs effets ». D’autant qu’une autre voie aurait pu être choisie : la loi sur la biodiversité en cours de discussion par exemple.
De nombreux acteurs de l’environnement ne sont d’ailleurs pas opposés à la révision du Code de l’environnement et trois démarches en cours le rappellent :
- les Etats généraux de la modernisation du droit de l’environnement, qui ont glissé au sein d’une commission spécialisée du CNTE ;
- la mission confiée au préfet honoraire Jean-Pierre Duport dans le cadre des plans de relance du logement pour élaborer des pistes en vue de faciliter la construction, l’urbanisme et l’aménagement du territoire ;
- le processus de simplification du droit de l’environnement de la Commission nationale industrie et celui du secrétariat d’Etat chargé de la simplification.
Griefs
D’après l’étude d’impact du projet de loi « Macron » – dont le Conseil d’Etat a relevé « le caractère lacunaire » et « les graves insuffisances » –, ce sont les propositions du rapport Duport qui formeront la clé de voûte de la réforme du droit de l’environnement et de sa simplification. Sa parution est annoncée pour mars, ce qui suscite un premier reproche formulé à l’égard de l’article 28 du projet de loi : les parlementaires doivent autoriser le gouvernement à suivre des préconisations dont ils ne connaissent pas la teneur.
En outre, selon le député (SOC) Arnaud Leroy, « la méthode est inadaptée et le champ d’application bien trop étendu ». En effet, l’article 38 de la Constitution et les jurisprudences administratives cantonnent l’usage de l’ordonnance aux cas d’urgence ou de technicité des mesures à prendre, et pour des sujets précis et délimités. Où est l’urgence environnementale à réformer le code ? Le sujet ne relève-t-il pas plus d’un choix de société que d’un choix technique ? De même, le champ de l’habilitation demandée aux députés et aux sénateurs est large : procédures d’autorisation, évaluation, planification, participation du public, compétences des élus locaux, indépendance de l’autorité environnementale, pouvoir de substitution des préfets aux maires, recours. D’où le risque, comme le craint le député (écologiste) Denis Baupin, que cela n’entache d’inconstitutionnalité l’article 28, les ordonnances et ses textes d’application à venir.
Enjeux
« Les effets de la réforme, prédit Arnaud Gossement, seront néfastes pour la qualité du droit et les entreprises seront déçues par ses résultats. » L’enjeu du droit de l’environnement, européen à 90 %, n’a pas été pris en compte. Pour simplifier, il faut agir au début du circuit de décision européenne, améliorer la qualité de la transposition et mieux informer les acteurs économiques. Pour un droit de qualité, il faut prendre le temps des débats et de l’écriture. « La réforme, prévoit-il, se fera en bout de chaîne, sur les projets, et conduira à une complexification accrue, avec la multiplication de dérogations, de régimes particuliers et des imperfections de rédaction. »
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