Sous-traitance, travail illégal : les donneurs d’ordre davantage responsabilisés

Le législateur vient de renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre par diverses mesures visant, d’une part, toute la chaîne de la sous-traitance – incluant l’entreprise principale titulaire du contrat – ainsi que, d’autre part, les situations de détachement de travailleurs auquel recourent certaines entreprises pour l’exécution d’un contrat. Précisons que c’est l’ensemble des secteurs d’activité qui est concerné, pas uniquement celui du bâtiment.

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Les dispositions de lutte contre le travail illégal responsabilisaient déjà les maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre confrontés aux situations de dissimulation d’activité ou d’emploi salarié -en particulier lorsqu’ils étaient informés par écrit d’une situation irrégulière d’un sous-traitant -, de marchandage ou d’emploi de travailleurs étrangers sans titre de travail. Dans le secteur des travaux de bâtiment et des travaux publics, la loi du 31 décembre 1975 leur impose également une obligation de vérification et d’injonction destinée à garantir le paiement des sous-traitants.

Bien que les auteurs de la loi n° 2014 du 10 juillet 2014 se défendent d’avoir transformé le maître d’ouvrage en contrôleur du travail (rapport de la commission mixte paritaire déposé le 4 juin 2014), ses fonctions alourdies en matière de surveillance, d’injonction et d’information le placent, un peu plus encore, en relais obligé d’une administration qui, par ailleurs, espère doubler les effectifs dédiés à la lutte contre le travail illégal.

- Les nouvelles mesures étendent cette responsabilisation au cas où le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre se voit signaler une situation de travail dissimulé dans laquelle se trouve son cocontractant titulaire du contrat et renforcent en outre les peines qu’il encourt, notamment lorsqu’il a participé à l’organisation du délit de travail dissimulé (nouvelle incrimination de commission des faits en bande organisée).

D’autres situations conduisent désormais le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre à réagir sans délai dès qu’il est informé par écrit :

          - d’une irrégularité dans le paiement du salaire minimum légal ou conventionnel ; l’absence d’injonction de part envers l’employeur et d’information à l’égard du contrôleur du travail lui fait encourir la solidarité financière avec l’employeur selon des modalités à fixer par décret, qu’il s’agisse du titulaire du contrat ou de l’un de ses sous-traitants ;

          - d’une situation d’hébergement collectif incompatible avec la dignité humaine  auquel cas le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre se trouve particulièrement exposé puisqu’à défaut de réaction de l’employeur responsable (entreprise principale ou sous-traitant) à sa mise en demeure, la loi nouvelle lui impose d’assurer lui-même l’hébergement des travailleurs ;

           - d’une irrégularité commise par un sous-traitant employeur, de quelque rang qu’il soit, en matière notamment de durée du travail, de congés et jours de repos, de santé et de sécurité ; un décret définira les sanctions à l’encontre du maître d’ouvrage ou donneur d’ordre défaillant.

- Anticipant la future directive européenne qui encadrera les pratiques de détachement de travailleurs, le législateur français impose dès à présent au maître d’ouvrage ou donneur d’ordre de s’assurer que son prestataire de services qui détache des salariés sur le territoire national a bien procédé, en préalable à toute intervention :

          - à la déclaration exigée du prestataire auprès de l’inspection du travail ;

          - à la désignation de son représentant devant assurer la liaison avec le contrôleur du travail.

Contrairement à certaines affirmations avancées, cette nouvelle obligation de vigilance ne le conduit pas pour autant à devoir vérifier la situation de chacun des travailleurs détachés.

En complément, le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre annexe à son registre unique du personnel la déclaration réalisée par son prestataire. Ultérieurement et si son entreprise comporte au moins 300 salariés, il intègrera dans son bilan social les informations relatives aux travailleurs détachés accueillis.

Lutte contre la concurrence sociale déloyale   (loi n° 2014-790 du 10/07/14)

Situation de détachement en France d’un ou plusieurs salariés afin de réaliser pendant une durée limitée une prestation de services sur le territoire national

Obligations du maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre (MO/DO) Risques encourus par le maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre (MO/DO) Références code du travail
I.   Vérifie avant le début du détachement   que le prestataire de services employeur :

- a bien effectué avant le détachement, à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation, la déclaration qui comporte :Si l’entreprise prestataire n’a pas rempli toutes ses obligations, le défaut d’une seule des vérifications par le MO/DO lui fait encourir une amende administrative d’un montant maximum de :L.1262-4-1

          - l’identification de l’entreprise des salariés détachés et de ses dirigeants ; le lieu de prestation et sa durée prévisible, l’activité principale concernée, les matériels ou procédés dangereux utilisés ; le nom et l’adresse du MO/DO, l’identité des salariés et leur nationalité, sa qualification, la date de conclusion de son contrat de travail, le montant de sa rémunération brute mensuelle durant le détachement ; les horaires et durées de travail et jours de repos des salariés détachés ; le lieu d’hébergement des salariés s’il s’agit d’un hébergement collectif.- 2 000 € par salarié détaché
- 4 000 € en cas de réitération dans l’année suivant la notification de la première amende
L’administration fixe le montant en tenant compte des circonstances et de la gravité du manquement, le comportement de l’auteur, les ressources et ses charges (le total de l’amende ne peut excéder 10 000 €)
L.1264-2
-  a bien désigné un représentant de l’entreprise sur le territoire français qui sera chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle pendant la durée de la prestation


II.   Annexe la déclaration de l’entreprise prestataire au registre unique du personnel de l’entreprise - Amende de 750 € au plus pour les personnes physiques et 3 750 € au plus pour les personnes morales (appliquée autant de fois que de salariés concernés)L.1221-15-1 R. 1227-7





III. Complète le bilan social par les renseignements sur le nombre de salariés et le nombre de travailleurs détachés accueillis (si l’entreprise comporte au moins 300 salariés)- Risque pénal au titre du délit d’entrave envers le comité d’entrepriseL.2323-70
L. 2328-1

Situation de travail illégal

(absence d’immatriculation, non déclaration aux administrations sociales ou fiscales, non déclaration préalable a l’embauche, non délivrance de bulletin de paie, non déclaration des salaires ou des cotisations)   commise par l’entreprise titulaire du contrat ou l’un de ses sous-traitants, et dont le MO/DO est informé par écrit par un agent de contrôle, un syndicat ou une association professionnelle ou une institution représentative du personnel

Obligations du maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre (MO/DO) Risques encourus par le maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre (MO/DO) Références code du travail
- Met en demeure imméditatement son cocontractant ou le sous-traitant concerné de faire cesser sans délai la situation irrégulièreLe MO/DO qui ne procède pas à l’injonction encourt :L.8222-5
NB : avant la loi du 10 juillet 2014, n’était visée que la situation irrégulière des sous-traitants ; le législateur ajoute celle du cocontractant direct du MO/DO - le paiement des impôts, taxes et cotisations, rémunérations, charges et pénalités liés à l’emploi irrégulier de salarié
  - le remboursement des éventuelles aides publiques reçues par l’entreprise (montants fixés à proportion des travaux réalisés ou des services fournis)

Situation dans laquelle des salariés de l’entreprise principale ou de ses sous-traitants font l’objet d’un hébergement collectif incompatible avec la dignité humaine

-  Met en demeure immédiatement   l’entreprise principale ou l’entreprise sous-traitante , quel que soit son rang, de faire cesser sans délai cette situation dès qu’il en est informé, par écrit, par un agent de contrôle-  A défaut pour l’entreprise responsable d’avoir régularisé la situation, il revient au MO/DO de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés dans des conditions respectant les prescriptions du code du travailL.4231-1

R.4228-26 R.4228-37

Situation dans laquelle un salarié de l’entreprise principale ou de ses sous-traitants subit le non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel

I-  Met en demeure immédiatement   l’entreprise employeur de faire cesser sans délai cette situation dès qu’il en est informé, par écrit, par un agent de contrôle-  A défaut d’avoir totalement exécuté ses obligations d’injonction et d’information, le MO/DO est tenu solidairement avec l’employeur au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues (les conditions de paiement seront définies par décret)L.3245-2
II-   Transmet   à l’agent de contrôle une copie du courrier que doit lui adresser l’employeur du salarié l’informant qu’il a régularisé la situation

Décret d’application à paraître
III- Informe aussitôt l’agent de contrôle à défaut de réponse écrite de l’employeur dans un délai fixé par décret

Situation dans laquelle un sous-traitant direct ou indirect se trouve en infraction en qualité d’employeur envers un de ses salariés

en matière, notamment, de libertés individuelles ou collectives, de discriminations et d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de durée du travail, de congés et jours de repos, de paiement des heuressupplémentaires, des règles relatives à la santé et à la sécurité
Obligations du maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre (MO/DO) Risques encourus par le maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre (MO/DO) Références code du travail
I.   Met en demeure immédiatement le sous-traitant employeur, quel que soit son rang, de faire cesser sans délai cette situation dès qu’il est informé par écrit par un agent de contrôleA défaut d’avoir totalement exécuté ses obligations d’injonction et d’information, le MO/DO encourt une sanction qui sera définie par décretL.8281-1

II.   Transmet à l’agent de contrôle une copie du courrier que doit lui adresser l’employeur du salarié l’informant qu’il a régularisé la situation
III. Informe aussitôt l’agent de contrôle à défaut de réponse écrite du sous-traitant employeur dans un délai fixé par décretDécret d’application à paraître

Risques encourus par le maitre d’ouvrage ou donneur d’ordre qui recourt sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé

Dispositions en vigueur 
-  Solidarité financière du MO/DO pour le paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires, pénalités et majorations dus au Trésor ou aux organismes de protection socialeL.8222-2
-  Remboursement des aides publiques
-  Paiement des rémunérations, indemnités et charges dues pour  l’emploi des salariés concernés
-  Délit de recours au travail dissimulé : emprisonnement de 3 ans et amende de 45 000 € (225 000 € pour les personnes morales)L.8224-1
Dispositions nouvelles ajoutées par la loi du 10 juillet 2014 
-  Aggravation du délit lorsque le recours au travail dissimulé par le MO/DO a été prémédité, organisé avec lui de façon structurée (délit commis en bande organisée) :  peine encourue de 10 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende (500 000 € pour les personnes morales)L.8224-2
-  Peines complémentaires encourues et, notamment, la diffusion du jugement sur un site internet dédié, pendant une durée de 2 ans L.8224-5

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