Plus du tiers des chaussées de Paris estimées amiantées
Selon des ingénieurs de la Ville de Paris, 39 % des enrobés routiers de la capitale sont constitués d’amiante de types chrysotile et actinolite. En cause : les enrobés Compoflex et Médiflex, mis en œuvre sur des chaussées pavées de 1978 à 1994, ainsi que les granulats constitutifs de certains revêtements… réputés non amiantés.
Anthony Laurent
Pour Damien Balland, les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Sur près de 1 000 sondages que nous avons réalisés sur des chaussées en enrobés bitumineux dans Paris intra-muros et sur le périphérique, 39 % ont révélé la présence d’amiante, ce qui est énorme. Et ce chiffre est généralisable à l’ensemble de la capitale », avance le chef du laboratoire d’essais des matériaux à la direction de la voirie et des déplacements (DVD) de la Ville de Paris.
Utilisée pour renforcer la tenue à la fatigue des couches de roulement, l’amiante de type chrysotile était incorporée, à l’échelle industrielle, dans les enrobés Compoflex et Médiflex (à hauteur de 1 %), mis en œuvre sur les chaussées pavées entre 1978 et 1994, sur une surface totale estimée aujourd’hui, selon les données disponibles, à 836 000 m². L’amiante de type actinolite, quant à elle, « nettement plus dangereuse car pénétrant l’organisme plus facilement que l’amiante-chrysotile », précise Damien Balland, a été découverte par hasard, en septembre 2013, dans les granulats constitutifs de certains revêtements… réputés non amiantés. « Des investigations sont menées actuellement par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour connaître l’origine exacte de cette fibre naturelle », fait savoir l’ingénieur.
Anticipant la modification du Code du travail au 1er juillet 2015, établissant une Valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) à 10 fibres d’amiante par litre d’air – contre 100 fibres actuellement –, les ingénieurs de la Ville de Paris préconisent un certain nombre de techniques, lors des chantiers de voirie, destinées à limiter au maximum l’empoussièrement, la cause principale des maladies liées à l’amiante. « Nous n’avons pas la solution miracle. Nous sommes encore en pleine réflexion. Toutefois, l’idée est de privilégier le travail à l’humide pour rabattre les fibres d’amiante émises lors des interventions sur les enrobés », indique Damien Balland. Ainsi, la déconstruction totale ou le décroutage de la chaussée – préalablement thermo-décapée ou non – à la pelle mécanique, le fraisage de la couche de roulement et le sciage de l’enrobé (lors de la réalisation de tranchée) sont autant de solutions devant impérativement être mises en œuvre, en cas de présence avérée d'amiante, avec des dispositifs d’arrosage et de brumisation. Si des résidus d’amiante persistent sur les pavés et dans les joints entre ceux-ci, les ingénieurs recommandent alors l’hydro-décapage avec aspiration.
« Vu le contexte budgétaire actuel, il est quasiment impossible de rénover l’ensemble des chaussées amiantées. La préoccupation première est plutôt de limiter les risques d’exposition pour les travailleurs et les riverains lors des chantiers de voirie, tout en standardisant – et donc en diminuant les coûts des travaux – les techniques d’intervention sur enrobés », avance Damien Balland. Et de conclure : « D’autres communes françaises sont probablement concernées par la présence d’amiante sur leur voirie. »
Plus du tiers des chaussées de Paris estimées amiantées
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