Enquête recrutement : cette année, priorité à la mobilité interne

Les volumes de recrutement s'affinent encore cette année : les employeurs du BTP s'appuient d'abord sur leurs équipes en interne avant d'embaucher. Les créations de poste s'observeront à la loupe.

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«Cette année, la situation économique offre surtout une vision à court terme, observe Thibaut Vaysse, responsable du recrutement chez Rabot Dutilleul Construction. Nous n’apercevons pas encore le bout du tunnel, mais nous connaissons la nature cyclique de ce type de phénomène. Pas de catastrophisme donc, mais de la prudence. » Le ton est donné. « Le BTP connaît une année contrastée sur le front de l’emploi, analyse Nicolas Martheli, manager exécutif chez Michael Page. » Difficile de définir de véritables tendances. « La situation est extrêmement floue, poursuit-il : certains acteurs de taille intermédiaire qui ne sont pas arrivés à maturité au niveau de leur croissance tirent leur épingle du jeu et vont créer des postes. Plusieurs PME solidement implantées continuent à recruter, quand d’autres s’apprêtent à licencier. »

Certains employeurs, et notamment les grands groupes ont beaucoup embauché ces dernières années. « Ils doivent, maintenant qu’il y a moins d’opérations, occuper leurs cadres, et faire jouer la mobilité en interne », conclut Nicolas Martheli. Mobilité, le mot est lâché. Les employeurs du BTP s’appuieront d’abord sur leurs forces vives avant de lancer des embauches. C’est le cas chez Razel Bec (groupe Fayat). « Nous recourons à une cellule mobilité pour repositionner des salariés embauchés il y a deux ou trois ans dans le cadre de grands projets - comme celui de la ligne TGV SEA - qui aujourd’hui, pour ce qui nous concerne, vont arriver sur leur fin », illustre Anne-Christelle Masson, responsable recrutement, mobilité et carrières. « La mobilité interne est un sujet que nous évoquons encore plus cette année », reprend Thibaut Vaysse. Avec un credo : « prudence et agilité ». « Une grosse PME comme la nôtre se doit d’être toujours en mouvement et de s’adapter ainsi aux flux d’activité. »

Changements temporaires d’affectation

D’où la nécessité, pour les salariés, de faire preuve de « souplesse et d’adaptabilité », selon les termes de Thibaut Vaysse. « Chacun doit avoir conscience que la réussite collective se joue à tous les niveaux de l’entreprise. » Ce qui implique, pour un conducteur de travaux, un changement temporaire de région au sein du groupe. Ou encore une affectation momentanée en bureaux pour travailler sur des appels d’offres.

Chez Floriot, groupe de BTP rhônalpin, l’heure est également à la stabilisation des effectifs. « Nous avons beaucoup recruté ces dernières années, en études comme en méthodes et en encadrement de travaux », explique Céline Pomathiod, sa DRH. « Nous essayons donc de mettre en œuvre la mobilité interne, entre filiales ou au sein de la même filiale. Nous envisageons à ce titre, dans le cadre de notre rôle d’entrepreneur général de travaux et pour pallier l’insuffisance d’encadrement des entreprises sous-traitantes, de créer des postes de chefs de chantier en tous corps d’état, que certains de nos salariés pourront intégrer. » Une manière de répondre à un besoin du marché, et de redonner un nouveau souffle à certains collaborateurs en leur ouvrant une évolution de carrière. « Nous mettons des filtres en amont avant de lancer un recrutement afin de favoriser les mobilités internes, qui sont encore cette année en augmentation », note pour sa part Gérard Charbonnier, directeur emploi, mobilité et gestion des compétences chez Spie Batignolles. Le groupe de BTP mise en effet sur environ 400 embauches au titre de 2014, contre 660 en 2013. Gérard Charbonnier prédit d’ailleurs une inflexion nouvelle en 2015, « car le niveau d’activité connaîtra sans doute une baisse ou, au mieux, une stagnation ».

Pas question néanmoins de fermer les vannes. Car la mobilité a ses limites. Les besoins des employeurs les conduisent aussi à dénicher la perle rare en externe. « Une grande partie des recrutements sont liés au turnover et aux remplacements de départs à la retraite, rapporte Nicolas Martheli. Un certain nombre d’ingénieristes et d’entreprises vont toutefois créer des postes, notamment dans les études et le commerce. » A l’image du groupe GCC, en plein développement de l’activité « entreprise générale ». « De nouveaux métiers émergent ainsi en interne, évoque Eric Logheder, DRH. En baisse sur la partie encadrement de chantier, nos besoins concernent surtout l’amont : nous recherchons, sur la partie études de prix, des compétences en conception et en commerce, et pas seulement en chiffrage. »
Autre tendance : « Cette année, les remplacements ou créations de postes sont très identifiés, sur les secteurs géographiques en forte croissance et sur les métiers novateurs pour lesquels il n’est pas envisagé de réduire la voilure », détaille Nicolas Martheli. Rabot Dutilleul Construction a ainsi recruté deux collaborateurs pour travailler sur le BIM (maquette numérique).

Métiers de niches

« La préfabrication en usine, métier de niche qui tend à se développer, donnera aussi lieu à des embauches », indique Thibaut Vaysse. « Aujourd’hui plus que jamais, l’entreprise a besoin de muscler l’encadrement et la gestion pour optimiser le pilotage de ses chantiers, ajoute Nicolas Martheli. Aussi, les acteurs qui ne sont pas encore présents sur quelques niches - par exemple en rénovation et réhabilitation - n’hésiteront-ils pas à recruter des directeurs d’exploitation pour accompagner ces nouveaux leviers de croissance. » Le groupe Legendre Ile-de-France, qui s’est lancé dans la réhabilitation, prévoit même des recrutements à la hausse dans les mois à venir, notamment sur l’encadrement de travaux. « Dans le cadre de notre rôle d’entrepreneur général, la construction de bâtiments se complexifie : nous sommes ainsi en quête de chefs de projets tous corps d’états », annonce de son côté Gérard Charbonnier. « Les domaines qui génèrent également des recrutements sont le secteur ferroviaire, le génie civil et l’international », complète Virginie Flasque, manager chez Fed Construction.

« Le niveau d’exigence des recruteurs s’accroît »

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CYRIL LECACHEUR, directeur régional adjoint construction au cabinet de recrutement Hays

Quels secteurs d’activité génèrent encore des embauches ?

Les projections à moyen terme sont difficiles. Malgré la baisse des recrutements, certains secteurs d’activité tirent toutefois leur épingle du jeu. Il s’agit tout d’abord, dans la catégorie « entreprise générale », de la réhabilitation lourde. Côté second œuvre, certaines entreprises à la recherche de leviers de croissance créent des pôles bardage étanchéité, ce qui peut là aussi générer des embauches. Quant aux travaux publics, le secteur ferroviaire qui attirait moins les candidats en raison des contraintes liées à la localisation des chantiers nécessitant une mobilité géographique et au travail le week-end, la nuit et les jours fériés a réussi à inverser la tendance avec les grands chantiers en cours.

Quelles sont les tendances qui marquent les embauches dans le BTP ?

Les procédures de recrutement s’allongent. Les employeurs, plus exigeants, veulent en effet avoir toutes les garanties nécessaires. Ainsi, quel que soit le degré d’expertise, les candidats sont amenés à suivre une batterie d’entretiens. L’avantage des petites structures réside dans une prise de décision plus rapide pour les candidats qui les intéressent.

Certains profils restent-ils encore difficiles à attirer ?

Les profils « stars » correspondent aux professionnels confirmés, avec cinq à dix ans d’expérience. Dans la catégorie « entreprise générale », le candidat qui connaît la réhabilitation aura un coup d’avance. Compte tenu du contexte économique et afin d’anticiper au mieux les mois à venir, les profils d’ingénieurs commerciaux, suivis de très près des ingénieurs études de prix, sont très recherchés. Les besoins des entreprises du second œuvre concernent notamment des conducteurs de travaux spécialisés dans le ravalement et l’isolation thermique par l’extérieur. Du côté des travaux publics, ce sont les conducteurs de travaux avec un minimum de cinq ans d’expérience.

Propos recueillis par Caroline Gitton

Défiance des cadres

Les embauches porteront avant tout sur les profils confirmés et les experts. Les employeurs continueront à intégrer des jeunes diplômés, mais dans une moindre mesure. Seront à ce titre favorisés les jeunes déjà présents dans l’entreprise, en stage ou en alternance. « Nous préférons en effet prendre le risque d’embaucher un jeune que nous connaissons, plutôt que de le laisser partir », réagit Pauline Azoug, responsable des relations écoles chez Léon Grosse.
Autre tendance : les exigences des employeurs s’accroissent encore, et les procédures de recrutement s’allongent. Le moindre doute conduit au rejet de la candidature. Un phénomène contrebalancé par la frilosité des cadres. « En particulier ceux en poste aux études de prix, bien au fait de la réduction du nombre de dossiers, rebondit Eric Logheder. Certains candidats très intéressants se montrent hésitants compte tenu du contexte et regardants sur la période d’essai. » Il n’est dès lors pas rare de voir un cadre faire marche arrière en fin de procédure.

L'AVIS DES EMPLOYEURS

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YANN DE CARNÉ, DRH chez SNC-Lavalin.

« Répondre à la nouveauté “ BIM ” en formant des experts », Yann DE CARNÉ (SNC-Lavalin)

« Nous revoyons actuellement notre organisation pour répondre aux demandes du marché, qui évoluent vers l’expertise. Nous envisageons d’embaucher des experts sur des domaines très spécialisés, notamment sur la construction industrielle. Nous mobilisons aussi des compétences en interne, d’un site à l’autre, pour une meilleure proximité vis-à-vis de certains projets ou de certains clients. A la faveur du projet de construction du premier hôpital avec la méthode de la maquette numérique, une équipe de projeteurs et d’ingénieurs de toute la France a été réunie sur un même site pour travailler sur la conception. Nous avons proposé des sessions pour former des experts BIM. De quoi renforcer les expertises internes plutôt que de recruter. »

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CLAIRE SCHNOERING, directrice du développement RH chez Vinci Construction France.

« Susciter des envies d’évolution chez les salariés », Claire SCHNOERING (Vinci Construction France)

« Nous prévoyons d’atteindre environ 450 embauches de cadres pour 2014 sur le périmètre de Vinci Construction France. L’année 2015 suivra la même ligne pour tenir compte notamment du renouvellement des effectifs. Nous souhaitons développer davantage la mobilité interne et nous examinons à ce titre les parcours professionnels. L’objectif est de mieux faire connaître les métiers, et de susciter des envies d’évolution de carrière chez les collaborateurs. Nous avons ainsi commencé à travailler sur nos référentiels de compétence et notre démarche des entretiens annuels. Nous sensibilisons désormais les candidats dès la phase du recrutement : ils doivent être mobiles et ouverts pour faire carrière au sein du groupe. »

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ANNE-MARIE FANLO, responsable RH chez Léon Grosse.

« Cette année, nous avons essayé de faire jouer davantage la mobilité géographique », Anne-Marie FANLO (Léon Grosse)

« Les chantiers sont difficiles à anticiper : nous ressentons une certaine prudence du marché. Mais distinguer l’activité en région parisienne et en province s’impose. Nous continuerons néanmoins d’embaucher en 2015, mais en favorisant davantage la mobilité interne avant de lancer des recrutements à l'extérieur. Cette année, nous avons essayé de faire jouer la mobilité géographique. Sur certaines régions en effet, la situation est un peu plus difficile : la concurrence est plus rude, et les prix sont tirés vers le bas. Ce mouvement a concerné quelques collaborateurs ingénieurs travaux ou conducteurs de travaux, surtout de l’Ile-de-France vers la province. Sur le registre de la mobilité fonctionnelle, on note davantage de passages des travaux aux études (études de prix, méthodes) : ils se sont d'ailleurs révélés très réussis. L’inverse est moins fréquent. »

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STÉPHANIE MELLOT, responsable du développement RH du groupe Setec.

"Accompagner notre développement à l'international", Stéphanie MELLOT (Setec)

Parmi nos exigences au stade de l'embauche : la mobilité géographique, nationale et à l'étranger. Les candidats ont tendance à se montrer ouverts, mais ce n'est pas si simple ensuite. Lorsque nous proposons à nos collaborateurs de vivre l'aventure de l'expatriation le temps d'un projet, même pour une courte durée sur place, nous manquons souvent de volontaires. Or 12 % de notre chiffre d'affaires est à l'international, et cela va encore s'accentuer. Nous sommes donc de plus en plus sélectifs sur la motivation des candidats à bouger, et sur leur maîtrise de l'anglais. un conseil pour les ingénieurs : se former à la méthode PMI (standards internationaux de management de projet). une habilitation qui augmente la chance d'être recruté."

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