Salon des Maires : Les maires bâtisseurs résistent mais pour combien de temps ?

Nous nous étions demandé le 21 novembre dernier avec des professionnels de la construction et des analystes  si les maires bâtisseurs étaient une espèce « en voie de disparition ». A l'occasion du SMCL, leMoniteur.fr a recueilli le sentiment des maires eux-mêmes à travers un micro-trottoir.

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Salon des Maires : Les maires bâtisseurs résistent mais pour combien de temps ?
Remise d'écharpe au nouveau maire par le doyen des élus

La baisse des dotations de l’Etat, était LE sujet central de l’édition 2014 du Salon des Maires et des Collectivités locales (25, 26, 27 novembre) et du 97e congrès des Maires de France.  Aussi c’est avec grand intérêt et parfois avec passion que les élus rencontrés sur place par LeMoniteur.fr ont accepté de répondre à notre question « Allez-vous construire durant votre mandature ? ». L’occasion pour eux de réaffirmer l’importance de leur rôle et de faire passer quelques messages…

Parmi la trentaine de maires interrogés, trois tendances se dégagent : les « bâtisseurs à tout prix »,  « les bâtisseurs raisonnés » et enfin les « non bâtisseurs ».

Oui, ils vont construire…

Ils sont bâtisseurs dans l’âme, et font mentir l’adage « maire bâtisseur, maire battu ». Tous réélus en 2014, ils font de la construction un moteur de développement de leur commune.  « Ça fait 6 ans que je construis, je ne vais pas m’arrêter maintenant, explique Jean-Claude Bouchet, député, maire de Cavaillon (Vaucluse), 26000 habitants. Pour moi Cavaillon a 15 ans de retard. J’ai donc commencé par rénover le centre-ville, je vais poursuivre cette rénovation. J’ai plusieurs projets d’équipement : une extension de gymnase, des vestiaires pour le stade notamment. Pour cela j’ai un plan d’investissement de 8 à 9 millions d’euros par an. Il nous faudra voir comment faire baisser notre budget de fonctionnement mais nous allons avoir de nouveaux besoins, les gens commencent à revenir à Cavaillon. »

Des coupes qu’effectuera également, Sauveur Gandolfi-Scheit, député-maire de Biguglia (Haute-Corse), 8000 habitants : « Bien sûr que les maires bâtisseurs existent toujours ! Je suis maire depuis 1976, c’est mon 7e mandat, j’ai été réélu cette année avec 70 % des voix, et je construis toujours ! Quand je suis arrivé, il n’y avait rien, moins de mille habitants. Aujourd’hui il y en a plus de 8000. Pour eux j’ai terminé un espace culturel, le 2e plus grand du département, un projet de 8,6 M€. Notre population est jeune, nous allons également construire un 4e groupe scolaire de 18 classes. Quant aux logements sociaux, nous y sommes obligés par la loi, donc on va continuer même si la population n’y est pas trop favorable. »

Autre moyen de compenser la baisse des dotations : une hausse de la fiscalité. Ce que n’hésitera pas à faire Antoine Véran, réélu maire de Levens (Alpes-Maritimes), 5000 habitants : « Je suis un maire bâtisseur. Moi, je gère des investissements pas une comptabilité. Nous allons donc construire une halle des sports, une résidence services. 80 logements sociaux sont également prévus ainsi qu’une station d’épuration. Et une place. Au total entre les acquisitions et les réalisations c’est un investissement de 25 M€. Et ce, malgré la baisse des dotations. Pour la compenser, je m’appuierai sur une hausse légère de la fiscalité. J’y suis obligé. Les habitants veulent qu’on freine sur les projets de construction. Je fais donc le minimum mais j’ai des besoins. Ma population, jeune, s’accroit encore. »

Ils veulent construire mais...

La prudence est de mise. Certains maires ont fait le choix de lever le pied sur les constructions dans leur commune. Ils comptent terminer les projets en cours, mais pour les suivants, ils attendront d’avoir plus de visibilité sur leur budget. A cause de la baisse des dotations, Dominique Adenot, réélu maire de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), 76.000 habitants, verra le sien fondre de 18 à 13 millions d’euros. Même si ce n’est pas une raison pour lui de stopper les investissements : « Avec l’arrivée de la ligne 15 du métro, nous allons créer deux nouvelles gares ainsi que des ateliers. Mais nous aurons des problèmes pour financer les équipements. Nous construisons 380 nouveaux logements par an et je ne vois pas comment nous pourrons respecter cet engagement. De plus à Champigny, on nous demande d’en faire toujours plus ! Je ne veux pas que cette ville devienne une cité dortoir. Qu’on laisse les maires bâtisseurs tranquilles et qu’on durcisse les amendes pour ceux qui ne construisent pas. »

Le manque de visibilité liée à la baisse des dotations va également compromettre les projets de Jean-Louis Gatschiné, maire réélu de Saint-Germain (Vosges), 1350 habitants : « J’ai un peu de réserve pour le logement et quelques terrains de disponible afin de construire des HLM et promouvoir la mixité sociale, mais c’est tout. Donc on se restreint, sachant qu’on ne peut pas s’endetter. »

Josette Pons, députée-maire de Brignoles (Var), 18.000 habitants, une commune surendettée, a pourtant le projet de rénover la vieille ville et la construction d’une piscine : « La baisse des dotations va nous impacter. C’est vrai pour 2015. Ce sera pire en 2016. Mais je dispose d’un terrain de 8 ha pour lequel nous réfléchissons à construire avec l’aide d’un partenariat avec le privé à construire des équipements, notamment une salle des fêtes, et quelques logements. Mais il faudra redresser le budget en premier lieu. »

Pour Gilles Leproust, maire réélu d’Allonnes (Sarthe), 11.300 habitants, la marge de manœuvre a tendance à diminuer : « Nous avons une vaste opération de renouvellement urbain et un projet d’école maternelle approuvés par l’ANRU. Mais c’est de plus en plus difficile d’obtenir des financements. Pour les logements sociaux, nous démolissons ceux qui sont vétustes pour les remplacer par des nouveaux, mais c’est tout ce que nous pouvons faire. »

Si les dotations baissent, peut-être pourrait-on faire baisser les prix de la construction ? Pour cela alléger les normes en matière d’habitat serait une solution estime en tout cas Cécile Gallien, maire réélue de Vorey (Haute-Loire), 1500 habitants, pour qui les communes rurales ne sont pas dépensières : « En ce moment, nous modernisons le village de vacances et nous créons un pôle santé. Mais nous allons devoir investir avec parcimonie à présent. Notamment pour la voirie. Le privé va devoir mettre la main à la poche. Il faudrait inciter les particuliers à investir. Je pense que la transition énergétique va jouer un très bon rôle dans ce sens. »

Bernard Maury, maire réélu de Sériers (Cantal), 150 habitants, avait de son côté anticipé la baisse des dotations : « J’ai mis un peu de budget de côté pour la voirie et l’assainissement et j’ai un quelques logements sociaux de prévus. On continuera, mais à vitesse moindre. Je ne pense pas que distribuer des primes aux maires bâtisseurs changera quoi que ce soit. On se retrouvera avec des logements dans des communes qui n’en ont pas besoin. »

Non, ils ne construiront pas …

Pour ces maires, majoritairement de petites voire très petite communes, les subventions représentent l’entièreté de leurs capacités d’investissement. Sans elles pas question d’investir dans de nouveaux équipements ou des logements. Marie-France Beaufils, sénatrice, réélue maire de Saint-Pierre des Corps (Indre-et-Loire), 15 700 habitants, résume le sentiment général : « Avec 11 Mds€ de moins et 28 Mds € sur quatre ans pour les collectivités, je ne sais pas comment on va s’en sortir. Et comme nous ne tirons plus d’autofinancement, ce qui a été engagé va se terminer, mais tous les nouveaux projets sont mis en stand-by.  Il faudra voir au niveau de l’intercommunalité, ce que l’on peut faire. Je vais également être obligée de ralentir l’entretien de nos équipements et de la voirie. Et il est hors de question de toucher à la fiscalité : ma ville compte 42 % de logements sociaux et la moitié de la population n’est pas imposable sur le revenu. Alors on y regarde à deux fois avant d’agir sur ce levier. »

Gérard Gandauber réélu maire de Beurlay (Charente-Maritime), 1025 habitants, lui, « n’a rien à construire ». « Tout a été fait, maintenant j’attends l’argent. Et il est hors de question que nos frais mettent l’équilibre de la commune en péril. De manière générale, la construction dans les communes rurales c’est fini. Ça va peut-être changer l’année prochaine mais là on est dans le brouillard. J’ai quelques travaux de voirie à réaliser. On va y aller à tâtons. »

Même son de cloche chez Georges Grevoz, réélu maire de Lacenas (Rhône), 900 habitants. « Ce qui est en cours et validé va se faire mais après 2015 on arrête tout. Il faudrait entretenir quelques bâtiments et la voirie. Mais je ne suis pas tout à fait décisionnaire. Nous sommes mariés avec une communauté d’agglomération. Nous avons pour l’instant la compétence voirie, soit on nous la retire soit, pire, nous la conservons mais nous n’avons pas l’argent pour ça ! »

Et puis il y a tous ces élus de toutes petites communes pour qui la question ne se pose presque pas. Ainsi, explique, Sylviane Doucelance, élue maire de Bondeval (Doubs), 491 habitants, « Notre seul projet est de travailler sur le réseau d’eau. Nous n’avons pas les moyens de faire plus. Et la baisse des dotations nous affectera assez peu finalement, comme nous sommes une petite commune on a l’habitude de faire avec de petits moyens. » Raoul Rechignac, maire réélu de Maisonnais-sur-Tardoire (Haute-Vienne), 450 habitants, est dans le même état d’esprit : « J’ai l’intention d’équiper ma commune en haut débit et de mettre aux normes le réseau d’assainissement. Mais pour le reste, je vais être prudent. On finira les chantiers existants et on verra. »

Même passer par une communauté de communes n’est pas gage d’investissements futurs comme l’explique Anne Cabrit, élue maire d’Orsonville (Yvelines), 350 habitants : « Nous faisons partie d’une communauté de communes qui devait rénover et construire, pourtant tout s’arrête à cause de la baisse des dotations. C’est l’attentisme au moins pour 2015-2016. Ce que nous aimerions, c’est une visibilité un peu plus grande. Avec le changement du seuil (de 8000 à 20000 habitants ndlr) pour le regroupement des communes, nous allons rejoindre la Communauté de communes Plaines et Forêts d'Yvelines autour de la ville de Rambouillet. Et là nous avons demandé à conserver notre compétence en matière de travaux scolaires. Nous espérons engager 600.000 euros de travaux. »

Enfin, il existe des cas particuliers comme celui d’Eric Duval, maire de Plouha (Côtes-d’Armor), 4700 habitants : « La loi littorale est en vigueur dans ma commune. Il est donc interdit de construire en dehors des hameaux. Nous avons d’autres cartes à jouer, comme la valorisation de l’environnement et le tourisme. Investir intelligemment nous permet de recevoir des subventions. Sinon, je suis plutôt d’accord de participer à l’effort national de redressement de l’économie en réduisant mon budget. »

Et une problématique bien différente occupe les maires des communes d’outre-mer qui, comme Joseph Péraste, maire du Marigot (Martinique), 3700 habitants, doivent avant-tout dynamiser économiquement leur territoire : « Il faut privilégier les partenariats public-privé. Nous avons vendu des terrains communaux pour l’installation d’une station-essence et d’un Burger-King. Nous leur facilitons les démarches administratives et leur accordons une petite ristourne fiscale. En échange, ils travaillent avec des entreprises locales et embauchent des gens de notre commune. »

S'il est impossible de tirer des conclusions globales d'un échantillon aussi faible de maires, il ressort malgré tout de nos conversations avec ces élus que construire fait partie de leur réflexion de base. Plus ou moins perméables à la pression de leurs électeurs, ils ont la volonté d'investir et la baisse des dotations vient, semble-t-il, couper leur élan. C'est donc presque contraints et forcés que ces maires bâtisseurs deviennent des maires gestionnaires.

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