Cour des Comptes : les bons et les mauvais points

La situation des finances publiques s'améliore mais reste fragile. Dans son rapport annuel présenté ce 10 février, la Cour des comptes reste prudente notamment sur l'évolution de la dépense des collectivités locales. Elle souligne un progrès sur les certificats d'économie d'énergie, dresse un constat plus mitigé sur les infrastructures ferroviaires de l'Ile-de-France, appelle à des orientations plus claires sur la politique de la ville et lance une alerte sur l'archéologie préventive.

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Cour des Comptes : les bons et les mauvais points
Présentation du rapport 2016 de la Cour des Comptes

« La réduction des déficits ne peut emprunter que la voie de la maîtrise des dépenses ». Le salut des finances publiques ne pourrait, selon la Cour des comptes, emprunter d'autres chemins. Si la situation s'améliore, l'institution de la rue Cambon choisit de maintenir la pression sur le gouvernement dans son rapport annuel présenté ce 10 février. Car l'amélioration est « lente et fragile, a commenté Didier Migaud, le Premier président de la Cour. La situation reste source de préoccupations, voire d'inquiétudes ».
Le déficit public représente 3,8% du PIB pour l'année 2015 (il s'est amélioré d'un point par rapport à 2014). La dette publique continuera à augmenter cette année pour atteindre 96,5% du PIB (+0,2% par rapport à 2015), prévoit la Cour. Avec la répartition suivante : 78,3% de la dette relève de l'Etat, 8,5% des collectivités locales et 9,8 pour les administrations de sécurité sociale.
Il faut donc poursuivre l'effort. La loi de finances 2016 table sur une réduction du déficit de 0,5%. La réalisation de cet objectif « est incertaine, selon la Cour, car il repose sur une prévision de croissance des recettes qui pourrait être surévaluée et sur un objectif d'évolution des dépenses en valeur qui pourrait se révéler difficile à atteindre ».


L'endettement pour amortir l'impact sur l'investissement ?

Une « incertitude forte » pèse sur les dépenses des collectivités locales, relève la Cour. Le gouvernement prévoit une croissance modérée de leurs dépenses (+ 1,2 %) après la baisse de 0,6% attendue en 2015, peut-on lire dans le rapport. Cette croissance résulterait du ralentissement de la progression de la masse salariale, d'une stabilité des consommations intermédiaires (dépenses de fonctionnement hors masse salariale) et de l'accélération de l'investissement après la forte baisse constatée en 2014 et celle attendue en 2015. La Cour estime ces évolutions « plausibles », mais n'exclut pas que la baisse des concours de l'État (- 11 Md€ en 2017 par rapport à 2014) entraîne un recours accru à l'endettement pour amortir l'impact sur les dépenses d'investissement. Un scénario auquel le gouvernement ne croit pas. Dans une réponse commune à la Cour, le ministre des finances et le secrétaire d'Etat au budget rétorquent : « L'exemple de 2014 et nos prévisions confirmées sur 2015 montrent que les dépenses [des collectivités] ont bien été adaptées à la baisse des concours financiers, limitant ainsi le recours à l'endettement. De plus, les collectivités ont également une marge de financement de leurs investissements sur leurs ressources propres avec les prélèvements sur trésorerie, et elles pourront bénéficier en 2016 du fonds de soutien à l'investissement local ».


Un contrôle existant mais limité sur l'urbanisme et la commande publique


Autre constat de la Cour qui pourrait présenter un facteur de risques : les contrôles exercés par les préfectures sur les actes des collectivités à travers le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire apparaît limité. Diverses raison à cela : effectifs en baisse, expertise fragile, conséquences de la réforme territoriale de l'Etat... Il s'avère impossible et même « illusoire » de contrôler l'ensemble des actes des collectivités : 5,1 millions d'actes ont été transmis en 2013 contre plus de 8,3 millions dix ans auparavant. Le contrôle se réalise donc selon des priorités (urbanisme et environnement, commande publique, fonction publique sont les trois secteurs principaux), mais ce contrôle est loin d'être homogène territorialement, et est d'intensité variable. Or la mise en œuvre de la réforme territoriale ou de nouvelles réglementations, l'accroissement de risques budgétaires liés à la passation de contrats de commande publique parfois très complexes nécessitent une adaptation de ce contrôle aux enjeux pour la Cour.

Certificats d’économie d’énergie : mieux évaluer leur efficacité

La Cour des comptes s’est particulièrement penchée sur les certificats d’économie d’énergie, sur lesquels elle avait déjà enquêté en 2013.  
Les sages de la rue Cambon constatent que le dispositif a progressivement gagné en maturité depuis 10 ans, date de leur lancement. « Le mécanisme des CEE est aujourd’hui un outil destiné à promouvoir les économies d’énergie, à côté notamment du CITE et de l’éco-PTZ. Les agents économiques et professionnels intéressés ont pleinement adopté le dispositif, qui reste relativement méconnu du grand public. Le ciblage spécifique sur la lutte contre la précarité énergétique devrait lui apporter un dynamisme et une visibilité accrus ».

Si la Cour des comptes se réjouit de la mise en œuvre progressive de ses recommandations émises en 2013, elle regrette que deux d’entre elles n’aient pas été suivies d’effet : la systématisation des études a posteriori et la sécurisation des transactions. Deux recommandations qu’elle réitère une nouvelle fois cette année.
La Cour estime en effet que les certificats d’économies d’énergie, au même titre que toute politique publique, se doivent d’être périodiquement évalués et contrôlés. Elle constate que les contrôles a posteriori restent quantitativement insuffisants (808 contrôles en 2014, représentant 365 GWh), mais reconnaît que les résultats actuels sont plutôt positifs, avec un taux de non-conformité de 0,9 % sur l’échantillon. Pour autant, les CEE évoluant vers un mode déclaratif, elle considère encore plus indispensables ces contrôles sur les justifications d’attribution de certificats qui pourraient, selon elle, se faire sur un échantillonnage adapté aux risques estimés et des sélections ciblées d’opérations complémentaires. Il en est de même pour les études qui restent, selon elle,  « peu nombreuses, parcellaires et centrées sur des aspects partiels », mais qui contribuent à une meilleure connaissance de l’efficacité du dispositif au vu des enjeux environnementaux et budgétaires. La Cour des comptes recommande que l’ensemble des acteurs concernés définissent, sous l’autorité du MEDDE, une méthodologie d’évaluation de l’efficacité et, plus généralement, de la performance du dispositif des CEE.

Par ailleurs, les sages recommandent la mise en place progressive de l’obligation supplémentaire « précarité «énergétique» prévue par la loi relative à la transition énergétique et la séparation des fonctions d’enregistrement des certificats et la gestion des transactions pour une plus grande transparence et la sécurité des transactions. Ils souhaiteraient aussi que la simplification du dispositif se poursuive.

Montée en puissance des CEE
Montée en puissance des CEE

Politique de la ville : une réforme attendue

La Cour des Comptes s’était déjà penchée en 2012 sur la politique de la ville, à travers un rapport thématique où elle précisait entre autres que la politique de la ville peinait encore à atteindre ses objectifs, qu’elle était insuffisamment pilotée et que les opérations de rénovation urbaine s’articulaient mal avec son volet social. Aujourd’hui, dans son rapport 2016, la Cour des comptes relève que sur les 18 recommandations de l’époque, seule la moitié a été au moins partiellement prise en compte, mais que l’autre moitié reste encore inappliquée.

Selon elle, « la relance de la politique de la ville engagée à la suite de la loi pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 s’apparente plus à une amélioration limitée des actions précédentes qu’à une véritable réforme d’ensemble ». Si elle reconnaît que la loi a défini un cadre rénové pour la politique de la ville, elle déplore le manque de précisions sur les objectifs prioritaires, tant en ce qui concerne la rénovation urbaine que les politiques publiques, mais aussi la connaissance incomplète des résultats de la rénovation urbaine. «En dépit de son appellation, le NPNRU ne constitue pas vraiment un nouveau programme : il recouvre le même nombre de quartiers que le PNRU, dont 60 % avaient déjà engagé un projet de rénovation urbaine. L’objectif du NPNRU apparaît cependant plus large, puisqu’il vise les « dysfonctionnements urbains les plus importants »,  indique la Cour des comptes qui s’inquiète du risque de voir fleurir des projets particulièrement denses parce que « la densité urbaine doit être privilégiée dans les quartiers les mieux situés et les mieux desservis ». Elle s’interroge également sur le fait que les possibilités de dérogation freinent l’obligation de reconstruire des logements en dehors des quartiers prioritaires et des communes dont la part de logements locatifs sociaux dans le parc de logements est supérieure à 50 %.

« La politique de la ville  s’appuie sur des contrats de ville détaillés et fédérateurs, mais la connaissance des crédits de droit commun affectés aux zones relevant de la politique de la ville reste floue et l’évaluation des dispositifs lacunaire, soulignent les Sages qui considèrent que le NPNRU n’intègre pas suffisamment les objectifs de mixité sociale et ne se concentre pas sur un nombre restreint de projets.
Au final,  la Cour insiste sur la nécessité de poursuivre les réformes qui ont été engagées. Elle émet les nouvelles recommandations suivantes, parmi lesquelles :
- identifier dans les contrats de ville les priorités et préciser les montants des crédits de droit commun et des crédits spécifiques qui sont mobilisés pour les financer ;
- chiffrer systématiquement les objectifs de mixité sociale des opérations de renouvellement urbain.

 

Transports :  financement  des projets d’infrastructures  « hypothétiques »

Pour la Cour des comptes, le choix du « tout pour la grande vitesse » ces dernières années a conduit la SNCF à négliger l’entretien pourtant indispensable de ses infrastructures, notamment en Ile-de-France, région qui concentre le plus grand nombre de voyageurs transportés chaque jour. Ces infrastructures dégradées étant responsable d’une qualité de service dégradée, la Cour des comptes, qui note tout de même les progrès « incontestables » effectués depuis 2010 par la SNCF et la Ratp dans l’organisation et le fonctionnement des transports ferroviaires en Île-de-France formule donc la recommandation suivante à l’État et à SNCF Réseau : maintenir la priorité absolue donnée à l’entretien et à la maintenance du réseau Transilien (recommandation réitérée)

Par ailleurs, la Cour des comptes qui estime à 50 milliards le montant total des travaux (maintenance et infrastructures nouvelles) en Ile-de-France juge leur financement « hypothétique » compte tenu de la situation financière de l’Etat et de la Région. La Cour anticipe même les « difficultés  techniques » que rencontreront les maîtres d’ouvrage pour réaliser en même temps et dans les temps l’indispensable entretien et la réalisation de projets comme Eole ou les lignes nouvelles prévues dans le cadre du Grand Paris Express. De plus, note la cour, même si ces projets « devraient certes contribuer à désengorger les tronçons centraux des lignes aujourd’hui saturés », et si tant est que  le calendrier prévisionnel de leur mise en service soit respecté, « ce n’est, au mieux, pas avant 2022, que les voyageurs en ressentiront les effets positifs ».

Dès lors, la Cour des Comptes recommande à l’État et au STIF pour le financement d’accroître la part du coût des transports financée par les voyageurs (recommandation réitérée) ; et à l’État de procéder à une hiérarchisation et à une sélection rigoureuse des projets d’infrastructures de transport envisagées dans les 10 à 15 prochaines années à l’aune des capacités financières, techniques et humaines mobilisables au cours de cette période.

Archéologie préventive : des objectifs non atteints

La Cour des comptes juge que dans son rôle de prescripteur de diagnostics et de fouilles mais aussi, plus largement, d’organisateur et de régulateur du secteur, « l’État n’a pas atteint les objectifs qu’il avait annoncés à la Cour en réponse à son référé du 6 juin 2013 ». « La plupart des mesures envisagées n’ont pas été prises, alors que la dégradation de la conjoncture économique et les difficultés rencontrées par plusieurs types d’opérateurs nécessitaient une action rapide et d’ampleur » poursuit-elle. La Cour juge positivement la réforme du financement des activités de service public prévue dans la loi de finances initiale pour 2016 et les dispositions du projet de loi « liberté de la création, architecture et patrimoine » en cours d’examen au Parlement mais estime que leur succès dépendra des conditions de leur mise en œuvre. Pour cela, la Cour formule plusieurs recommandations :

À l’État :
1. publier la nouvelle programmation nationale de la recherche archéologique qui doit guider la politique de prescription de l’État et encadrer la politique scientifique de l’INRAP ;
2. harmoniser les pratiques des services régionaux d’archéologie en matière de prescription et de contrôle de la qualité scientifique des projets d’intervention des opérateurs de fouilles ;

À l’État et à l’Inrap :
3. mettre en place, dans le cadre de la refonte des modalités de financement des diagnostics, les dispositions permettant de garantir la cohérence entre le niveau de prescriptions et les moyens financiers alloués aux opérateurs (INRAP et collectivités territoriales) et de maîtriser le coût de réalisation des diagnostics ;
4. redéfinir le régime indemnitaire des agents et engager une réforme du dispositif régissant les déplacements professionnels ;
5. définir des objectifs plus ambitieux concernant le nombre de jours travaillés consacrés aux activités opérationnelles ; étudier les mesures permettant de réduire les effets du vieillissement de l’effectif sur la productivité, notamment par le développement de la mobilité interne et externe des agents ;
6. revoir la carte des implantations territoriales afin de mieux l’adapter au niveau d’activité dans chaque région et de réduire les coûts de structure de l’établissement.

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