La Picardie, du selfie à la Reconstruction
Organisée par Diaphane, pôle photographique en Picardie, la 12e édition du festival Les Photaumnales se tiendra du 19 septembre au 22 novembre 2015 à Beauvais et dans toute la Picardie. Au programme, un retour sur la mission photographique du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU).
Nicolas Guillon (Bureau de Lille du Moniteur)
Pour cette 12e édition, l’envie première des organisateurs était de rendre hommage à Hippolyte Bayard (1801-1887). Ce natif de l’Oise, expérimentateur génial, pionnier de la photographie argentique, fut l’inventeur du selfie avant l’heure. Réalisé en 1840, quelques mois seulement après l’officialisation de l’invention de la photographie, son autoportrait en noyé – pour expier un manque de reconnaissance – est souvent considéré comme la première photographie d’art. La Galerie nationale de la tapisserie de Beauvais consacre ici une exposition au Bayard d’avant Le noyé, celui des «Premiers essais photosensibles».
«En écho à la mission héliographique (1851) à laquelle Bayard participa, nous avons souhaité mettre en avant une autre grande mission photographique, celle du MRU, expliquent Fred Boucher et Adriana Wattel, qui assurent la codirection artistique des Photaumnales. Lancée dès 1945, elle a permis de documenter l’architecture nouvelle sortant des décombres de la Seconde Guerre mondiale.» Très tôt, en effet, le ministère en charge de la Reconstruction et de l’Urbanisme a mis en place un service photographique chargé de répertorier les actions de l’Etat sur le terrain afin de convaincre élus, associations de sinistrés et plus largement, la presse et le grand public, de son efficacité.
Des pavillons bretons aux gratte-ciel de Dubaï
Entre 1945 et 1964, plusieurs photographes salariés du ministère visitent régulièrement les départements et les villes picardes, victimes d’importantes destructions. Près de 2 000 négatifs des archives du MRU concernent la région: depuis les destructions, à l’exemple de celles de Compiègne ou Saint-Leu-d’Esserent, jusqu’aux grands chantiers de reconstruction tels ceux de Beauvais, Amiens ou Laon, en passant par les baraquements provisoires de Saint-Maximin dans l’Oise ou de Tergnier dans l’Aisne. L’exposition, également présentée à la Galerie nationale de la tapisserie, a le mérite de mettre en lumière des images encore largement méconnues. Surtout, elle cherche à mettre en avant les qualités esthétiques et documentaires du fonds du MRU en valorisant le travail des opérateurs salariés du ministère, au premier rang desquels Henri Salesse, qui fut le plus sollicité d’entre eux pour les enquêtes de terrain.
A noter encore les expositions de l’Anglais Nigel Green, qui s’attache lui aussi au patrimoine bâti de la Reconstruction picarde, plus précisément à l’architecture «ordinaire» du quotidien qui s’ancre dans le paysage (antenne de l’université de Picardie Jules Verne à Beauvais) ; celle du Breton Marc Loyon, qui a fixé les zones pavillonnaires de sa région (Galerie nationale de la tapisserie) ; ou celle de Martin Becka consacrée à Dubaï (Galerie nationale de la tapisserie). Cet Eden mirifique de la globalisation, cité improbable aux projets architecturaux et urbanistiques pharaoniques, cliché de la modernité, de l’opulence et de la réussite, est projeté ici dans un autre espace-temps. Becka nous montre la ville comme si nous la regardions avec l’œil d’un futur lointain et organise une sorte d’archéologie du présent. Particularité du travail du photographe: la série Dubai transmutations a été réalisée à la chambre photographique 40 x 50 cm en négatif papier ciré, un procédé peu adapté aux températures élevées du Golfe, inventé en 1851 par Le Gray, un contemporain de Bayard.
Les Photaumnales 2015, du 19 septembre au 29 novembre, à Beauvais (9 lieux d’exposition), dans l’Oise et en Picardie. www.photaumnales.fr
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