Le Pavillon France à Venise : «Nouvelles richesses» sur le front de l’architecture ordinaire
On n'a pas d'argent, mais on a des idées! Tel est - peu ou prou - l'argument défendu par le Pavillon France de la XVe Biennale d'architecture de Venise, inauguré ce 27 mai par Emmanuelle Cosse, ministre du Logement, au terme d'un discours applaudi...
De Venise, Jacques-Franck Degioanni & Félicie Geslin
\ 16h29
De Venise, Jacques-Franck Degioanni & Félicie Geslin
Sites, clients, programmes et architectures ordinaires... C'est ce qu'entend montrer au grand public le Pavillon France de la XVe Biennale de Venise, à en croire ses commissaires, Frédéric Bonnet et le Collectif Ajap 14. Mais dans quel but? Loin de présenter des réalisations spectaculaires, il s'agirait plutôt de montrer ici "les territoires ruraux, le périurbain, tous ces lieux qui souffrent d'un manque de considération et de regard" (Frédéric Bonnet). Et ce, au travers de "projets banals, mais de qualité, qui ont su rayonner sur leur territoire" (Lucie Niney, pour le Collectif Ajap 14). Soit. Des projets présentés comme reproductibles; des micro-interventions qui engendrent de grands effets, au moins au niveau local...
Ce qui se traduit, au plan de la scénographie, lorsqu'on pénètre dans la salle centrale du Pavillon (séquence "Territoires"), par des affichages dynamiques en 4x3 de ces paysages d'entrées de ville que nous connaissons si bien, avec leurs parcellaires mités, leurs hangars informes, leurs lacis de voirie, etc. Le décor est planté : c'est la France de Jean-Pierre Pernaut et de Michel Houellebecq réunis, ni spécialement belle, ni vraiment laide, juste terriblement banale...
De part et d'autre de cette salle centrale, «Récits» et «Savoir-faire» entrent en résonance pour proposer de découvrir les vingt-deux projets exposés aux moyens de traitement différents : reportages vidéo et témoignages (exploitants, utilisateurs), maquettes, techniques utilisées voire redécouvertes (pierre sèche, bois, pierre banchée, pisé, terre crue, etc.). En prolongement, la séquence «Terreau» propose le fruit d'un appel à idées auprès des écoles d'architecture, des CAUE, des architectes-conseils de l'Etat, etc. A savoir, pas moins d'une centaine de contributions qui sont d'ores et déjà consultables sur le site web dédié.
Le sérieux et la fougue
On le voit, les intentions sont louables et preuve est apportée par l'exemple. Mais que faut-il penser – puisqu'à Venise chacun est sommé d'avoir une opinion sur ce qu'il a vu - de cette démonstration de savoir-faire un peu trop scolaire, un peu trop appuyée, qui n'évite pas toujours l'écueil de la bien-pensance? Trop de sérieux dans le propos a semblé nuire à l'intention originelle du fougueux commissaire général, le Chilien Alejandro Aravena ("Nouvelles du Front!"). L'exposition vire peu à peu en une laborieuse étude de cas qui trouvera ses émules, certes, mais qui peine quelque peu à séduire et à prendre de la hauteur.
Par ailleurs, "être capable de faire autant, avec si peu de moyens", pour reprendre l'expression de Frédéric Bonnet, est-il vraiment le message le plus judicieux à adresser en temps de crise à des maitres d'ouvrage rompus à étriller au porte-monnaie des architectes déjà si soumis?
"Les solutions aux grandes questions de la société n'ont pas besoin d'être spectaculaires" a souligné dans son discours inaugural Vincent Berjot, directeur général des Patrimoines au ministère de la Culture, en citant Alejandro Aravena. Mission accomplie à cet égard, mais est-ce bien une victoire pour l'architecture?
La XVe Biennale de Venise est désormais ouverte au grand public jusqu'au 27 novembre.
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