Le vitrail contemporain dans tous ses états, à la Cité de l'architecture
Entre matière et transparence, architecture et arts décoratifs, le vitrail est un art monumental dont le corpus d’œuvres en France est inégalé dans le monde. Exposition à découvrir à la Cité de l’architecture et du patrimoine (Paris, XVIe arrdt.), jusqu’au 21 septembre.
Delphine Désveaux
A partir de 1945, à la demande de l’Eglise puis de l’Etat, les plus grands peintres se sont frottés à l’art du vitrail, que ce soit dans les édifices religieux endommagés durant la guerre ou dans les nouvelles églises construites en réponse au boom démographique des grandes villes. Conçue par Véronique David et Laurence de Finance, l’exposition qui se tient actuellement à la Cité de l’architecture met en avant cette histoire du vitrail contemporain religieux.
Art sacré
Tout commence entre 1937 et 1946, à l’église du plateau d’Assy (Haute-Savoie) signée de l’architecte Maurice Novarina (1907-2002). L’Eglise instaure alors une politique volontariste en faveur de la modernité. Porté par Marie-Alain Couturier et Pie-Raymond Régamey, deux dominicains directeurs de la revue « l’Art sacré », cet élan revendique le développement d’un art « religieux » en adéquation avec son temps. Parce qu’ils préfèrent les « génies sans foi aux croyants sans talent », les deux religieux font appel aux plus grands artistes de l’époque : Rouault, Chagall, Léger, Braque, Manessier, Matisse ou encore Richier. En 1975, les vitraux abstraits de Jean-Pierre Raynaud pour l’abbaye cistercienne de Noirlac (Cher) créent une rupture qui conduira, dans les décennies suivantes, à des commandes publiques importantes de la part du ministère des Affaires culturelles : Soulages à Conques (Aveyron), Dibbets à Blois (Loir-et-Cher), Morris à Maguelone (Hérault), Garouste à Talant (Côte-d’Or) ainsi qu’à des chantiers d’envergure, comme la cathédrale de Nevers (Nièvre).
Barlotières
Mesurer l’implication de ces grandes signatures, souvent agnostiques, dans l’appropriation de ce médium méconnu est en soi passionnant. Mais l’exposition ouvre à bien d’autres sujets : l’histoire de la commande, les polémiques religieuses, les questions relatives à la conservation du patrimoine, la complexité du processus de création, la richesse du dialogue entre artistes et peintres verriers - Bony, Marq, Loire, Lorin, Duchemin -, la fabrication des produits verriers, l’évolution des techniques… Car si le verre et le plomb sont les supports idéaux du vitrail, les innovations sont constantes grâce aux travaux du Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva) et le centre de recherche de Saint-Gobain : traitements chimiques, qualité des verres, diversité des compositions, disparition du plomb et des barlotières (traverses en fer destinées à consolider le vitrail), verres thermoformés rompant avec toute réalité picturale au profit de la matérialité de la lumière…
Foisonnement
Pareille exposition n’avait pas été vue à Paris depuis 1969. Mises en scène par l’agence Search, les œuvres présentées sont signées des grandes figures artistiques des soixante-dix dernières années. Les 130 dessins, maquettes, prototypes, copies, etc. attestent du foisonnement créatif insufflé au vitrail dès l’après-guerre, tant au plan stylistique que technique. Bien sûr, tout n’est pas exposé : on aurait aimé voir les dernières réalisations d’Ann-Veronica Janssens à Grignan (Drôme), de Flavie Serrière Vincent-Petit à Fey-en-Haye (Meurthe-et-Moselle) ou de Rémy Hysbergue à Melle (Deux-Sèvres). Mais choisir, c’est renoncer. D’autant qu’une exposition sur ce sujet est conditionnée par les prêts et se heurte à des difficultés d’installation. Faudra-t-il attendre cinquante ans avant de voir la production de vitraux réalisés pour des édifices publics?
Le vitrail contemporain dans tous ses états, à la Cité de l'architecture
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