Les Hortillonnages d’Amiens font leur festival
Depuis 2010, le festival «Art, villes et paysage», organisé par la Maison de la Culture d’Amiens, donne une autre dimension aux célèbres Hortillonnages et aide à leur préservation.
Nicolas Guillon (Bureau de Lille du Moniteur)
Fin d’après-midi caniculaire en terre picarde. Il suffit de monter dans une barque et de se laisser glisser dans les canaux pour être transporté dans l’espace et le temps, au Mexique, dans les chinampas de Xochimilco, ces potagers en zone lacustre que cultivaient les Aztèques. Le principe des Hortillonnages d’Amiens est le même: un marais transformé en maraîchage pour nourrir la cité. Le site fit travailler jusqu’à un millier d’hortillons (maraîchers professionnels). Ils ne sont plus que six aujourd’hui à faire perdurer cette agriculture sur 25 hectares. Totalement dépendants de l’activité humaine, les Hortillonnages, qui s’étendent sur 300 hectares, courent donc le risque de redevenir un jour une friche.
L’association pour la protection et la sauvegarde des Hortillonnages se tient au chevet de ce patrimoine exceptionnel depuis 1975, alors qu’un projet de rocade menaçait à cette époque les lieux. Aujourd’hui, si tout le monde s’accorde sur l’impérieuse nécessité de préserver ce joyau touristique, son entretien (120 km de berges) réclame beaucoup de moyens, que la collectivité et les propriétaires de parcelles ne sont pas en mesure d’apporter en totalité. D’où l’idée du festival «Art, villes & paysage», créé il y a cinq ans par la Maison de la Culture d’Amiens (MCA). «Nous avons tout simplement transposé à un milieu naturel la démarche d’une maison de la culture et son savoir-faire en matière de production», résume Jérôme Araujo, secrétaire général de la MCA.
Concrètement, un appel à candidatures est lancé, chaque année, à l’automne, auprès des jeunes (moins de 36 ans) paysagistes et plasticiens du monde entier. Les paysagistes retenus se voient confier une parcelle pour la transformer en jardin et les plasticiens sont invités à créer une œuvre, en lien ou en contrepoint avec cet environnement complexe. Les lauréats bénéficient du soutien technique des équipes de la MCA, des maraîchers et d’un chantier d’insertion, un dispositif qui permet de faire entrer le festival dans un budget de 300 000 euros.
Projet urbain
Les réalisations les plus pertinentes sont reconduites d’une année à l’autre, d’où une offre enrichie au fil des éditions et une reconquête progressive du territoire, un peu sur le modèle de ce qui fut fait entre 2007 et 2012 dans l’estuaire de la Loire. Cet été, c’est un parcours artistique et organique de 26 jardins et 13 installations qui est proposé. Volcan émergeant des eaux, houblonnière jardinée, miroir aux alouettes, potager embarqué, île filtrante, belvédères, cabanes de chasse, nids «à humains»… : autant d’interventions, aux frontières du naturel et de l’artificiel, qui posent un regard décalé ou poétique, drôle ou critique, sur notre rapport au vivant. Mention spéciale à l’hydrophone du collectif britannique PIP qui, dans une veine très «Monty Python», permet d’avoir en ligne les habitants du monde aquatique !
«Outre le fait qu’il offre une visibilité à de jeunes créateurs, ce festival se veut un projet urbain, explique Jérôme Araujo. Nous considèrons tout ce qui se passe sur un espace de 300 hectares et nous essayons de le partager. L’objectif est d’étendre l’esprit des Hortillonnages à l’ensemble de la ville. C’est pourquoi cette année, le festival a également investi le parvis de la cathédrale. Entre Paris et Lille, Amiens a une identité à défendre à travers le jardin.» A la veille du rattachement de la Picardie au Nord-Pas-de-Calais la vision a du sens. Et qu’en pense la tanche ?
Jusqu’au 11 octobre.
Gratuit.
Visites possibles à pied ou en barque (réservation au 03 22 97 79 77).
Les Hortillonnages d’Amiens font leur festival
Tous les champs sont obligatoires
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