Normes : un choc de simplification qui « tarde »
Le rapport annuel du Conseil national d’évaluation des normes, publié au cœur de l’été, dresse un bilan encore bien mitigé de la lutte contre l’inflation des normes pesant sur les collectivités territoriales.
Bénédicte Rallu
303 ! C’est le nombre de projets de texte examinés en 2014 par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) et la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN) (le premier ayant remplacé la seconde le 3 juillet 2014). Il s’agit d’une « augmentation sensible » par rapport à 2013, année lors de laquelle n’avaient été étudiés « que » 219 textes, souligne le rapport annuel d’activité du CNEN publié le 24 juillet dernier. Le CNEN, qui n’a pourtant œuvré que lors du second semestre 2014, s’est penché à lui seul sur 186 projets de textes. « La vérité oblige à dire que « le choc de simplification » tarde à trouver sa traduction », conclut le rapport d’activité.
1,4 milliard d’euros de coût brut
Le CNEN donne son avis sur l’impact technique et financier des projets de textes impactant les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Il intervient sur le flux et sur le stock (cette dernière prérogative étant nouvelle, le bilan de l’année 2015 sera plus probant sur cet aspect).
L’objectif annoncé du gouvernement est de réduire le poids de ces normes pour les collectivités territoriales. Mais les actes semblent avoir du mal à suivre. Le coût brut des 303 projets examinés par l’instance d’évaluation des normes en 2014 avoisine encore les 1,4 milliard d’euros (coûts des mesures calculés pour une année pleine). Parmi les mesures jugées les plus coûteuses : les dispositions relatives à l’accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public (245 millions d’euros) et celles relatives à l’accessibilité des personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite (466 millions d’euros). Quatre textes relatifs à la commande publique ont été examinés en 2014 avec un impact financier estimé en année pleine à 1,2 million d’euros pour les collectivités.
Les ministères les plus producteurs
Le ministère de l’Ecologie et celui chargé des Territoires et du Logement comptent parmi les trois ministères les plus producteurs de textes (derrière les ministères sociaux). Cependant, le rapport relève « qu’il n’y a pas toujours de corrélation entre le nombre de textes déposés par ministère et le coût des normes produites ». Ainsi le coût brut des normes édictées par le ministère de l’Ecologie est quasi-nul. « Le ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité est le plus important générateur de coûts : plus de 724 M€ en année pleine pour 43 textes, soit 51 % des coûts de l’ensemble des textes soumis, dont 711 M€ découlant des seuls textes relatifs à l’accessibilité, à l’installation des détecteurs de fumée ainsi qu’à la réforme de l’aide mensuelle à la place d’aire d’accueil des gens du voyage au titre de l’allocation temporaire de logement », précise le rapport.
Economies et recettes
L’impact des projets de textes présentés peut aussi être positif. Selon les estimations réalisées par les administrations, les 303 projets sont susceptibles de générer 204,6 millions des recettes potentielles (12 M€ au titre de l’arrêté relatif au taux kilométrique de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises pour 2015) et 633 millions d’euros d’économies en année pleine (150 millions pour les projets issus du ministère de l’Ecologie par exemple). Parmi les économies espérées : 41,4 M€ au titre des deux décrets et d’un arrêté relatifs aux obligations de la troisième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie, 191,9 M€ au titre de cinq textes relatifs à la surveillance de la qualité de l’air intérieur.
Contournement de la consultation préalable ?
La lutte contre l’inflation des normes doit donc se poursuivre. Globalement, l’instance d’évaluation des normes suit une démarche constructive et de dialogue entre les services de l’Etat et les représentants des collectivités territoriales. Elle n’a donc utilisé l’arme de l’avis défavorable qu’en extrême recours (27 avis défavorables en 2014). Mais le rapport constate un nombre élevé des saisines en urgence ce qui laisse craindre un futur dérapage : « Si cette consultation préalable venait à être contournée ou vidée de tout contenu, la non soutenabilité des finances des collectivités pourrait s’avérer inévitable, l’emballement des dépenses publiques deviendrait non maîtrisé, et l’action locale serait affectée de paralysie », prévient le rapport. Le CNEN demande en conséquence au gouvernement une meilleure maîtrise des saisines. Il salue en revanche la réflexion en cours sur le renforcement de ses moyens par le gouvernement pour notamment lui permettre de travailler sur le stock des normes qui relève « d'un travail d’orfèvre ». En attendant, le CNEN s’est déjà rapproché de la Délégation du Sénat dédiée aux collectivités territoriales pour développer leur collaboration dès 2015.
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