Paris XIIIe : la Cité de Refuge rénovée rouvre à ses résidents
Plus de quatre-vingts ans après sa construction - et au terme de quatre années de chantier - la Cité de Refuge de l’armée du Salut reprend de l’activité comme centre social d’accueil pour les plus défavorisés…
JACQUES-FRANCK DEGIOANNI
A la manœuvre, un trio d’architectes chevronnés : François Gruson, François Chatillon (ACMH) et… Le Corbusier! Un maître d’ouvrage éclairé et sensible aux problématiques humaines : Résidences Sociales de France (RSF/3F/groupe Solendi). Et un théâtre des opérations mythique : le célèbre immeuble de l’armée du Salut de la rue Cantagrel (Paris XIIIe), la Cité de Refuge conçue par Le Corbusier et Pierre Jeanneret.
"Un cloaque"
Commandé en 1929 par l’armée du Salut, cet édifice a été la première réalisation d’ampleur de Corbu. Conçue à l'origine comme un centre d’accueil et d’hébergement de 500 places pour les sans-abris, la Cité de Refuge devait également leur offrir une structure pour se reconstruire, notamment par l'apprentissage et le travail. Si cette vocation a perduré jusqu’à aujourd’hui, l’obsolescence de la configuration des bâtiments et leur dégradation - «un cloaque» relève François Gruson - ont conduit la Fondation de l’armée du Salut à lancer en 2007 un projet de réhabilitation du bâtiment principal ainsi que du Centre Espoir (bâtiment contigu construit en 1978 par les architectes Georges Candilis et Philippe Verrey). Lancé en décembre 2011, le programme s’est déroulé en deux phases : réhabilitation du Centre Espoir menée par Opéra Architectes (François Gruson, Bertrand Verney), livrée en juillet 2014, un bâtiment qui abrite habilement l’ensemble des installations techniques nécessaires au bon fonctionnement de la Cité de Refuge. Puis, restauration et restructuration de la Cité de Refuge, menée par François Chatillon associé à Opéra Architectes, livrée fin 2015.
Espaces extraits d'une "gangue"
Le projet architectural et patrimonial global a été mis au service du projet social. Un projet qui nécessitait la restructuration physique des anciens dortoirs et des sanitaires collectifs pour rendre l’accueil des résidents plus humain : avec des chambres pour couples et familles, accessibles aux personnes à mobilité réduite, et des studios individuels : «On a fait deux logements là où il y avait trois chambres» explique François Gruson. De nouveaux espaces de vie collectifs et individuels ont été «extraits de la gangue» que des années d’ajouts successifs et de cloisonnements intempestifs avaient fini par faire disparaître et mis à disposition des résidents pour leur permettre de se reconstruire et préparer leur réinsertion sociale. Le tout sous le regard sourcilleux des sapeurs-pompiers avec lesquels une négociation pied à pied a permis d’éviter les innombrables portes coupe-feu et autres écrans de cantonnement des fumées qui auraient défiguré l’édifice. La capacité d’accueil totale du site a ainsi été portée de 273 à 282 places.
"Usine à guérir"
Un appel à financement participatif pour la rénovation du portique polychrome d’entrée avait été lancé en avril 2014, une première pour RSF en matière de mécénat privé. Las, sur les 50000 euros demandés (pour 85000 euros de travaux), à peine 4495 ont été récoltés - les zélateurs du Corbu se sont montrés avares - obligeant de fait le valeureux maître d’ouvrage à remettre la main à la poche pour boucler l’enveloppe. Durant tout le projet, une réflexion sur la mise en valeur des éléments patrimoniaux a été menée, permettant d’adapter les espaces à leur nouveau fonctionnement. Un comité de suivi archéologique, scientifique et technique réunissant tous les protagonistes a ainsi été mis en place pour l’examen et la validation de ces transformations. L’ampleur du chantier de restauration fera l’objet d’un ouvrage de référence aux éditions du Patrimoine qui en ont confié la rédaction à Gilles Ragot et Olivier Chadoin, avec un reportage photographique de Cyrille Weiner : La Cité de refuge de Le Corbusier, «L’usine à guérir».
Intervenants et dates-clésGestionnaire : Fondation de l’armée du Salut.
Maîtrise d’ouvrage : RSF.
Maîtrise d’œuvre : Opera Architectes (François Gruson), mandataire. François Chatillon, ACMH. Cotec Ingénierie, BET.
Entreprise générale : Bateg-Sicra.
Bureau de contrôle : Batiplus.
Coût d’opération : 31 655 720 euros TTC.
Dates-clés : 2009 (consultation maîtrise d’œuvre), 13 juillet 2011 (obtention du permis de construire), 20 décembre 2011 (démarrage des travaux), 4 juillet 2014 (livraison de la première phase des travaux, Centre Espoir), 19 novembre 2015 (livraison de la seconde phase des travaux, Cité de Refuge).
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