Référendum sur Notre-Dame-des-Landes: entre embarras et interrogations
En annonçant son souhait d’organiser d’ici octobre un «référendum local» pour sortir du «blocage» du dossier de transfert de l’aéroport de Nantes, le président François Hollande a confirmé sa réputation de champion de la «synthèse», mais aussi d’un certain flou.
Jean-Philippe Defawe (Bureau de Nantes du Moniteur)
\ 15h35
Jean-Philippe Defawe (Bureau de Nantes du Moniteur)
«A un moment, il faut prendre une décision. Nous savons que des travaux doivent commencer au mois d’octobre, et bien, d’ici le mois d’octobre, je demande au gouvernement, avec les élus locaux qui partagent cette vision-là, d’organiser un référendum local pour que l’on sache exactement ce que veut la population», a déclaré François Hollande, interviewé sur TF1 et France 2 après un remaniement qui a vu à la fois le retour d’écologistes au gouvernement, mais aussi de l’ancien premier Ministre et maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, fervent défenseur du projet de transfert de l’aéroport de Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes, au nord de l’agglomération.
Une fois n’est pas coutume, sur ce dossier, François Hollande a été clair: «Si c’est oui et que la population veut cet aéroport, alors tout le monde devra accepter cette décision. Si c’est non, vous savez que c’est un projet porté par l’Etat, l’Etat en tirera les conséquences», a-t-il souligné.
Prévenus de l’annonce du président de la République, les principaux élus socialistes concernés (Johanna Rolland, président de Nantes Métropole, Philippe Grosvallet, président du conseil départemental de Loire-Atlantique et David Samzun, maire de Saint-Nazaire) ont rappelé que ce référendum «n’était pas (leur) option» mais qu’ils «s’engagent résolument en faveur du oui au transfert de l’aéroport». Même sentiment pour la maire PS de Rennes, Nathalie Appéré, pour qui cette décision «doit permettre à nouveau un débat démocratique apaisé, qui ne soit pas l’otage de manifestations violentes et inacceptables telles que celle que nous avons connue à Rennes, le 6 février dernier».
En revanche, alors qu’il prônait une «union sacrée» entre les principaux élus locaux, quasiment tous favorables au projet, quelle que soit leur couleur politique, le nouveau président LR de la région Pays de la Loire Bruno Retailleau s’est démarqué en estimant que «ce référendum est le prix d’un marchandage pour l’entrée des écologistes au gouvernement». «Cette façon de ne pas décider, c'est du François Hollande tout craché» a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. «Ce qui l'emportera, ce n'est ni le oui, ni le non mais le flou» a-t-il pronostiqué en annonçant qu'il n'organiserait pas ce référendum si on lui demandait de le faire.
Quelques minutes plus tard, le socialiste Christophe Clergeau, candidat malheureux à la présidence de la région affichait plutôt un certain optimisme et se pose en chef de file d'un comité pour le oui. Et d'ancien premier vice-président de la région de dévoiler un sondage Louis Harris
commandé par le PS et gardé secret jusqu'à aujourd'hui: En novembre, 59% des Ligériens et 65% des habitants de Loire-Atlantique étaient favorables au projet !
"Pro" et "anti-aéroport" enfin d’accord !
Si côté politique, le consensus entre la droite et la gauche vole en éclat sur la question du référendum, le président a toutefois réussi un exploit en mettant d’accord ceux qui sont pour et les opposants au projet, les deux camps se déclarant clairement contre le principe de référendum. Leurs raisons divergent toutefois. Françoise Verchère, co-présidente du CéDpa qui regroupe les élus opposés au projet, estime que ce référendum est une «fausse bonne idée». «Je pense que les gens vont voter autre chose. Ils peuvent très bien, d’ailleurs, voter contre le gouvernement en utilisant ce référendum, ou bien au contraire, ils peuvent voter contre les zadistes, pour l’ordre. C’est-à-dire absolument pas sur la question de l’aéroport» a-t-elle précisé regrettant d'autant plus cette décision « qu'après l'annonce de Sélolène Royal la semaine dernière, trois inspecteurs vont enfin lire le dossier, ce qui serait déjà formidable». Françoise Verchère, qui vient d'écrire un petit ouvrage dénonçant «un mensonge d'Etat» ne souhaite maintenant qu'une seule chose : «que la vérité éclate enfin».
De son côté, «Des ailes pour l’ouest», la principale association de soutien au projet n'est pas tendre avec le président de la République et qualifie ce référendum de «déni de démocratie» évoquant «plus de 160 décisions de justice» ayant donné raison au projet et le soutien de trois présidents de la République, six premiers ministres et l’ensemble des collectivités locales. «Je m’étonne qu’une telle décision soit annoncée à la fin du processus judiciaire sans que ne soit donné ni périmètre, ni question précise, ni le porteur. C’est pour le moins approximatif» estime son président Alain Mustière.
Le diable est dans les détails
De fait, même pour les nouveaux ministres, c’est le flou total quant aux modalités. «Je ne sais pas encore [qui est concerné par le référendum], mais j’imagine que c’est l’ensemble de la population qui sera concerné» a déclaré, peut-être un peu rapidement le tout nouveau ministre de l’Aménagement du territoire, Jean-Michel Baylet, qui devrait être en charge de ce dossier.
La question du périmètre est en effet un enjeu de taille même si, là encore, les avis transcendent les clivages traditionnels. Assez logiquement, même si ce projet est porté par l’Etat, le périmètre devrait ne pas dépasser les régions Pays de la Loire et Bretagne, qui participent au financement du projet.
Interrogée sur ce point ce matin sur France Inter, Emmanuelle Cosse, la nouvelle ministre du Logement a estimé que la Commission nationale du débat public (CNDP) pourrait être consultée. «Je pense que c’est typiquement ce type de structure qui peut aider le Premier ministre à décider quel périmètre, qui vote, quelle est la question, à quelle date cela a lieu», a-t-elle déclaré. Confirmation de Christian Leyrit, président de la CNDP, qui se tient prêt à jouer un rôle si c’est à l’État d’organiser la consultation. «J’imagine que la question serait «selon vous, faut-il construire l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ?» Mais il faut que les informations soient alors suffisamment claires et compréhensibles pour que les citoyens décident en connaissance de cause» a-t-il expliqué au Monde.
Car la question des moyens dont disposeront les deux camps sera également déterminante. S’appuyant sur l’exemple de la récente campagne de publicité sur la pétition de la région demandant l’évacuation de la ZAD qui aurait bénéficié d’un budget de 60 000 euros, l’architecte Ivan Fouquet, qui anime un atelier citoyen pour le maintien et l’optimisation de l’aéroport existant craint que «les moyens soient disproportionnés» entre les associations anti-aéroport et les collectivités favorables au projet.
Reste enfin la question de l’outil. Selon l’avocat Arnaud Gossement (NDLR: opposé au projet), les outils existants et notamment le référendum d’initiative locale ne seraient pas adaptés. «En l’état actuel du droit et de la complexité du chantier législatif à engager pour créer la procédure de référendum (NDLR: référendum d’initiative local) ou de consultation (NDLR: projet d’ordonnance qui doit être soumis mardi 16 février au conseil national de la transition écologique) qui pourrait être organisée à propos de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, il semble difficile qu’il puisse aboutir avant le mois d’octobre» écrit-il sur son blog hébergé par Mediapart.
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