Six actions pour réduire l’impact carbone des bâtiments

Au lendemain de l’adoption de la loi pour la transition énergétique, et à quelques mois de la COP 21, le groupe de travail « RBR 2020-2050 » du Plan Bâtiment Durable publie un rapport sur les bâtiments bas carbone. Il y détaille six actions pour les développer.

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Six actions pour réduire l’impact carbone des bâtiments
6 grands types d’actions possibles pour réduite l'impact carbone des bâtiments et les principaux acteurs en mesure d’y contribuer.

C’est imparable : pour être responsable en 2020, le bâtiment doit nécessairement limiter ses émissions de gaz à effet de serre pour devenir bas carbone. Cet enjeu n’a d’ailleurs pas été oublié dans la loi pour la transition énergétique, adoptée le 22 juillet, qui prévoit la prise en compte à court terme des émissions de gaz à effet de serre aux bâtiments dans différents dispositifs. La note sur cette question que vient de publier le groupe de travail RBR 2020-2050 du plan Bâtiment Durable vient à point nommé.


Emissions de GES dans le bâtiment : plus de 20% contrairement à l’idée reçue

Le groupe de travail s’est attaché tout d’abord à rappeler quelques ordres de grandeur qui permettent de mieux cerner les solutions à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ainsi, les émissions de GES liées au bâtiment ont lieu tout au long de son cycle de vie : construction du bâtiment, exploitation, rénovation, fin de vie. « Certaines de ces émissions telles que la combustion du gaz de chauffage ont lieu sur le site du bâtiment, d’autres ont lieu à distance comme les émissions pour fabriquer les matériaux de construction ou pour produire l’électricité qui sera consommée sur le site. Certaines émissions ont lieu en permanence tant que le bâtiment est utilisé comme les émissions liées aux consommations d’énergies, d’autres ont lieu à des intervalles plus éloignés comme celles liées aux phases d’entretien et de remplacement des éléments à durée de vie limitée. Celles inhérentes à la fabrication de la structure n’ont généralement lieu qu’une fois ». En prenant en compte ces émissions sur site et hors site, les émissions de GES pour le résidentiel/tertiaire dépassent largement les 20% avancés le plus souvent dans la répartition du niveau national tous secteurs confondus.

Répartition des émissions de GES par type d'activité
Répartition des émissions de GES par type d'activité

Le millefeuille des émissions de GES

S’appuyant sur le projet HQE Performance de l’Association HQE qui a évalué les émissions de GES de plus de 150 bâtiments neufs, la note rappelle que les émissions pour les produits et matériaux lors d’un projet de logements collectifs neufs sont de l’ordre de 550 kg equivalent CO2 /m², entre 300 et 500 kg pour les maisons individuelles et 550 et 800 kg pour les immeubles de bureaux. Ces valeurs qui portent sur la totalité de vie du bâtiment dépendent de ses caractéristiques (architecture, procédé constructif, matériau de construction…) et des efforts d’écoconception. Lors d’une réhabilitation d’un bâtiment où l’on conserve le gros œuvre et la structure, la moitié des émissions liées aux matériaux est économisée par rapport à une construction neuve. Ces émissions ont lieu à l’occasion des travaux de construction puis des différents travaux d’entretien et de rénovation.

A l’inverse, il existe des émissions quotidiennes. Il s’agit de celles liées aux usages immobiliers (chauffage, eau chaude, refroidissement, éclairage, auxiliaires) qui varient entre moins de 5 kg eqCO2/m2.an pour les bâtiments les plus performants utilisant les énergies les moins carbonées et plus de 145 kg eqCO2/m2.an pour certains bâtiments tertiaires très émetteurs.

S’y ajoutent les émissions des équipements mobiliers (consommation électrique pour l’informatique et la communication, l’audiovisuel, l’électroménager), qui sont en moyenne de l’ordre de 2 kg eqCO2/m2.an dans un logement et de  3 kg eqCO2/m2.an dans le tertiaire avec des variations très fortes d’un bâtiment à un autre.
Sans oublier la localisation d’un logement qui a un impact non négligeable sur les émissions de GES liées aux transports quotidiens. Une analyse conduite par Promotelec de 22 projets neufs met en évidence des émissions variant entre 5 et 30 kg eqCO2/m2.an.

L’analyse des différents ordres de grandeurs des émissions de GES dans le bâtiment montre que  dans une passoire énergétique, les émissions en exploitation sont dominantes, alors qu’à l’inverse, dans un bâtiment basse consommation, les émissions en phase construction ou rénovation peuvent dépasser les émissions liées à l’énergie en phase exploitation.

Emissions de GES
Emissions de GES

6 grands types d’actions

Une fois les impacts des émissions de GES évalués, notamment à travers plusieurs outils de type bilan carbone, ACV bâtiment, il est alors possible de travailler sur leur réduction.
Le groupe de travail présente ainsi six grands types d’actions et de recommandations permettant d’agir sur l’impact carbone des bâtiments.

1. L’adaptation des surfaces construites. Puisqu’un m² non construit représente près d’une tonne de CO2 évitée sur le cycle de vie, la réflexion sur la surface vraiment nécessaire pour répondre aux besoins est déterminante. Les démarches peuvent s’organiser autour de trois idées : l’adaptation de la surface utilisée à l’évolution des besoins comme ce qui est fait par certains grands maîtres d’ouvrage tertiaires ou par les familles lors de leur parcours résidentiel ; l’optimisation du rendement de plan, la réduction des surfaces de parking lorsque l’on construit des centres urbains bien desservis en transports en commun et enfin la mutualisation d’espace existant plutôt que la construction (transformation de parties de logement inoccupées en chambres touristiques – AirBnB).

2. Le choix d’implantation. Cela conduit à prendre en compte la distance du bâtiment aux services (écoles, commerces, lieux de loisirs) et aux lieux de travail (impact important sur les émissions de carbone liées au transport), mais aussi l’éventuelle mise à disposition au niveau du territoire d’énergies décarbonées via les réseaux de chaleur ou de froid et demain d’électricité et de gaz intégrant des taux croissants de renouvelables, ou encore la capacité à produire sur la parcelle des énergies non carbonées. Quelques acteurs vont plus loin en prenant en compte d’ores et déjà le stockage de CO2 par la parcelle.

3. Le choix entre construction ou rénovation. Ce choix se fonde toujours sur un ensemble de critères. Le prisme des émissions de gaz à effet de serre apporte un éclairage particulier qui peut compléter les autres. Du point de vue des émissions de GES, le fait de réutiliser la structure et le gros oeuvre dans le cadre d’une opération de rénovation permettra d’économiser de l’ordre de 300 kgeqCO2 /m², ce qui conduit pendant plusieurs dizaines d’années à avoir un meilleur bilan qu’un bâtiment neuf, même si ce dernier consomme lui moins d’énergie qu’un bâtiment bien rénové. Cet exemple montre l’importance d’étudier au cas par cas, dans le cadre d’une analyse en cycle de vie, les impacts respectifs d’une rénovation et d’une construction.

4. Les ambitions pour la construction neuve et la rénovation. En construction, jusqu’à aujourd’hui, l’analyse est plutôt faite sur les émissions en phase d’exploitation, lesquelles sont très fortement réduites. Il faut donc porter l’analyse sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. Cette analyse fait émerger des voies nouvelles d’écoconception et d’optimisation des projets qui touchent tous les acteurs : optimisation des formes architecturales et choix des systèmes constructifs pour réduire la quantité de matière utilisée, choix de matériaux bas carbone, dimensionnement des installations techniques au juste nécessaire… L’utilisation d’outils permettant une analyse en cycle de vie permet d’arbitrer entre ces différentes voies. Encore faut-il que les outils d’éco-conception existants (alimentés par les fiches de déclarations environnementales des industriels) « soient utilisés par tous les acteurs de la construction » et pas uniquement par une élite, estiment les auteurs de la note, qui reconnaissent par ailleurs que la mise à disposition de données « typiques » de contenu carbone pour les familles de produits faciliterait ce travail d’écoconception.

Dans l’existant, les fortes consommations d’énergie sont associées à d’importantes émissions de GES. La diminution drastique des émissions de CO2 sur le parc existant  constitue alors un enjeu majeur d’une politique bas carbone dans le bâtiment. Deux voies complémentaires doivent y contribuer l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments et la mutation de ce parc vers des énergies moins carbonées. Le groupe de travail recommande pour chaque projet de rénovation une analyse des capacités à réduire les besoins de chaleur, à faire appel à des systèmes moins énergivores et à examiner les capacités à utiliser des énergies moins carbonées.

5. Le choix des énergies moins carbonées. La quantité de gaz à effet de serre émis pour chaque kWh d’énergie utile varie beaucoup d’une énergie à l’autre. Elle s’exprime par le facteur d’émission dont l’unité usuelle est le gramme d’équivalent CO2 par kWh. Aujourd’hui, il est possible de choisir entre de nombreux systèmes hybrides associant des énergies renouvelables et non renouvelables. Il est donc nécessaire de disposer de facteurs d’émission correspondant à chacun de ces types de système. Par exemple une pompe à chaleur hybride associant une pompe à chaleur électrique fonctionnant en base et un générateur à combustible fonctionnant les jours les plus froids et évitant la consommation d’électricité au moment où celle-ci est la plus carbonée devra en voir le bénéfice sur son facteur d’émission. Ces facteurs devront être calculés via une analyse en cycle de vie pour permettre une comparaison juste entre énergies. Pour les auteurs de la note, il faut « définir dès aujourd’hui des méthodes opérationnelles pour évaluer ces facteurs d’émission et les intégrer dans les futurs textes portant sur le bâtiment (étiquettes environnementales, labels, réglementations…). Ceci permettra aux acteurs de prendre des décisions éclairées en matière de choix des systèmes et des énergies dans le neuf et de changement dans l’existant ». Ils préconisent aussi que les impacts de différents modes de gestion active ainsi que les capacités de stockage d’énergie de ces systèmes soient intégrés à ces méthodes. « Ceci permettrait de valoriser les innovations par les smart grids pour coordonner le fonctionnement au niveau du bâtiment et le fonctionnement des systèmes énergétiques aux échelles supérieures (quartier, territoire, pays…).

6. La meilleure utilisation et gestion du bâtiment. Les actions pour réduire les émissions de carbone sont diverses :
- limiter les consommations d’énergie via une meilleure gestion du chauffage, de l’eau chaude, de l’éclairage, de la climatisation… ;
- mobiliser les occupants pour atteindre des objectifs ambitieux;
- mettre en place un plan de déplacement permettant de réduire les émissions liées au transport ;
- échanger des informations avec les réseaux pour utiliser les énergies les moins carbonées lorsque l’on dispose de plusieurs sources d’énergie ou de capacités de stockage. Une gestion efficace demande la mise en place d’outils de suivi des consommations voire demain des émissions et nécessite une maintenance et une exploitation adaptées à la complexité de chaque installation. Reste qu’aujourd’hui l’impact carbone ne fait pas recette, on préfère communiquer sur le coût et la consommation d’énergie.

Donner une valeur au carbone

L’importance d’agir sur le changement climatique va donner une importance croissante à la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre. L’enjeu prioritaire est aujourd’hui de développer une culture collective sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un des moyens pour y parvenir serait un langage commun basé sur quelques indicateurs. Le défi est d’évoluer progressivement vers un parc de bâtiments bas carbone. Ceci passera par des actions pédagogiques visant à faire connaître le concept des Bâtiments Bas Carbone neufs et existants, à réaliser des projets exemplaires, à observer et mettre en valeur les meilleures pratiques pour donner envie…

Mais un enjeu majeur sera de donner une valeur au carbone pour que les choix économiques qui structurent chaque projet intègrent l’enjeu du réchauffement climatique. Le rapport plaide ainsi pour la mise en place pour toutes les politiques publiques d’une valeur tutélaire du carbone (prix de la tonne du carbone fixé par l’Etat), permettant d’intégrer l’effet climat dans l’évaluation des choix d’investissements publics.

D’autres notes en perspective

Cette note est la première d’une série de notes thématiques qui seront régulièrement publiées par le groupe de travail. Rédigées par les membres de RBR 2020-2050, elles sont soumises, en version provisoire, à une large consultation publique en ligne. Les contributions sont ensuite analysées par le groupe et prise en compte dans la version finale. Le groupe de travail « RBR 2020-2050 » est co-présidé par Christian Cléret (Poste Immo) et Alain Maugard (Qualibat). Ils rassemblent autour d’eux une vingtaine de personnalités qualifiées et ont vocation à proposer une vision prospective et  partagée des lignes forces des bâtiments responsables à l’horizon 2020.

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