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L’infiltration par revêtements poreux

Gestion urbaine des eaux de pluie -

La perméabilité des revêtements améliore la gestion des épisodes pluvieux et permet ainsi d’éviter des investissements onéreux sur les réseaux d’assainissement. Mais les maîtres d’ouvrage hésitent à se lancer…

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L’infiltration par revêtements poreux
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La gestion des eaux de pluie représente un réel défi en milieu urbain. Les exigences environnementales vis-à-vis des rejets des réseaux d’assainissement deviennent en effet de plus en plus contraignantes, alors que le changement climatique tend à rendre les épisodes pluvieux plus violents. Pour gérer ces flux importants d’eaux usées et assurer leur dépollution, l’un des axes de travail est de lutter contre l’imperméabilisation des sols urbains, afin de ne plus envoyer toutes les eaux qui s’abattent sur une ville vers le réseau de collecte des eaux usées, qu’il soit séparatif ou unitaire.

Une multitude de produits et solutions techniques permettant d’infiltrer les eaux de pluie ont été développés depuis de nombreuses années mais, comme le regrette Bernard Chocat, professeur à l’Insa de Lyon, « elles sont encore peu utilisées, du fait des craintes et idées reçues des maîtres d’ouvrage à ce sujet » (lire l’encadré ci-dessous). La perméabilité d’un revêtement est obtenue grâce à l’utilisation de matériaux poreux qui peuvent être un enrobé bitumineux, un béton, une résine ou des pavés. Leur porosité, en général comprise entre 15 et 30 % selon les matériaux, permet d’infiltrer l’eau et de lui faire atteindre la couche de base et/ou la couche de fondation.

Infiltration directe ou indirecte

Plusieurs stratégies sont possibles : infiltrer directement l’eau dans le sol, ou la recueillir en posant en dessous un géosynthétique étanche et l’envoyer soit vers un point d’infiltration, soit vers le réseau d’assainissement. Dans ce dernier cas, l’intérêt est alors de retarder l’arrivée des eaux dans le réseau grâce à un stockage tampon dans la chaussée. Et, dans tous les cas, cela permet d’améliorer la gestion du phénomène pluvieux, de réduire les pollutions liées aux déversements du réseau et les risques d’inondation ainsi que d’alimenter les nappes souterraines.
La nature du sol joue un rôle important dans le choix du dispositif : si le terrain est perméable, le plus simple est d’infiltrer directement l’eau ; s’il est imperméable, la chaussée est utilisée comme réservoir tampon ; si la qualité du sol est hétérogène ou moyennement perméable, il est possible de panacher les deux solutions.
Sur le plan économique, Maëlle Ancelle, chargée de mission de l’Adopta (Association pour le développement opérationnel et la promotion des techniques alternatives en matière d’eaux pluviales), souligne que « les revêtements poreux ont un coût plus élevé, de l’ordre de 10 % par rapport à un revêtement classique ; mais ils permettent de se passer de l’installation d’avaloirs, caniveaux et tuyaux et de réduire la quantité de granulats utilisés. Si bien qu’au final le prix est du même ordre. De plus, il est possible, sous certaines conditions, de bénéficier des aides des agences de l’eau ».

L' expert - « Trop d’idées reçues bloquent le développement des techniques »

« Plusieurs craintes injustifiées bloquent le développement des techniques d’infiltration des eaux pluviales. Tout d’abord la peur irrationnelle liée à la présence d’eau dans la chaussée, notamment par rapport aux conséquences de la dilatation de l’eau lors des phases de gel. Bien au contraire, la présence d’espaces vides dans la chaussée permet une dilatation sans risque.
Une autre crainte est liée au risque de colmatage de l’ouvrage. C’est un problème qui existe mais qui n’est pas insurmontable, car la très grande capacité d’infiltration d’une chaussée poreuse (de l’ordre de 1000 fois plus importante que les intensités des plus fortes pluies) fait que le colmatage total est rare. Le nettoyage peut être réalisé avec une aspiratrice mais aussi avec une balayeuse de rues. Reste enfin la question de la responsabilité de l’entretien de ces ouvrages, entre les services voiries et eau-assainissement des collectivités, qui n’est toujours pas tranchée.
Il faut aussi souligner que le risque de pollution des sols et des nappes est quasiment nul par infiltration directe des eaux de ruissellement d’un parking ou d’une chaussée à travers un revêtement poreux. En effet, les hydrocarbures sont fixés en surface et ne sont pas entraînés pas les eaux de ruissellement ; les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont extrêmement volatils et la pollution particulaire se fixe dans l’ouvrage. »

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Revêtement continu - Les bétons drainants font le plein d’innovation

Les industriels s’intéressent aux bétons poreux et travaillent à les rendre plus performants. « Nous cherchons à donner de nouvelles fonctionnalités au béton, liées notamment à sa capacité à drainer les eaux de pluie », explique David Guglielmetti, directeur marketing et innovation de Ciments Calcia et Unibéton. La gamme de béton « i.dro Drain » (voir schéma ci-dessous) proposée par cet industriel peut être utilisée sur des voiries circulées ou non, avec des degrés de porosité variant de 15 à 20 % et une résistance mécanique de 25 MPa.

De son côté, Lafarge a lancé Hydromedia dans 15 pays et insiste aujourd’hui sur la capacité de son produit à répondre à de multiples applications. « Nous avons reçu des demandes très différentes pour l’utiliser en aménagement urbain, pistes cyclables, terrasses… et nous avons décidé de proposer cinq familles d’applications, qui cibleront des contraintes de trafic différentes, et parfois des demandes esthétiques particulières », souligne Eric Stora, chef de projet Hydromedia chez Lafarge. Le béton offre en effet toute une gamme de couleurs (rouge, bleu, vert…) grâce à l’ajout de pigments. Par ailleurs, l’emploi de couleurs claires permet de lutter contre les îlots de chaleur. « Cela favorise l’effet albédo (réflexion des rayons du soleil) et évite le phénomène de relargage de la chaleur que l’on observe avec les enrobés bitumineux », relève David Guglielmetti.
Enfin, des tests réalisés depuis trois ans sur un parking de l’Insa de Lyon avec l’Hydromedia de Lafarge ont montré que l’infiltration sur un béton poreux permettait de réduire de 70 à 80 % la pollution de l’eau par les hydrocarbures et les métaux lourds. Une partie des polluants se concentre en effet en surface. Sans risque, selon Eric Stora, qui recommande toutefois de passer une balayeuse aspirante au moins une fois par an.

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Revêtement continu - Les enrobés bitumineux tiennent le haut du pavé

Les enrobés bitumineux poreux sont actuellement les plus utilisés pour l’infiltration des eaux pluviales. De leur côté, « les industriels du béton ont pris du retard, souligne Bernard Chocat, professeur à l’Insa de Lyon. Il faut dire qu’ils proposent aussi des systèmes de canalisations d’eau de pluie en béton qui représentent une logique inverse… » De plus, les entreprises françaises de travaux publics ont une culture de l’enrobé et sont mieux équipées en machines pour la pose de produits bitumineux. La couche de roulement d’une telle chaussée poreuse est composée d’un béton bitumineux drainant sur une épaisseur de 3 à 4 cm. « Le plus souvent, il y a une couche imperméable sous la chaussée réservoir et un système de surverse pour récupérer l’eau sur le côté », explique Eric Layerle, directeur technique d’Eurovia. Un autre avantage des chaussées réalisées en enrobés drainants réside dans le fait qu’ils limitent les projections d’eau et l’effet brouillard par temps de pluie. Par temps sec, c’est le niveau de bruit qui est réduit.

En théorie, on peut augmenter la capacité de rétention de la chaussée réservoir en jouant sur l’épaisseur de la structure, mais en pratique, cela entraînerait un coût trop élevé. « L’idée est plutôt de retenir l’eau sur une hauteur de plusieurs dizaines de centimètres et de créer ainsi des volumes de rétention qui vont différer l’arrivée des eaux de ruissellement dans le réseau, ce qui évite d’avoir à construire des bassins de stockage qui sont extrêmement coûteux », précise Eric Layerle.

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Revêtement préfabriqué - Des pavés montés sur dalle ou en version écologique

Une chaussée ou un trottoir peuvent être rendus perméables grâce à l’utilisation de pavés poreux, de pavés à joints élargis, ou encore de pavés à ouverture de drainage. Cette solution est encore peu utilisée car mal connue par les maîtres d’ouvrage français, à l’inverse de ceux des pays d’Europe du Nord.

« Les pavés servent essentiellement pour des trottoirs ou des cheminements. Pour des parkings, on utilise le plus souvent des dalles-gazon ou des dalles-pavés », explique Maëlle Ancelle, chargée de mission de l’Adopta, qui cite par exemple les supports pavés TTE Multidrain d’O2D Environnement. Ce système porteur en PVC recyclé se pose sur un lit de graviers et apporte une capacité de rétention des eaux pluviales allant jusqu’à 100 litres/m². Selon Anne Beeldens du Centre de recherches routières belge, l’emploi de pavés est recommandé pour un trafic inférieur à cent poids lourds par jour.
A Caen, un projet innovant d’écopavés drainants réalisés en béton à partir de coproduits de la conchyliculture est en cours de développement dans le cadre du Pôle Mer Bretagne. « L’intérêt est de valoriser les coproduits de la pêche et de la conchyliculture, de les substituer aux matières premières granulaires naturelles, en réduisant ainsi l’impact sur la ressource tout en luttant contre la prolifération des crépidules dans le milieu marin », explique Mohamed Boutouil, directeur du laboratoire de recherche sur les matériaux et la construction (LRMC) de l’Ecole d’ingénierie et travaux de la construction (ESITC) à Caen. Cette substitution peut aller de 20 à jusqu’à 50 % des granulats. Le lancement de ce produit est prévu au début de l’année 2015.

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