La loi a remédié à l'inconstitutionnalité du classement des cours d'eau
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 mars 2014 par le Conseil d'Etat (décision n° 374844 du 26 mars 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le syndicat France Hydro Electricité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article L. 214-17 du code de -l'environnement.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'
Vu le code de l'environnement ;
Vu la
Vu la
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites par l'association France Nature Environnement, enregistrées les 15 avril et 2 mai 2014 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 16 avril 2014 ;
Vu les observations produites pour le syndicat requérant par Me Jean-Pierre Brunel, avocat au barreau de Nîmes, enregistrées les 16 et 29 avril 2014 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 avril 2014 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Brunel, pour le syndicat requérant, Me Cécile Grignon, avocat au barreau de Paris, pour France Nature Environnement, Me Hélène Farge, pour la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 mai 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'
« 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique.
« Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée ;
« 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant » ;
2. Considérant que, selon le syndicat requérant, en ne prévoyant pas la participation du public à l'élaboration des listes de cours d'eau prévues par l'
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ;
5. Considérant que les dispositions contestées prévoient l'établissement de deux listes distinctes de cours d'eau, l'une pour les cours d'eau sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique et l'autre pour les cours d'eau sur lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs ; que l'inscription sur l'une ou l'autre de ces listes a pour conséquence d'imposer des obligations particulières qui tendent à préserver la continuité écologique sur des cours d'eau à valeur écologique reconnue ; que, par suite, ces décisions de classement constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
6. Considérant que les dispositions contestées prévoient, pour l'établissement de ces listes, la consultation des comités de bassin ; que l'
7. Considérant, toutefois, que la loi du 27 décembre 2012 susvisée a notamment donné une nouvelle rédaction de l'
8. Considérant que ces dispositions ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2013 ; qu'avant cette date, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n'assuraient la mise en œuvre du principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques en cause ; que, par suite, en adoptant les dispositions contestées sans fixer les conditions et limites du principe de la participation du public, le législateur avait méconnu l'étendue de sa compétence ;
9. Considérant que, d'une part, l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2013, de l'
10. Considérant que, d'autre part, au 1er janvier 2013, les listes de cours d'eau avaient été arrêtées en application des dispositions contestées pour les bassins de Loire-Bretagne, de Seine--Normandie, d'Artois-Picardie et de Rhin-Meuse ; que la remise en cause des effets que ces dispositions ont produits avant le 1er janvier 2013 entraînerait des conséquences manifestement excessives ; que les décisions prises avant le 1er janvier 2013 sur le fondement des dispositions qui étaient contraires à la Constitution avant cette date ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ;
11. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
Décide :
Article 1
Le paragraphe I de l'
Article 2
Le paragraphe I de l'
Article 3
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées aux considérants 9 et 10.
Article 4
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mai 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 23 mai 2014.
COMMENTAIRELa procédure de classement des cours d'eau a été fixée par l'
article L. 214-17 du Code de l'environnement . Des requérants soutenaient que cette procédure, qui permet d'empêcher ou d'encadrer la création et l'exploitation d'installations de production hydroélectrique, était contraire au principe de participation du public (article 7 de la Charte de l'environnement). C'est dans ce cadre que le Conseil d'État a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).Le Conseil constitutionnel considère que le principe de participation du public est bien méconnu. La participation des comités de bassin pour l'établissement des listes de cours d'eau ne constitue pas un dispositif permettant la participation du public, du fait de leur composition dans laquelle les représentants des usagers ne sont que très minoritaires.
Les Sages constatent que, depuis le 1er janvier 2013 (date d'entrée en vigueur de la loi du 27 décembre 2012), le nouvel
article L. 120-1 du Code de l'environnement a mis fin à l'inconstitutionnalité constatée en prévoyant des mesures générales de participation du public. Par ailleurs, ils relèvent que cette inconstitutionnalité entraînerait des conséquences manifestement excessives. Ils estiment donc qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'abrogation des dispositions contestées.