Le juge peut enjoindre la reprise des relations contractuelles
Arrêt du 4 juin 2014 Conseil d'État
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 7 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune d'Aubigny-les-Pothées, représentée par son maire ; la commune d'Aubigny-les-Pothées demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC01362 du 28 mars 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant, à titre principal, à l'annulation du jugement n° 1000486 du 14 juin 2012 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne lui enjoignant de reprendre les relations contractuelles avec la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières ainsi qu'au rejet de la demande de cette dernière, à titre subsidiaire, à ce que soit ajoutée une clause à la convention du 16 décembre 1935 visant à ce que la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières lui verse une redevance d'occupation domaniale, et, à titre plus subsidiaire, à la nomination avant-dire droit d'un expert afin qu'il fixe les modalités de calcul de cette redevance d'occupation -domaniale ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mai 2014, présentée pour la commune d'Aubigny-les-Pothées ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Natacha Chicot, auditeur,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune d'Aubigny--les-Pothées ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention signée le 16 novembre 1935, la commune d'Aubigny et la commune de Charleville sont convenues que les immeubles et installations réalisés par la commune d'Aubigny en vue du captage des eaux de la Grande Fontaine et situés sur la parcelle n° 102 section C seraient gérés par la commune de Charleville ; qu'en contrepartie, cette commune s'est engagée à maintenir les ouvrages en bon état et à assurer l'alimentation suffisante du réservoir de la commune d'Aubigny ; que, par trois arrêtés préfectoraux des 29 mai 1936, 13 juin 1986 et 2 juin 2008, les travaux de dérivation des eaux de source de la Grande Fontaine entrepris par la commune de Charleville, à laquelle s'est substituée à compter de 1966 la commune de Charleville-Mézières puis, à compter de 2005, la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières, ont été reconnus d'utilité publique ; qu'en application de l'
2. Considérant, en premier lieu, que la commune d'Aubigny-les-Pothées soutient que la cour administrative d'appel de Nancy aurait commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que ni la volonté d'exploiter directement la source d'eau de la Grande Fontaine ni la dégradation de ses relations avec la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières ne pouvaient être regardées comme un motif d'intérêt général suffisant pour justifier la résiliation de la convention du 16 novembre 1935 ; que la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits ni d'erreur de droit en jugeant, après avoir notamment relevé que la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles et que la convention du 16 novembre 1935 ne faisait pas obstacle à ce que la commune d'Aubigny-les-Pothées décidât la réorganisation de son service de distribution d'eau potable, que les motifs invoqués par la commune n'étaient pas suffisants pour justifier la résiliation de la convention ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune ne pouvait, en tout état de cause, compte tenu, d'une part, du transfert de gestion de la parcelle n° 102 section C à la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières et, d'autre part, du défaut d'autorisation préfectorale pour l'utilisation de l'eau en vue de la consommation humaine prévue par les
3. Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique en jugeant que l'accroissement de la population desservie par la source de la Grande Fontaine exploitée par la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières n'était pas de nature à bouleverser l'équilibre de la convention du 16 novembre 1935 dès lors qu'il n'était pas établi, comme l'a relevé la cour par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que cet accroissement ait pu faire obstacle à la fourniture gratuite en eau de la commune d'Aubigny-les-Pothées et que, en tout état de cause, l'exploitation de la source de la Grande Fontaine par la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières pour l'alimentation en eau potable d'une part significative de la population du département trouve désormais son fondement non dans la convention du 16 novembre 1935 mais dans les arrêtés préfectoraux cités au point 1 ;
4. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 2123-3 du code général des propriétés publiques : " Lorsque le transfert de gestion ne découle pas d'un arrêté de cessibilité pris au profit du bénéficiaire d'un acte déclaratif d'utilité publique, la personne publique propriétaire peut décider de modifier l'affectation de l'immeuble transféré et mettre fin au transfert de gestion. Dans ce cas, la personne publique bénéficiaire peut, sauf conventions contraires, prétendre à une indemnité égale, sous déduction de l'amortissement effectué et, le cas échéant, des frais de remise en état acquittés par le propriétaire, au montant des dépenses exposées pour les équipements et installations réalisés conformément à l'affectation prévue au premier alinéa " ; que si la commune d'Aubigny-les-Pothées soutient que la cour administrative d'appel de Nancy aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en ne tirant pas les conséquences de ces dispositions sur sa faculté de résiliation de la convention, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, comme il l'a déjà été dit, qu'en tout état de cause le transfert de gestion de la parcelle n° 102 section C résultait, à la date de la résiliation de la convention du 16 novembre 1935, non de cette convention mais d'un arrêté préfectoral portant notamment déclaration d'utilité -publique ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la commune d'Aubigny-les-Pothées ne peut qu'être rejeté et, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de la commune d'Aubigny-les-Pothées est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Aubigny-les-Pothées et à la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières.
COMMENTAIRELa commune C s'est engagée par convention avec une commune A à exploiter sur le territoire de cette dernière des ouvrages de captation d'eau. En contrepartie, la commune C devait maintenir en bon état les installations correspondantes. La commune A a, postérieurement, résilié ce contrat. La commune C, à laquelle s'était substituée une communauté de communes, a demandé au juge d'enjoindre la reprise des relations contractuelles.
Le Conseil d'État juge que la résiliation du contrat ne pouvait être prononcée. La commune a le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat la liant à une autre personne publique pour un motif d'intérêt général. Mais, en l'espèce, ce dernier n'est pas établi, la commune ne démontrant pas en quoi le contrat l'empêchait de procéder à une réorganisation du service public de distribution d'eau potable.
Le pouvoir de résiliation unilatérale d'un contrat administratif appartient à toute personne publique, même si son cocontractant est également une autre personne publique. La présente décision fait également application de la jurisprudence « Béziers II » (
CE, 21 mars 2011, n° 304806 ) permettant au juge administratif d'enjoindre aux parties de reprendre la relation contractuelle à laquelle l'une d'entre elles a irrégulièrement mis un terme.
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