L'exploitant de fait doit supporter les coûts prévus par le contrat

Remise en état d'un site pollué -

Arrêt du 3 juin 2014 Cour administrative d'appel de Bordeaux CAA Bordeaux du 3 juin 2014, n° 12BX03107, « Commune d'Audenge c/ société Edisit »

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Vu la requête enregistrée le 10 décembre 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 14 décembre 2012, présentée pour la commune d'Audenge, représentée par son maire en exercice, par Me A... ;

La commune d'Audenge demande à la cour :

1) d'annuler le jugement n° 1001392 du 11 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre exécutoire émis le 9 février 2010 par la commune d'Audenge pour avoir paiement d'une somme de 1 492 667 euros correspondant à des compléments de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) procédant de redressements effectués au titre des années 2001, 2002, 2003, 2005, 2006 et 2007 ainsi que les titres exécutoires émis les 5 et 9 février 2010 par la commune pour avoir paiement d'une somme 18 071 362,59 euros correspondant à la réalisation de divers travaux de réhabilitation du site de stockage de déchets de la commune d'Audenge exploité par la société Edisit ;

2) de mettre à la charge de la société Edisit la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2014 :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que par contrat du 26 février 1997, la commune d'Audenge a confié - pour son propre compte et à ses propres risques - à la société Multi-Bennes Services, devenue la société Edisit, l'exploitation de la zone B du centre d'enfouissement technique et de stockage de déchets qu'un arrêté préfectoral avait autorisé sur le territoire de la commune ; que la société Edisit ayant été mise en liquidation judiciaire le 27 janvier 2009, la commune a adopté le 27 janvier 2010 une délibération récapitulant les créances qu'elle estimait détenir à l'encontre de la société et émis dix titres exécutoires, faisant chacun référence à un article du contrat du 26 février 1997 et à la délibération du 27 janvier 2010, pour poursuivre le paiement par la SCP Silvestri-Baujet, mandataire liquidateur judiciaire de la société Edisit, des sommes correspondantes ; que la commune d'Audenge relève appel du jugement du 11 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces titres exécutoires au motif qu'ils ne satisfaisaient pas aux exigences de motivation de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

2. Considérant qu'un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il a été émis ; qu'en application de ce principe, une personne publique ne peut mettre en recouvrement une recette sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge du débiteur ;

3. Considérant que les deux titres exécutoires n° 4/2010 et 6/2010 du 9 février 2010, émis le premier pour un montant de 1 639 102,02 euros au titre de " travaux de couverture et de fin d'exploitation - créance à échoir ", le second pour un montant de 15 356 831,29 euros au titre de " travaux de réhabilitation et de suivi du traitement du site " ne précisent pas eux-mêmes les éléments permettant de déterminer le montant des sommes dont le paiement est poursuivi ; que s'ils font référence au contrat du 26 février 1997 et à la délibération du 27 janvier 2010, ces documents ne mettent pas davantage le mandataire-liquidateur de la société Edisit en mesure de discuter utilement les bases de liquidation des sommes en vue du recouvrement desquelles ces titres ont été émis ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les bases et éléments de calcul du montant des travaux à échoir aient été adressés précédemment à la société Edisit ou à la SCP Silvestri-Baujet ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les titres exécutoires émis le 9 février 2010 par la commune pour avoir paiement des sommes de 1 639 102,02 euros et de 15 356 831,29 euros correspondant à la réalisation de divers travaux de réhabilitation du site de stockage de déchets de la commune d'Audenge exploité par la société Edisit ;

4. Considérant que les titres exécutoires n° 459/09, n° 460/09, n° 461/09, n° 462/09, n° 463/09, n° 464/09 et n° 465/09, émis les deux premiers pour des montants de 26 642,17 euros et de 35 000 euros au titre de " travaux de remise en état après la tempête ", le troisième pour un montant de 8 947,41 euros au titre de " l'étude de mise en conformité réalisée par la société ANTEA (pour un tiers du montant, subventions déduites) ", le quatrième pour un montant de 941 133,83 euros au titre de " travaux de couverture et de fin d'exploitation suite à la mise en demeure préfectorale du 9 mars 2009 ", le cinquième pour un montant de 10 075,68 euros au titre du " raccordement des puits du casier n°11 au réseau de pompage des lixiviats ", le sixième pour un montant de 48 206,33 euros au titre de " la sécurisation de la production du biogaz " et le dernier pour un montant de 5 423,86 euros au titre des " travaux de réparation de la torchère " indiquent suffisamment les bases de liquidation des sommes dont le remboursement est demandé par la commune et renvoient à la délibération du 27 février 2010 qui précise l'objet des créances et aux clauses du contrat du 26 février 1997 qui constituent le fondement de ces créances et détaillent les obligations à la charge de la société Edisit ; qu'ils satisfont ainsi aux exigences de motivation susrappelées alors même que n'y ont pas été annexées les factures dont le remboursement est poursuivi par la commune ; qu'il en va de même pour le titre exécutoire n° 5/2010 du 9 février 2010 émis par la commune d'Audenge pour avoir paiement d'une somme de 1 492 667 euros au titre du " redressement TGAP sur les années 2001 à 2007 " sur le fondement de la délibération du 27 janvier 2010 et de l'article 4 du contrat du 26 février 1997 selon lequel " Le preneur acquittera, en outre, tous les impôts, taxes et contributions, droits et charges qui pourraient être dus du fait de l'exploitation des lieux loués par les présentes de manière à ce que le bailleur ne soit jamais inquiété ni recherché à ce sujet. En particulier, le preneur s'acquittera de toutes les taxes instituées par la loi et relatives aux activités de stockage des déchets, notamment celles instituées par l'article 8 de la loi du 13 juillet 1992 (...) " ; que le renvoi à ces documents, et notamment à la clause contractuelle qui constitue le fondement de la créance en vue du recouvrement de laquelle le titre a été émis, suffisait pour rappeler à la SCP Silvestri--Baujet les bases de liquidation de la somme en cause alors même qu'il ne faisait pas apparaître le détail du calcul des compléments de taxe réclamés à la commune par le service des impôts ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif que ces huit titres exécutoires ne satisfaisaient pas aux exigences de motivation de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, qui au demeurant n'était plus applicable, pour les annuler ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Edisit devant le tribunal administratif ;

6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales n'ont pas pour effet d'exiger des collectivités territoriales, dont les créances sont dépourvues de caractère fiscal, qu'elles fassent précéder l'émission d'un titre exécutoire d'une mise en demeure ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le défaut de mise en demeure préalable rendrait irrégulière la procédure ayant abouti à l'émission des titres contestés ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, pour demander l'annulation des titres en litige, la société Edisit soutient que la commune d'Audenge étant toujours l'exploitant en titre de l'installation en cause, en l'absence de substitution régulière d'exploitant, c'est à cette dernière qu'incombe l'obligation de remise en état des lieux ; que toutefois, il résulte du contrat d'exploitation du 26 février 1997 que la société Edisit a bien été chargée de l'exploitation du site ; que par l'émission des titres en litige la commune d'Audenge n'a pas demandé à la société Edisit de répondre aux obligations légales issues du code l'environnement mais de respecter les obligations du contrat d'exploitation du 26 février 1997 qui n'avait pas été annulé ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de remise en état ne pourrait peser sur la société Edisit est, en tout état de cause, -inopérant ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la société Edisit ne peut utilement contester la créance née de la convention conclue le 26 février 1997 entre les parties en faisant valoir que les arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploiter annexés à cette convention ont été abrogés, dès lors que l'abrogation de l'arrêté réglementant l'autorisation d'exploiter, au demeurant par un arrêté du 26 octobre 2006 qui ne modifie ni le périmètre ni le champ d'application de la convention, est sans incidence sur l'application de celle-ci définissant les obligations contractuelles des parties ; que, par suite le moyen doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Audenge est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les titres exécutoires des 8 et 9 février 2010 n° 459/09, 460/09, 461/09, 462/09, 463/09, 464/09, 465/09 et n°5/2010 et à demander l'annulation de ce jugement dans cette mesure ;

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les -dépens ;

Décide :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 octobre 2012 est annulé en tant qu'il a annulé les titres exécutoires des 5 et 9 février 2010 n° 459/09, 460/09, 461/09, 462/09, 463/09, 464/09, 465/09 et n° 5/2010 émis par la commune d'Audenge.

Article 2 : La demande présentée par la SCP Silvestri-Baujet devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée en tant qu'elle concerne les titres exécutoires mentionnés à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

COMMENTAIRE

Une commune a confié l'exploitation d'un centre de stockage de déchets à une société qui, par la suite, fut mise en liquidation judiciaire. La commune a émis des titres exécutoires pour récupérer les sommes dues au titre des travaux de remise en état. Le liquidateur a contesté la légalité de ces titres au motif que la commune, titulaire en titre de l'autorisation d'exploiter, devait seule supporter les coûts liés aux obligations découlant de la législation sur les installations classées.

La cour administrative d'appel juge que l'exploitant de fait n'était pas dispensé de supporter les coûts liés à la remise en état du site. La commune n'a pas demandé à la société de répondre aux obligations légales issues du Code de l'environnement mais de respecter les obligations du contrat d'exploitation.

L'exploitant de fait tentait de faire diversion en interposant la législation sur les installations classées pour s'exonérer de ses obligations contractuelles. Or, si la responsabilité administrative des obligations en matière de remise en état pèse bien sur l'exploitant en titre et est intransférable, la charge financière peut, elle, être transférée. C'est ce que prévoyait le contrat d'exploitation, justifiant l'émission des titres exécutoires.

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