La transaction pénale visée par une question prioritaire de constitutionnalité

Sanctions -

Arrêt du 27 juin 2014 Conseil d'État CE du 27 juin 2014, n° 380652, « Association France Nature Environnement »

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Vu le mémoire, enregistré le 26 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'association France nature environnement, dont le siège est 10, rue Barbier au Mans (72000), représentée par son secrétaire national, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; l'association France nature environnement demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2014-368 du 24 mars 2014 relatif à la transaction pénale prévue à l'article L. 173-12 du code de l'environnement, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 173-12 du code de l'environnement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son arti-cle 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'environnement, notamment son article L. 173-12 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que l'article L. 173-12 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement, ratifiée par le V de l'article 17 de la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable prévoit que l'autorité administrative peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite des contraventions et délits prévus et réprimés par le code de l'environnement, que la transaction proposée par l'administration et acceptée par l'auteur de l'infraction est homologuée par le Procureur de la République et que l'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans les délais impartis l'intégralité des obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction ;

3. Considérant que les dispositions de l'article L. 173-12 du code de l'environnement, qui constituent la base légale du décret du 24 mars 2014 attaqué, sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ; que la question de savoir si elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment celle de savoir si la transaction pénale qu'elles prévoient peut être qualifiée de sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, présente un caractère sérieux ; qu'il y a lieu, par suite, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

Décide :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 173-12 du code de l'environnement est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association France nature environnement jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association France nature environnement et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

COMMENTAIRE

L'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et judiciaire du Code de l'environnement a étendu la possibilité de transiger à toute infraction au droit de l'environnement. Auparavant, la transaction pénale n'existait qu'en matière d'eau et de parcs nationaux. Le décret n° 2014-368 du 24 mars 2014 pris en vertu de cette ordonnance fait l'objet d'un recours contentieux.

La transaction pénale peut constituer une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le Conseil d'État juge cette question suffisamment sérieuse pour la transmettre au Conseil constitutionnel par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question portera sur la conformité à la Constitution de l'article L. 173-12 du Code l'environnement qui sert de base légale au décret en cause.

L'article L. 173-12 permet à l'autorité administrative, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, de transiger avec les auteurs d'infractions. Il est très critiqué par les associations de défense de l'environnement qui craignent que cela ne réduise à peau de chagrin les sanctions financières applicables. Si le Conseil constitutionnel qualifie de « punition » la transaction pénale, cet article pourrait être invalidé.

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