Le régime de l'enregistrement peut imposer des obligations plus strictes

Installations classées (ICPE) -

Arrêt du 16 juillet 2014 Conseil d'État CE du 16 juillet 2014, n° 365522, « Conseil national des professions de l'automobile c/ ministre de l'Écologie »

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Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le Conseil national des professions de l'automobile, dont le siège est 50, rue Rouget de Lisle à Suresnes Cedex (92158), représenté par son président ; le Conseil national des professions de l'automobile demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 26 novembre 2012 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2712-1 (installation d'entreposage, dépollution, démontage ou découpage de véhicules terrestres hors d'usage) de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, ou, à titre subsidiaire, les dispositions de l'article 41 en ce qu'il est applicable aux installations existantes, et des articles 13, 15, 20, 42 et 44 de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 juin 2014, présentée par le Conseil national des professions de l'automobile ;

Vu la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, faite à Aarhus le 25 juin 1998 ;

Vu la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-7 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " I.- Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. / Les activités pouvant, à ce titre, relever du régime d'enregistrement concernent les secteurs ou technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus, lorsque les installations ne sont soumises ni à la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles au titre de son annexe I, ni à une obligation d'évaluation environnementale systématique au titre de l'annexe I de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. / II. - Les prescriptions générales peuvent notamment prévoir : / 1° Des conditions d'intégration du projet dans son environnement local ; / 2° L'éloignement des installations des habitations, des immeubles habituellement occupés par des tiers, des établissements recevant du public, des cours d'eau, des voies de communication, des captages d'eau ou des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers. / III. - Les projets de prescriptions générales font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques et consultation des ministres intéressés, ces prescriptions générales sont fixées par arrêté du ministre chargé des installations classées. / La publication d'un arrêté de prescriptions générales est nécessaire à l'entrée en vigueur du classement d'une rubrique de la nomenclature dans le régime d'enregistrement. / L'arrêté fixant des prescriptions générales s'impose de plein droit aux installations nouvelles. Il précise, après avis des organisations professionnelles intéressées, les délais et les conditions dans lesquels il s'applique aux installations existantes " ;

2. Considérant qu'un décret du 26 novembre 2012 a modifié la rubrique 2712-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement relative aux installations d'entreposage, de dépollution, de démontage ou de découpage de véhicules terrestres hors d'usage (VTHU) ; qu'à la suite de ce décret, le ministre chargé des installations classées a pris, le 26 novembre 2012, un arrêté relatif à la prévention des risques présentés par ces installations désormais soumises, au titre de la rubrique 2712-1 de cette nomenclature, aux dispositions du I de l'article L. 517-12 relatives au régime de l'enregistrement ; que le Conseil national des professions de l'automobile conteste cet arrêté dont il demande, à titre principal, l'annulation pour excès de pouvoir de l'ensemble des dispositions et, à titre subsidiaire, l'annulation de certaines seulement de ses -dispositions ;

Sur la légalité externe ;

3. Considérant que la régularité de la procédure de participation du public de l'arrêté attaqué doit être appréciée au regard des dispositions du III de l'article L. 512-7 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, dès lors que l'article L. 120-1 du code de l'environnement n'est applicable aux décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics qu'en l'absence de " disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'arrêté a fait l'objet d'une publication sur le site internet du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 19 mars au 8 avril 2012 et d'un référencement sur le site internet du Premier ministre ; que, par suite, le CNPA n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du III de l'article L. 512-7 auraient été méconnues ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention -d'Aarhus : " Chaque Partie s'emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié - et tant que les options sont encore ouvertes - durant la phase d'élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement " ; que ces stipulations créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne ; qu'elles ne peuvent, par suite, être utilement invoquées ;

5. Considérant que si des modifications ont été apportées au projet d'arrêté entre sa soumission pour avis aux organisations professionnelles intéressées et sa présentation au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, il ressort des pièces du dossier que ces modifications ne posaient aucune question nouvelle susceptible de justifier une nouvelle consultation des organisations professionnelles ;

6. Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 512-7 en vertu desquelles l'arrêté " précise, après avis des organisations professionnelles intéressées, les délais et les conditions dans lesquels il s'applique aux installations existantes " auraient été méconnues n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Sur la légalité interne ;

7. Considérant que l'arrêté attaqué a prévu que certaines de ses prescriptions ne seraient pas applicables aux installations existantes et que les autres prescriptions ne seraient applicables qu'à compter du 1er juillet 2013 ; que la circonstance que les installations existantes relevant antérieurement du régime de l'autorisation sont désormais soumises à des prescriptions générales, alors même que l'application de ce nouveau régime a pour conséquence la prescription d'obligations nouvelles, ne constitue pas en elle-même une obligation disproportionnée par rapport à ce qu'exige la protection des intérêts mentionnés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

8. Considérant que les arti-cles 13 et 15 de l'arrêté attaqué imposent, d'une part, la réalisation de voies nouvelles destinées à garantir l'accès et la circulation d'engins de secours à l'intérieur du site et, d'autre part, une distance d'au moins 4 mètres entre le lieu du dépôt de déchets ou matières combustibles et la clôture de l'installation ; que si le requérant soutient que ces dispositions entraînent la réduction de la surface consacrée à l'activité de traitement des véhicules terrestres hors d'usage, qui pourrait être néfaste à l'exploitation des installations de taille moyenne, elles n'imposent toutefois pas des obligations excédant ce qu'implique les objectifs de sécurité publique, de protection de l'environnement et de prévention des pollutions qu'elles poursuivent, compte tenu de l'importance des risques d'incendie que présentent les installations de traitement de véhicules hors d'usage ; que, par suite, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'elles porteraient atteinte à la liberté d'entreprendre ;

9. Considérant que ni les dispositions de l'article 20, qui imposent de doter les installations de moyens de lutte et d'alerte contre les incendies dont le nombre et l'importance varient en fonction de la taille de l'établissement, ni celles de l'article 44, qui obligent l'exploitant à établir et à tenir à jour un registre où sont consignées diverses informations relatives aux déchets issus de la dépollution des véhicules, n'imposent à ces installations des charges qui excéderaient ce qu'implique les objectifs de sécurité publique, de protection de l'environnement et de prévention des pollutions qu'elles poursuivent ; que, par suite, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'elles porteraient atteinte à la liberté d'entreprendre ;

10. Considérant que les dispositions du I du quatrième alinéa de l'article 41 et du II de l'article 42 n'ont pas, en prescrivant d'imperméabiliser, d'une part, les zones d'entrepôt des véhicules en atteinte d'expertise, d'autre part, les zones où les véhicules font l'objet d'opérations de cisaillage et de pressage, imposé une obligation qui excéderait ce qu'implique l'objectif de protection de l'environnement et de prévention des pollutions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures alternatives, telle la mise en place de films protecteurs ou de dispositifs de collecte ou de rétention des écoulements, préconisées par le requérant, auraient permis d'assurer une efficacité équivalente, eu égard notamment aux risques de pollution et d'incendie ; que le CNPA n'est par suite pas fondé à soutenir que l'arrêté a imposé aux installations, y compris aux installations existantes, des mesures qui auraient un caractère disproportionné aux risques courus et auraient méconnu le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et, en tout état de cause, le principe de la liberté d'entreprendre ;

11. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

12. Considérant que l'arrêté attaqué, applicable aux seules installations soumises au régime de l'enregistrement en vertu du décret du 26 novembre 2012, n'introduit, par lui-même, aucune différence de traitement entre ces installations et les autres installations, notamment celles soumises au régime de l'autorisation ; que la circonstance que les prescriptions générales édictées par cet arrêté seraient, pour certaines installations soumises à autorisation avant l'entrée en vigueur du nouveau régime, plus contraignantes que les prescriptions auxquelles les soumettaient auparavant leur autorisation, n'est pas davantage constitutive d'une rupture d'égalité entre les installations soumises au nouveau régime ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité doit être écarté ;

13. Considérant, enfin, que la circonstance que l'arrêté du 26 novembre 2012, auquel les centres VTHU relevant de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement visés par cet arrêté doivent se conformer, établit, pour les mêmes opérations, des règles techniques différentes de celles de l'arrêté du 2 mai 2012, qui fixe les conditions de l'agrément des exploitants des centres VHU de toute nature, n'est pas de nature à nuire à l'intelligibilité de l'arrêté attaqué ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Conseil national des professions de l'automobile n'est fondé à demander l'annulation ni de l'arrêté attaqué ni des dispositions de cet arrêté qu'il attaque à titre subsidiaire ; que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

Décide :

Article 1er : La requête du Conseil national des professions automobiles est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des professions de l'automobile et au ministre de l'écologie, du développement durable et de -l'énergie.

COMMENTAIRE

Un arrêté du 26 novembre 2012 a fixé de nouvelles prescriptions générales applicables aux installations classées exerçant l'activité d'entreposage, dépollution et découpage de véhicules terrestres hors d'usage. Certaines installations classées existantes, relevant auparavant du régime de l'autorisation, relèvent désormais du régime de l'enregistrement et sont soumises à des prescriptions générales leur imposant des obligations plus contraignantes.

Pour le Conseil d'État, le fait d'imposer à des installations soumises antérieurement au régime de l'autorisation des prescriptions plus strictes sous le régime de l'enregistrement ne constitue pas une rupture du principe d'égalité. L'arrêté n'a introduit aucune différence de traitement entre les installations soumises à autorisation et les installations soumises à enregistrement.

Le Conseil d'État rappelle sa jurisprudence classique : le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement en résultant soit en rapport direct avec l'objet de la norme et ne soit pas disproportionnée. En l'espèce, il juge qu'il n'y a aucune différence de traitement entre les différentes installations.

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